Vaccins, covid et contraception féminine : les risques exacerbés de thromboses liés à la pilule oestro-progestative

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Estelle Fougères, pour FranceSoir
Publié le 16 janvier 2023 - 19:20
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Jean-Marc Sabatier
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FranceSoir
Jean-Marc Sabatier, directeur de recherche au CNRS et docteur en biologie cellulaire et microbiologie à Marseille
FranceSoir

ENTRETIEN – Jean-Marc Sabatier, directeur de recherche au CNRS et docteur en biologie cellulaire et microbiologie à Marseille, revient sur les événements thrombotiques survenus suite à une vaccination anti-Covid-19 ou une infection par le Sars-CoV-2. Des cas de thromboses qui peuvent également être multipliés ou aggravés, selon lui, chez des patientes sous contraception après des injections vaccinales. 

Nous précisons que Jean-Marc Sabatier s’exprime ici en son nom.

Estelle Fougères – Une des complications majeures de la vaccination anti-Covid ou d'une infection au virus Sars-CoV-2 est le déclenchement d'une coagulation sanguine via la production d'un excès de fibrine. Pour détecter la présence d’un caillot sanguin (ou thrombus), le dosage des D-dimères peut être effectué. Les D-dimères proviennent de la dégradation de la fibrine lors d’une fibrinolyse par la plasmine, et lorsque leurs taux sont élevés (au-delà de 500 nanogrammes par millitre), ils alertent sur le danger d'une possible thrombose veineuse profonde (phlébite) ou d'une embolie pulmonaire.

Au-delà de la vaccination anti-Covid-19, existe-t-il d’autres facteurs qui pourraient aggraver ou favoriser cette pathologie ?

Jean-Marc Sabatier – Oui, la contraception. La contraception a pour objectif d’empêcher une grossesse non désirée. Il existe de nombreux modes de contraception : pilule contraceptive, dispositif intra-utérin, patch et implant, préservatif masculin ou féminin, anneau vaginal, diaphragme ou cape cervicale, progestatifs injectables, spermicides, voire stérilisation.

Dans le cas de la pilule contraceptive (mode de contraception le plus utilisé en France, car il concerne plus de 70% des adolescentes/femmes de 15 à 49 ans), la prise par voie orale d’un contraceptif hormonal combiné est répandue chez les personnes non enceintes ou non stériles en âge de procréer.

Il existe néanmoins une baisse de 15% de l’utilisation de la pilule contraceptive au cours de la dernière décennie, notamment chez les jeunes femmes de moins de 30 ans du fait - entre autres - d’une controverse sur des sur-risques d’effets secondaires (thrombose veineuse ou artérielle) liés aux pilules plus récentes de 3ᵉ et 4ᵉ génération ; celles-ci ont été produites afin de « limiter les effets indésirables » (migraines, nausées, troubles vasculaires, gonflement des seins, etc.) des fortes doses d’œstrogènes, mais présentent en pratique un risque supérieur d’évènements thrombo-emboliques.

La pilule contraceptive combinée (comme les anneaux vaginaux et patchs appartenant également aux contraceptifs hormonaux combinés) comporte deux molécules actives : un œstrogène (e.g. éthinylestradiol, estradiol ou estétrol) et un progestatif (e.g. drospirénone qui mime la progestérone naturellement produite pendant un cycle menstruel). Ces molécules affectent l’équilibre hormonal dans le but de prévenir l’ovulation.

Il existe aussi des pilules qui contiennent uniquement un progestatif (e.g. drospirénone, lévonorgestrel ou désogestrel). Ces pilules plus simples, de contraception hormonale progestative seule, présentent un profil de tolérance différent de celui de la pilule contraceptive combinée. L’utilisation des pilules à base de progestatif seul a doublé en 10 ans tandis que celle des pilules oestro-progestatives combinées a diminué d’environ 36% durant le même période.

Les effets indésirables de la pilule oestro-progestative (pouvant toucher jusqu’à 10% des personnes) sont principalement les migraines, l’acné, les troubles gastro-intestinaux (vomissement, diarrhée), la métrorragie (saignements irréguliers entre les règles), et la dysménorrhée (règles douloureuses et saignements vaginaux). Ce type de pilule ne doit pas être utilisé chez les personnes ayant eu des problèmes antérieurs de saignements génitaux anormaux ou de formation de caillots sanguins (traitement par des anti-coagulants), ainsi que de troubles (y compris cancer) rénaux ou hépatiques. Ainsi, les risques de thrombo-embolie veineuse ou TEV (embolie pulmonaire et thrombose veineuse profonde) mais également de thrombo-embolie artérielle (TEA) associés à la pilule oestro-progestative ne sont pas négligeables. Plus rarement, les évènements thrombotiques peuvent affecter les vaisseaux sanguins (artères, artérioles, veines, veinules, et capillaires) du rein, du foie, du mésentère, et de l’œil (rétine). L’incidence des TEV (elles sont mortelles dans 1 à 2% des cas) est d’environ 6 à 12 sur 10 000 femmes ayant reçu un contraceptif hormonal combiné sur une période d’un an, comparé à 2 sur 10 000 femmes (non enceintes) n’ayant pas reçu ce traitement. Les autres facteurs de risques associés à un tel traitement contraceptif sont principalement l’hypertension artérielle et la dyslipoprotéinémie sévères, le diabète avec des symptômes vasculaires, l’insuffisance rénale et les atteintes hépatiques. Les personnes avec des antécédents familiaux de TEV (prédisposition héréditaire), ou obèses, ou ayant subi une intervention chirurgicale ou une immobilisation prolongée, et autres affections (cancers, maladies auto-immunes, etc.), sont davantage susceptibles de faire une TEV.

Il est important de mentionner qu’il existe une augmentation du risque de thrombo-embolie durant la grossesse et la période allant de l’accouchement au retour des règles (période puerpérale d’une durée d’environ six semaines). Ces risques sont fortement exacerbés par les injections vaccinales anti-Covid-19.

Estelle Fougères – L’augmentation des événements pro-thrombotiques chez les patients infectés par le Sars-CoV-2 est avérée. C’est l’une des complications du Covid-19 en phase aiguë (orage cytokinique) et/ou plus tardive (Covid long). Cette complication, très présente au-début de l’épidémie, fin 2019, début 2020, a été de moins en moins observée chez les patients infectés par le Sars-CoV-2 à mesure que ses variants et ses sous-variants étaient plus contagieux, mais moins létaux.

Cependant, l’infection ne semble pas être la cause principale de ces événements thrombotiques ; depuis le commencement de la vaccination en population générale, des cas de thromboses veineuses et artérielles existent chez les patients vaccinés avec tous les vaccins, qu’ils soient à vecteur adénovirus (AstraZeneca, Janssen) ou à ARN messager (Comirnaty de Pfizer/BioNTech ou Spikevax de Moderna).

Quels sont les phénomènes physiopathologiques qui expliquent cette réaction qui peut s’avérer fatale dans certains cas ?

Jean-Marc Sabatier - Lors d’une infection naturelle au SARS-CoV-2, ou d’une vaccination anti-Covid-19, la fixation de la protéine Spike (virale ou vaccinale) sur le récepteur ECA2 (= enzyme de conversion de l’angiotensine-2) des cellules cibles conduit à un dysfonctionnement potentiel du système rénine-angiotensine (SRA) et à la suractivation de son récepteur AT1R à l’origine des pathologies Covid-19 (le SRA contrôle les fonctions autonomes rénales, pulmonaires, cardio-vasculaires, ainsi que l’immunité innée et les microbiotes intestinal, vaginal, buccal et cutané). Le récepteur AT1R suractivé est pro-thrombotique, pro-inflammatoire (avec recrutement de thrombocytes/plaquettes sanguines), pro-hypertenseur, pro-oxydant, pro-hypoxémique, pro-hypoxique, pro-angiogénique, pro-fibrosant, pro-hypertrophiant et fait chuter le monoxyde d’azote NO (ce dernier est impliqué dans les phénomènes inflammatoires, immunitaires et mnésiques).

La vaccination anti-Covid-19 ou les injections vaccinales de rappel (ainsi que la Covid-19) peut fortement favoriser l’apparition d’évènements thrombo-emboliques lors de la prise d’une pilule contraceptive telle que la pilule oestro-progestative. Ces évènements thrombo-emboliques sont susceptibles d’apparaître préférentiellement au cours de la première année de prise d’une pilule oestro-progestative par les adolescentes, ce qui demande une vigilance particulière pour permettre une prise en charge immédiate et salvatrice.

En cas d’apparition de symptômes après une injection vaccinale, les personnes utilisant un contraceptif hormonal combiné doivent consulter en urgence un médecin. Les symptômes de la TEV concernent la thrombose veineuse profonde (gonflement d’une jambe ou d’un pied, sensation de douleur ou de chaleur dans une jambe, rougeur cutanée de la jambe) et l’embolie pulmonaire (tachycardie ou arythmie cardiaque, vertige, étourdissement, douleur thoracique, toux soudaine, essoufflement, accélération de la respiration). D’autres symptômes alarmants peuvent apparaître, tels qu’une vision trouble ou une perte de vision, le gonflement ou la coloration bleutée d’une extrémité.

Il existe également des risques de thrombo-embolie artérielle (TEA) potentiellement mortels, dont l’accident vasculaire cérébral (AVC, lorsque la circulation sanguine dans le cerveau est interrompue par un vaisseau sanguin bouché ou rompu) et l’infarctus du myocarde (caillot de sang se détachant d’une cavité cardiaque et bloquant une artère coronaire ne permettant plus l’alimentation appropriée du cœur en dioxygène). Ces évènements indésirables sont favorisés chez les personnes souffrant d’hypertension artérielle, de migraine, de diabète, d’obésité, de troubles cardiaques, d’une prédisposition héréditaire, de tabagisme, ou autres.

Les symptômes de l’AVC peuvent être un évanouissement, une migraine ou une confusion soudaine, des difficultés d’élocution ou de compréhension ou de coordination, une perte d’équilibre, l’engourdissement - concernant le plus souvent un seul côté du corps - d'un membre (jambe, bras) ou partie du visage, ainsi que des troubles de la vision.

Les symptômes de l’infarctus du myocarde peuvent être une tachycardie ou arythmie cardiaque, la transpiration, la suffocation, le vertige, la douleur (bras, thorax, région du sternum), l’essoufflement, les nausées et vomissements, une sensation de gêne irradiante (bras, dos, estomac, gorge et mâchoire).

Ainsi, il est important de pouvoir identifier au plus tôt les symptômes variés du thrombo-embolisme notamment chez les personnes vaccinées, afin de prévenir des formes graves voire mortelles  de la vaccination anti-Covid-19. Le SRA dysfonctionnel via son récepteur AT1R suractivé contribue à ce thrombo-embolisme parallèlement à l’utilisation de la pilule oestro-progestative chez les adolescentes et femmes en âge de procréer.

 

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