Militante féministe à Sciences Po Lille, rencontre avec Annabelle
Annabelle, vous êtes la secrétaire de l’association « BCBG » de Sciences Po Lille, pouvez-vous nous présenter cette association ?
Bon chic bon genre est une association "féministe et LGBT+ intersectionnelle". Nous oeuvrons à la fois dans des actions de sensibilisation grâce à des conférences ou des partages sur les réseaux sociaux, et des actions plus concrètes. Les années précédentes par exemple, l’association à lancé des demandes pour des toilettes "non genrées", cette année nous avons organisé une collecte de produits d’hygiène pour les personnes en situation de précarité, et nous avons fait une vente de protections périodiques durables à des coûts moindres au sein de l’établissement. Depuis quelques années, les associations féministes et LGBT+ sont bien implantées dans les Instituts d’Etudes Politiques (IEP), et il y a parfois des événements qui sont proposés en collaboration avec ces autres associations, par exemple Le Printemps féministe.
L’association BCBG a dû être fortement touchée par la vague d’accusations à caractère sexuel sur les réseaux depuis le hastag #Sciencesporcs, trouvez-vous que les réponses des différents Sciences Po ont-été adaptées à la situation ? Comment avez-vous géré cela avec votre association ?
En effet, Bon chic bon genre a été très sollicitée suite aux témoignages de violences sexistes et sexuelles au sein des IEP sur les réseaux, avec le #SciencesPorcs. Beaucoup de médias nous ont contactés. On ne s’attendait pas à une telle ampleur, car les victimes existent depuis toujours et avaient déjà parlé, mais ces derniers mois il y a eu un grand mouvement de témoignages. Les médias se sont très largement emparés de la question, en lien aussi avec l’affaire Duhamel à Sciences Po Paris. Il y a beaucoup de choses à dire à ce sujet. Déjà, c’est une bonne chose que ces violences soient connues de l’opinion publique car cela participe à la sensibilisation et au traitement de ce problème. Mais beaucoup d’étudiants sont surpris et déçus que cette vague de témoignages médiatisés ne se soit pas poursuivie dans les autres établissements d’études supérieures, notamment les écoles de commerce ou les facultés de médecine. Les violences existent là-bas aussi. Le fait que Sciences Po représente la supposée « élite de la nation » augmente le caractère polémique de ces violences. Ensuite, pour parler plus précisément de Sciences Po Lille, grâce à l’action des associations et de l’administration, des mesures étaient déjà prises pour interdire par exemple les activités de bizutage trop violentes, pour supprimer les chants à caractère discriminatoire et pour créer une Commission Egalité de Genres. Notre situation était déjà meilleure que dans d’autres IEP, mais il n’en reste qu’il y a toujours et encore des victimes et que les agresseurs ne sont pas punis. La peur doit changer de camp, et c’est pour cela que depuis plusieurs mois, nous travaillons d’arrache-pied pour préparer une rentrée plus sûre et éviter les violences sexistes et sexuelles. Personnellement avec la présidente Manon, nous avons eu des réunions avec notre directeur Pierre Mathiot, puis nous avons lancé des groupes de travail pour coordonner l’action des associations, de l’administration et de la Commission Egalité de Genres par rapport à la vie associative, à l’intégration, à la sensibilisation, à la formation et à l’aide aux victimes. Donc en quelques mois, il y a de très grands changements qui se préparent. J’espère qu'ils porteront leur fruit et qu'ils seront durables.
Étiez-vous au courant en tant qu’étudiante de ces polémiques ? Pensez-vous que des réels changements vont découler de cela ?
Je n’étais pas vraiment au courant car, heureusement, lorsque les victimes se confient et dénoncent leur agresseur, toute l’école n’est pas au courant sinon ce serait très malsain, mais il y a parfois des « on dit ». Cette année, étant secrétaire de l’association et impliquée aussi bien dans la communication aux médias que dans les groupes de travail, j’étais forcément plus au courant de ces problématiques. D’autant plus qu’une membre de l’association a lancé un projet de vidéo de sensibilisation avec des volontaires qui lisent des témoignages anonymes.
Comment peut-on soutenir l'association ?
C'est une vaste question. On peut tout de suite penser aux financements et au partage de nos actions mais en fait, ce qui se joue derrière cela c’est davantage soutenir la cause. Nous aider c’est agir vous, dans votre quotidien, en réprimant votre ami, collègue ou proche dès qu’il dit ou fait quelque chose de sexiste. Les associations œuvrent beaucoup mais le seul moyen pour accélérer le changement, c’est de pousser chacun et chacune à faire évoluer ses mentalités et celles des autres.
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