Emmanuel Todd, le point aveugle de sa pensée sur l’Occident
OPINION - Après avoir décrypté l’analyse à la fois brillante et originale de Todd, nous allons en révéler la limite, et l’aporie — qui fera symptôme pour tout l’espace médiatique français : pourquoi, à plusieurs reprises, s’en prend-il donc particulièrement à M. Donald Trump, président sortant des États-Unis ? Il semble en faire un facile bouc-émissaire de choix de la zombification de l’Amérique… Ah ? Non pas que je veuille ici spécifiquement sauver à tout prix le soldat (politique) Trump (j’ai d’ailleurs publié, dans ma revue littéraire Les Cahiers de Tinbad, un texte de Steven Sampson à charge contre lui, le jour de son élection : Ubu Trump) ; mais enfin il s’agit d’être juste :
- Trump n’a déclenché aucune guerre sous sa présidence
- Comment donc lui attribuer un état zéro du protestantisme, alors qu’il est lui-même baptisé, confirmé, et que selon le journal La Croix, il a fréquenté la « Reformed Church in America, fondée en 1628, pendant près de cinquante ans et s’y est marié religieusement avec sa première et sa seconde femme » ?
- Comment le rendre responsable d’un déclin des États-Unis que M. Todd explique lui-même par une dégringolade des valeurs morales protestantes ? M. Trump n’est-il pas un conservateur patriote ?
On n’y comprend plus rien ! S’il n’est certes pas un intellectuel (et le texte de Sampson garde toute sa saveur pour un lettré), rendons-lui ce qui lui appartient : le désir de rendre l’Amérique forte et souveraine de nouveau, par une réindustrialisation intérieure (« America First », « Make America Grat Again ») ; ce qui est le propre de nombreux projets souverainistes européens. Todd pense que c’est trop tard (manque de main-d’œuvre qualifiée et d’ingénieurs) ; mais a-t-on réellement essayé d’enrayer la désindustrialisation des pays d’Occident en faisant le ménage dans les zones obscures de la mondialisation (d’aucuns disent « immondialisation ») ?
Il semblerait que la cravate rouge de M. Donald Trump fasse l’effet d’un chiffon rouge pour nos taureaux intellectuels : tous, à un moment ou à un autre, se sont rués sur cette muleta, de Bernard Stiegler à Todd, pour le discréditer politiquement : il était à l’origine de tous les maux de l’Amérique — et même des morts du Covid. (Et alors que, très visiblement, il n’avait pas d’idée préconçue sur la crise, qu’il a essayé de la gérer au mieux, encourageant dans un premier temps, et par exemple, le traitement du docteur Raoult, quand les « progressistes » en faisaient une affaire politique, privant de soins et, privant de chance de survie, bon nombre de leurs concitoyens (voir à ce sujet l’édifiant film Epidemic of Fraud du documentariste John Davidson).)
Plus la crise du Covid avançait, et plus un intellectuel français comme moi réalisait « ceci » : en réalité nous avions été « gaslighted », c’est-à-dire abusés mentalement, par l’ensemble de la presse occidentale au sujet du « cas Trump ». En effet, si on regarde attentivement certaines de ses conférences de presse données à la Maison blanche, on se rend compte que c’est lui qui accusait régulièrement les journalistes d’être, eux, des propagateurs de Fake News, alors qu’un Stiegler nous avait présenté ce président disruptif (ce qu’il est, à bien des égards) comme à l’origine de la post-vérité. Il n’en était en fait rien ; la post-vérité est arrivée malgré Donald Trump, grâce à la toute-puissance des GAFAM. Et, lesdits journalistes des médias mainstream, pour se venger de ces affronts, ont retourné la vérité à leur avantage, le faisant passer pour un dangereux fou, dispensateur compulsif de fausses nouvelles et par là même, maître des milieux « complotistes ». Encore une fois, si on regarde attentivement l’intégralité du film Epidemic of Fraud, qui a comploté ? Bien sûr, c’est l’ensemble du complexe militaro-industriel américain, ce qu’on appelle l’État profond — que Trump lui-même a souvent dénoncé —, qui dirige sous nos yeux la marionnette sénile Joe Biden ; ce pourquoi son adversaire doit être éliminé comme « mauvais » messager d’une vérité qui dérange. Kafka écrivait dans son Journal, à la date du 27 janvier 1922, qu’écrire c’est faire « un bond hors du rang des meurtriers » ; combien aujourd’hui parmi les gendelettres s’en tiennent à cette position éthique nécessaire, bien que non suffisante ? Hum… Déjà que tant et tant d’entre eux n’ont même pas eu honte de se réclamer encore et toujours de celui qui avait écrit que « s’il n’y avait jamais eu de médecins, il n’y aurait jamais eu de malades », à savoir Artaud, et ce pendant toute la durée de la crise Covid où tout un chacun était présumé malade imaginaire…
Obnubilés par cette muleta, les intellectuels français n’ont pas vu que le clivage gauche/droite n’est plus vraiment opérant pour caractériser ce qui pourrait donner de l’espoir aux peuples, mais bien plutôt l’opposition oligarchies mondialistes / souverainistes et anarchistes. Telle est la thèse la plus originale du philosophe Mehdi Belhaj Kacem dans ses derniers livres, et en particulier dans Colaricocovirus (Exuvie), Le mausolée des intellectuels (Fiat Lux) et Le mythe transhumaniste (Tinbad) : « La plupart des catégories politiques préexistantes, et notamment droite et gauche, sont totalement impuissantes à nous en dire quoi que ce soit. » Et puis : « Au clivage droite/gauche, les Gilets jaunes ont substitué des paires conceptuelles antagoniques comme souverainisme/mondialisme, peuple/oligarchie, localisme/globalisme. Ce sont ces paires-là qui structurent le débat politique de demain. » À tel point que, selon le philosophe, si Marx lui-même « revenait parmi nous, il serait le premier à nous dire : “oubliez le clivage prolétariat/bourgeoisie. Nous ne sommes plus dans la lutte des classes. Nous sommes dans la lutte des castes” ». Vous aurez reconnu le programme explicite des « nouveaux “propriétaires du monde”, nommément le forum de Davos », caste qui a fait le casse du siècle avec son projet de Great Reset (captation de toutes les richesses au profit des géants du numérique et contre les PME).
L’on sait que Todd, durant la crise Covid, s’est montré bien peu perspicace, acceptant même l’idée de pass sanitaire ; c’est sans doute pour cela qu’il met Biden et Trump dans le même panier. Pourtant, n’est-ce pas l’administration Biden qui a instauré de nombreuses obligations vaccinales, faisant montre d’une attitude bien plus belliciste que celle de Trump ? Et si ce dernier, réélu, arrivait à imposer une paix plus qu’urgente en Ukraine pour stopper une guerre entre frères slaves qui n’a que trop duré ? On aurait bien sûr préféré défendre ici la candidature de Robert Kennedy Jr ; mais son anarchisme foncier le rend inaudible par les milieux d’argent, sans lesquels on ne peut pas espérer remporter une élection présidentielle américaine. Qui vivra verra…
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