La CPPAP est-elle licite ?
TRIBUNE - Telle est la question posée par le site FranceSoir au Tribunal administratif à propos de la décision de la CPPAP de ne pas renouveler sa qualité de service de presse en ligne.
À chaque crise, la France se cristallise, se polarise.
La crise du Covid, et sa gestion par le gouvernement, a fracturé, divisé les esprits.
La décision du 5 décembre dernier de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) montre à quel point le gouvernement n’a pas encore réussi à dépasser le stade des divisions.
Persuadé de détenir la vérité, il campe dans ses certitudes, et s’acharne à ne défendre qu’un seul côté de la pensée, la sienne, celui de la pensée unique, de la politique unique, du traitement unique.
Le site FranceSoir critiquant la politique vaccinale du gouvernement, il serait dangereux pour la santé.
Mais comme s’est exclamé Jean Jaurès à l’Assemblée, lors de la discussion de la loi de 1905 sur la séparation de l’église et de l’État : la France n’est pas schismatique, elle est révolutionnaire !
À l’époque, la France était divisée entre deux camps : les cléricaux, et les anticléricaux, les dreyfusards et les antidreyfusards.
Aujourd’hui, comme hier, nous ne pourrons sortir de ces divisions que par le haut, en revenant aux principes fondamentaux, sur lesquels tout le monde s’accorde.
La France n’est pas bipolaire, malade, et il n’est pas nécessaire de la soigner avec le même traitement, comme si elle était une seule et unique personne, sans tenir compte de sa diversité.
Sont ancrés dans son ADN, de beaux principes, à caractère révolutionnaire :
- Liberté d’expression et pluralisme des médias,
- Égalité et non-discrimination,
- Garantie des droits et séparation des pouvoirs,
- Droit à un procès équitable.
Or ce sont ces principes mêmes qui n’ont pas été respectés par la CPPAP.
Comment cette administration, rattachée au ministère de la Culture, et donc au gouvernement, pourrait-elle défendre le pluralisme des médias ?
Composée pour moitié de représentants du gouvernement, et pour l’autre moitié de représentants des entreprises de presse, comment pourrait-elle, en toute objectivité, dire que tel site mérite ou non la qualité de service de presse en ligne, et donc bénéficier d’aides ?
Dans sa structure même, la CPPAP n’est pas libre, indépendante, impartiale, et ne peut ainsi remplir sa tâche qui est d’assurer, au travers de ces aides, le pluralisme des médias.
Le litige avec FranceSoir pose donc la question de la licéité, de l’existence même de la CPPAP.
Mais, à notre tour, il faut se garder de ne pas se raidir.
Si le pouvoir exécutif a bien créé la CPPAP, c’est le législateur qui a adopté la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime de la presse.
Or ce dernier a confié au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions dans lesquelles pouvait être reconnu un service de presse en ligne, qualité nécessaire et préalable pour bénéficier d’aides (article 1 alinéa 3 de la loi de 1986).
Manifestement, le législateur n’a pas prévu suffisamment de garanties, de conditions, de garde-fous pour encadrer la liberté du gouvernement.
Il n’est pas ainsi étonnant que ce dernier ait créé une autorité en son sein chargée de délivrer le fameux sésame.
Pour éviter cela, est-ce que le législateur n’aurait pas dû prévoir, comme pour la presse écrite, papier, que l’autorité compétente, pour reconnaître le caractère d’information politique et générale doit être indépendante et impartiale ?
Est-ce qu’il n’aurait pas dû prévoir, comme pour la radio et la télévision, une autorité administrative indépendante, chargée du respect du pluralisme ?
Au-delà des querelles de clochers, des guerres d’édition, se pose ainsi la question fondamentale non seulement de la licéité de la décision, mais aussi de l’organe qui l’a rendu.
Une fois le diagnostic trouvé, encore faut-il trouver le bon traitement.
À notre connaissance, à moins que le pouvoir exécutif ou législatif s’en saisisse, le seul traitement possible apparaît judiciaire.
Ce dernier a le choix :
- Soit traiter le problème par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), laquelle lui a été posée à l’occasion du litige avec FranceSoir. Ce sera alors au Conseil constitutionnel d’examiner la constitutionnalité de l’article 1 de la loi de 1986 par rapport au bloc de constitutionnalité.
- Soit examiner lui-même la licéité de la décision de la CPPAP et des dispositions législatives et règlementaires à son origine, par rapport au bloc de conventionnalité.
Dans les deux cas, il s’agit d’étudier la licéité de la CPPAP au regard des libertés et droits fondamentaux.
Parmi ces derniers, celui de la liberté d’expression est l’un des plus précieux (article 11 de la DDHC, et article 10 de la CEDH).
Selon la Cour européenne des droits de l’homme, "peu importe que l’opinion dont il s’agit est minoritaire, et qu’elle peut sembler dénuée de fondement : dans un domaine où la certitude est improbable, il serait particulièrement excessif de limiter la liberté d’expression à l’exposé des seules idées généralement admises". (CEDH, 25 août 1998, Hertel/Suisse, §50)
Or, dans l’affaire FranceSoir, nous faisons face à une nouvelle maladie, avec des traitements nouveaux, conditionnels : rien n’est plus incertain.
Dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, malgré les assertions du gouvernement, il existe beaucoup d’incertitudes, et les autorités sanitaires ont dû revoir quasiment toutes leurs autorisations de mise sur le marché :
- Novembre 2020 : l’OMS recommande de ne pas utiliser le remdesivir pourtant autorisé en France et en Europe.
- Mars 2021 : suspension de l’autorisation du vaccin AstraZeneca
- Novembre 2021 : le vaccin Moderna est déconseillé aux moins de 30 ans
- Février 2022 : suspension du vaccin Janssen
Aujourd’hui, l’ANSM reconnaît de graves effets secondaires aux vaccins.
Quant aux traitements précoces comme l’hydroxychloroquine et l’Ivermectine, le Conseil de l’Ordre des médecins d’Île-de-France a considéré que le professeur Perronne qui s’était exprimé quant à l’utilité de ces derniers, en avait l’obligation. Il a même reconnu que ses prises de position ne constituaient pas un danger pour la santé.
On peine ainsi à comprendre comment un site comme FranceSoir, qui a été le principal site sur lequel s’est exprimé le professeur Perronne, puisse être censuré par Google, et désormais par la CPPAP.
Pour sa défense, le gouvernement invoque l’affaire « Vérité Santé Pratique » relatif à une revue qui avait contesté auprès des tribunaux le refus par la CPPAP de renouveler son certificat d’inscription.
Dans le cadre de cette affaire, la CEDH avait considéré que ce refus était justifié en raison du fait que cette revue critiquait, sans nuances, des thérapies traditionnelles concernant le cancer et l’hypertension artérielle, ce qui pouvait présenter un danger pour la santé publique.
Mais en l’espèce, le contexte et l’objet du contenu relatif à FranceSoir est très différent par rapport à la revue Santé Pratique :
- FranceSoir n’est pas un banal magazine SPÉCIALISÉ sur la santé, mais un site d’information POLITIQUE ET GÉNÉRALE.
- Le contenu de FranceSoir n’est pas relatif à la contestation de thérapies TRADITIONNELLES mais CONDITIONNELLES.
- Ce contenu est en outre relatif à une maladie NOUVELLE et non ANCIENNE : le Covid 19.
FranceSoir se base enfin sur des études scientifiques.
Pour contester ces études, le gouvernement se sert d’une note de la Direction générale de la santé (DGS) : en critiquant la politique vaccinale du gouvernement, le contenu de FranceSoir serait dangereux pour la santé. Mais il n’en est rien.
Il suffit de lire l’analyse de la DGS sur les traitements précoces pour s’en convaincre. Cette dernière invoque, en effet, des études réalisées sur des personnes hospitalisées ou des personnes n’ayant pas la Covid-19. Autrement dit sur des personnes qui ne sont pas atteintes du virus, au stade précoce de la maladie.
Pour reprendre le ton tranché, radical des médias « Fact Checker », utilisé pendant toute cette crise : NON FranceSoir n’est pas un vulgaire blog sans journaliste, « complotiste », qui diffuserait de « fausses informations ».
Il s’agit d’informations certes controversées, mais légitimes et licites.
La décision de la CPPAP apparaît ainsi contraire à la liberté d’expression, et son corollaire, le pluralisme des courants de pensée, des opinions, et des médias.
Ces principes sont au cœur de notre démocratie. Ils nous transcendent, et nous les partageons tous. Il est urgent de le rappeler. À défaut, c’est notre démocratie qui risque d’être impactée, infectée.
Docteur en droit, avocat au barreau de Paris et de Montpellier, Me Arnaud Dimeglio représente FranceSoir dans le cadre des procédures judiciaires du journal contre la censure de la Commission Paritaire des Publications et Agences de Presse (CPPAP) et Google.
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