"Le métro à 18 heures" - Retour sur l'histoire du gaullisme
CHRONIQUE — Il y a quelques semaines, à l'occasion du congrès des Républicains qui a abouti à sa désignation en tant que candidate à l'élection présidentielle, et dans un propos improvisé, Valérie Pécresse a prêté au général de Gaulle le mot célèbre du "métro à 18 heures" comme caractéristique du gaullisme.
Cette même rhétorique du "métro à 18 heures" a été à nouveau employée, dimanche 9 janvier, par Sonia Mabrouk dans "Le grand rendez-vous" d'Europe 1 et CNews, qui voyait l'ancien numéro deux des Républicains, Guillaume Peltier, rejoindre Éric Zemmour.
Parce qu'il faut toujours rendre à César ce qui appartient à César, et pour être tout à fait exact, c'est à André Malraux que l'on doit l'exclamation : "Le RPF, c'est le métro à six heures du soir !"
Dans le tome 2 de ses "Mémoires d'hier et de demain", Christian Fouchet — qui a été de tous les combats du gaullisme, du 18 juin 1940 (il était arrivé la veille à Londres !) au référendum perdu du 27 avril 1969, consacre une quarantaine de pages à "La grande aventure du Rassemblement du Peuple Français", fondé en 1947 par le général de Gaulle.
"Pour que la France soit la France"
Délégué général pour la région parisienne, Christian Fouchet insiste sur la force militante du mouvement : "En 1949, la région parisienne a dépassé 100 000 adhérents, inscrits régulièrement et ayant payé leur cotisation. Aucun parti politique, écrit-il en 1973, avant ou depuis, n'a jamais compté autant de monde". Sa remarque est encore plus vraie en 2022.
Christian Fouchet dépeint le profil des adhérents du Rassemblement du Peuple Français : "Pour la plupart, c'étaient des hommes et des femmes de tous âges, de toutes professions, de tout rang social, gaullistes au fond du cœur, et qui n'aspiraient qu'à une chose, voir le général de Gaulle revenir au pouvoir pour que la France soit la France".
Parce qu'à "tout culte, il faut des grand'messes", Christian Fouchet entraîne ses lecteurs dans "les Vel d'Hiv et les 1ᵉʳ mai" qui réunissaient chaque année "25, 30, certains disaient 35 000" personnes, "foule éminemment populaire. C'est le petit peuple de Paris et de la périphérie qui était là : des artisans, commerçants, employés, cadres, ouvriers très nombreux, mêlés à des bourgeois".
En somme, "le métro à six heures du soir", suivant la formule d'André Malraux, "dernier grand orateur de foule en France", aux yeux de son ami Christian Fouchet, qui observait : "La foule, fascinée, écoute. Je ne suis pas sûr qu'elle comprend tout ce que contient de grand la mélopée, parfois obscure tant elle est dense dans son raccourci. Mais elle sait que c'est grand ; elle le sait dans son cœur. Et elle réagit".
En décembre 1952, le groupe parlementaire du RPF décide de sortir de l'opposition à la IVᵉ République et d'entrer dans les combinaisons du "régime des partis", en apportant ses voix à René Mayer, président du Conseil désigné. Le général de Gaulle en tire aussitôt les conséquences et se retire à Colombey-les-Deux-Églises. C'est la fin du RPF. Il faudra la guerre d'Algérie pour qu'il retrouve le pouvoir en mai 1958 et porte la Vᵉ République sur les fonts baptismaux.
Un "système de pensée, de volonté et d'action"
10 ans plus tard, dans son ultime conférence de presse, le 9 septembre 1968, le général de Gaulle tire la leçon des évènements de mai 1968 et livre, à cette occasion, sa définition du "système de pensée, de volonté et d'action" qu'est le gaullisme, "entreprise de rénovation nationale qui a le service de la France pour raison d'être, pour loi et pour ressort".
"Nous avons vérifié, une fois de plus, qu'en ce temps plein d'incertitudes, par conséquent de périls, et qui exige de la part de l'État des desseins fermes et continus, des institutions constantes et une politique active, aucun système de pensée, de volonté et d'action ne saurait inspirer la France, comme il faut pour qu'elle soit la France, sinon celui que les évènements ont suscité depuis juin 1940. Ce système est, en effet, le seul qui permette à la nation de se tirer d'affaire quand la tempête se déchaîne, le seul qui soit relié assez directement à son passé et assez ambitieux de son avenir pour maintenir son unité et revêtir sa légitimité, le seul qui soit, en partant de ses structures, habitudes et équipements plus ou moins périmés, apte à le transformer sans étouffer ses libertés, en une puissance prospère et moderne, le seul qui soit capable d'assurer son indépendance, de soutenir son rang dans l'univers, de répondre de sa sécurité. On ne sait que trop, en effet, à quelle faillite nouvelle, mais cette fois irréparable, le régime des partis, si on le laissait revenir, mènerait notre pays et on ne mesure que trop bien dans quelle lamentable servitude le plongerait, le cas échéant, la dictature des totalitaires."
"La forme contemporaine de l'élan de notre pays"
"On voit donc quel est, pour longtemps, poursuivait le fondateur de la Vᵉ République, le devoir de cohésion et de résolution de ceux qui, à mesure du temps, ont adhéré, adhèrent ou adhéreront à l'entreprise de rénovation nationale qui a le service de la France pour raison d'être, pour loi et pour ressort. Cette entreprise, si on l'appelle "Gaullisme" depuis 1940, n'est que la forme contemporaine de l'élan de notre pays, une fois de plus ranimé vers un degré de rayonnement, de puissance et d'influence répondant à sa vocation humaine au milieu de l'Humanité".
Ainsi parlait l'homme qui se faisait "une certaine idée de la France". Charles de Gaulle a laissé au peuple français un héritage, celui d'un démocrate qui fonde son pouvoir sur "la confiance chaleureuse de la nation". D'où l'appel au peuple souverain par la voie du référendum, dès lors qu'il s'agit des grandes décisions qui engagent l'avenir de la nation. Il a doté la France d'institutions qui donnent à la République une "figure de gouvernement", suivant le mot de Michel Debré. À partir de là, tout est affaire d'homme ou de femme, et de circonstances. La barre est haute pour se hisser au niveau de désintéressement, d'exigence et d'exemplarité du fondateur de la Vᵉ République.
Alain Tranchant est ancien Délégué départemental du Mouvement pour l'Avenir du Peuple Français (présidé par Christian Fouchet).
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