La monnaie, partie 5 : la théorie moderne de la monnaie

Auteur(s)
Charles de Mercy, pour FranceSoir
Publié le 29 septembre 2022 - 12:00
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La monnaie
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"Il n’est pas exact de prétendre que, sans État, pas de monnaie."
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TRIBUNE - Voyons maintenant tout le contraire de ce qui a été lu jusque-là.  

Pour commencer, résumons un peu les principaux traits de la Théorie Moderne de la Monnaie, la TMM apparue en 2010. Et que chacun s’en fasse une image et une première idée, avant d’en discuter en détail. Là aussi, ce sont eux qui disent le plus important.  

La TMM énonce d’abord que sans État, pas de monnaie. Un État qui détient autant le monopole de la force, - la violence légitime -, que celui de l’émission-garantie de monnaie. Ensuite, cet État ne peut pas faire faillite. D’ailleurs, il peut taxer et imposer autant que nécessaire, pour injecter ou reprendre l’argent dont l’économie a besoin ou non. Comme il peut aussi s’endetter indéfiniment dans le même but.  

Puisque son statut lui permet et qu’il peut aussi émettre autant d’argent qu’il peut en avoir le besoin afin de rembourser ses dettes et les annuler.  

D’autant que pour la TMM, le taux d’intérêt des dettes souveraines fait mieux d’avoisiner constamment de 0% de taux d’intérêt, et donc ne rien lui coûter.  

Par conséquent aussi, les flux de dettes + taux d’intérêt, créés-annulés, sont sans trop d’effet sur la valeur de la monnaie d’un État. Ce qui tombe bien puisque, toujours selon la TMM, la monnaie n’a en fait pas de valeur intrinsèque. Celle-ci dépend du taux de change flottant des devises, qui constitue le régime idéal de valorisation des monnaies entre elles.  

Bien entendu, cette vision des choses suppose que l’État considéré contrôle le gros du système économique du monde, ou bien celui d’un espace géographique important et distinct. Ainsi, cet État n’a pas à faire face à d’autres Puissances mitoyennes qui, par exemple, se mettraient en tête de proposer des taux d’intérêts plus avantageux qu’un 0%. Ce qui provoquerait une fuite des capitaux de son territoire, ou bien le développement d’activités, mieux rémunérées, en dehors de l’espace géographique qui fait l’emprise spatiale de l’État.  

On peut enfin noter que cette théorie est dite ‘descriptive’ et ‘normative’.  

C’est-à-dire qu’elle ne prétend pas expliquer le phénomène économique ou monétaire. Elle en décrit les variables principales. Et elle en donne un cadre d’interprétation qui prétend à la Norme. Autrement dit en pratique, savoir quoi penser et faire en matière économique et monétaire.  

La TMM ayant été résumée à l’essentiel, ayez à l’esprit que cette vision des choses a été initiée par un Américain, Warren Mosler, 72 ans aujourd’hui. Il est connu pour être un Économiste, un gestionnaire important de fonds d’investissement (5 milliards), et avoir fondé Mosler Automotive, un constructeur de super-cars dont on connaît une centaine d’exemplaires à 200 000 dollars pièce.  

Démocrate, il a brièvement été candidat à l’élection présidentielle US de 2012.  

Lorsque vous rapprochez le résumé de la TMM et ce qu’on sait de son initiateur, vous pouvez aussi bien penser que le tout semble réfléchi, charpenté, sérieux. D’ailleurs actuellement, des cénacles monétaires très professionnels discutent de sa vision des choses. L’idée d’en tirer des enseignements et d’en faire des essais plus ou moins étendus font également leurs chemins dans les esprits (ex : Mario Draghi, ex-président de la BCE). Ce qui peut bien se comprendre. Relisez une, deux, trois fois le résumé qui en a été donné : au regard de la réalité actuelle du monde, pas grand-chose n’ira sans doute surprendre. 

Pourtant, toute cette affaire n’est pas simplement une vaste fumisterie, dissimulant non seulement des erreurs grossières, mais c’est une horreur de bout en bout. Et pas seulement monétaire. Elle est ni plus ni moins qu’une abomination en marche. Ce que personne ne semble vouloir dire. Alors, il faut y procéder en l’examinant en détail.  

En premier lieu, la TMM est dite descriptive et normative.  

Ceci est pour dire de manière sophistiquée que, en fait, elle n’explique absolument rien de l’économie et de la monnaie. Mais que, on l’a dit plus haut, elle fournit un cadre, des normes, de leur interprétation, en vue de savoir quoi en faire. 

Ok. Voici comme le dire autrement : dans Les Médecins de Molières, il existe pour l’éternité des professionnels du soin répétant sans cesse que « l’Opium a une vertu dormitive… ». Ce faisant, ils énoncent une description, « ça fait dormir », et une nouvelle norme « la vertu dormitive ». Mais une nouvelle norme sortie de nulle part, qui n’ajoute rien, n’explique rien, et qui surtout ne permet pas de comprendre quoi que ce soit à l’opium et ses effets. 

La voyez-vous la bêtise crasse ? 

La TMM est fondée de la même manière : c’est très mal parti.  

Ensuite, on touche directement aux sujets vraiment graves, que la TMM présentent pourtant l’air de rien, cf. résumé. 

L’État et la monnaie.  

Il n’est pas exact de prétendre que, sans État, pas de monnaie.  

Ou alors, il faut très précisément s’entendre sur ce qu’on désigne État, et le rapport historique de celui-ci à la monnaie et à la société, plus largement. 

Historiquement donc, et pour ce qu’on n’en sait, il est exact de dire que la monnaie nait avec l’État ou plus justement une Puissance étatique. Mais c’était alors des états et des puissances très différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. Pour le dire simplement, les États en question procédaient alors de familles et de filiations dominantes - la logique du chef de guerre qui devient roi. Elles-mêmes associées à un maillage de bien d’autres familles - mariages, cousinages, vassalisation, etc. Le tout étant servi par une série de gens recrutés par proximité et affinités dans le gros de la population. Mais le tout en étant le plus souvent très discuté, - des conflits sanglants et des rivalités à n’en plus finir (1) -, jusqu’à parfois donner lieu à des élections pacificatrices en comité restreint pour y mettre un terme.  

Ce fut le cas des Francs. Comme celui de l’Islande, vers 900, dont les principales familles inventèrent le Parlement de la première démocratie moderne. Mais qu’est-ce que c’était, et c’est encore que l’Islande avec ses 300 000 âmes ? Une grande bande de cousins ! 

Mille ans plus tôt, Rome et son Sénat n’étaient pas organisés et gérés si différemment.  

Dit autrement, dans ce cadre, on ne peut pas dire que l’État et la monnaie étaient des entités très autonomes de leur socle familial et social : ils en constituaient des faits ou des institutions (le cas de territoires développés) qui étaient socialement aussi partagés que distribués en son sein. De sorte que, si l’on doit être aussi réaliste qu’exact, on doit plutôt énoncer que, aux temps anciens, la monnaie était un bien établi et partagé d’une société tout entière, munie en même temps d’un État personnifié, ou bien des prémices personnifiées d’un proto-État au sens où nous entendons actuellement le terme et le concept : État.   

L’idée de partage est essentielle. Elle énonce que la monnaie était alors une convention sociale au même titre qu’une langue ou une religion, et que toutes les parties faisaient très attention à les respecter comme telles. Comme à en respecter les normes établies par un très long apprentissage social, peu à peu diffusé sur un territoire entier.  

Si l’on doit s’en convaincre ici, il faut se rappeler l’aventure d’un Philippe Le Bel, 1268-1314. Un roi qui, faute d’assez d’argent disponible et parce qu’il était suzerain, a cru pouvoir avec ses conseillers modifier sans trop le dire la teneur en or de la monnaie en France, faisant ainsi sournoisement bien plus de pièces que de métal précieux contenu. Tout Roi qu’il était, et nous sommes au Moyen Âge…, mille ans en arrière, son escroquerie monétaire dû assez vite s’arrêter, 1306-1313. Sous l’effet d’une révolte générale, à commencer par celle de ses alter-égo Seigneuriaux. Deux jours durant, Philippe Le Bel sera même contraint de se terrer dans le donjon du Temple à Paris, pour échapper à l’ire du petit-peuple décidé à l’écharper.  

Et lorsqu’il meurt en 1314, le pays n’est plus loin d’être à feu et à sang.  

Pour saisir les différences d’esprit des temps, on peut rappeler que, de nos jours, l’État américain a pu, lui, anéantir la valeur de son dollar de 86% depuis 1971, mais que cela s’est produit sans heurts. Quant à Riad Salamé, le Gouverneur de la Banque du Liban, s’il a pu lui aussi en 2021 anéantir dans un relatif silence sa monnaie, sa banque et finalement le Liban, ce fut au prix d’une escroquerie menée en dollars, ce qui change tout. Et d’une compromission locale et internationale insensée. Sinon, M. Salamé, qui vit actuellement planqué sous escorte dans son tout petit pays, aurait été retrouvé pendu haut et court au premier arrêt de bus venu.  

En conséquence de tout ceci, poser comme la TMM le fait, la concomitance de l’État et de la monnaie d’un territoire, et surtout leurs autonomies absolues à l’égard d’un territoire et sa population, peut, - au mieux -, s’analyser comme un phénomène moderne, et très actuel. Et pour certaines zones monétaires seulement, - USA, Euro-Europe… -, où la complexification extrême de leurs sociétés a permis ce phénomène-là de distanciation.  

Ces exceptions et leurs conditions d’émergence permettent de redire : non, on ne peut pas énoncer que sans État, pas de monnaie. Et que, au fond, la monnaie serait un objet détenu par l’État, comme étant possiblement tout à fait autonome de son territoire et ses gens. 

Au fond, la monnaie reste ce qu’elle a toujours été, la contrepartie de celui-ci.  

Dont l’État ou un proto-État n’a jamais été et n’est jamais qu’un gestionnaire-délégué, qu’on suppose avisé pour la seule et unique raison qu’il dispose aussi des moyens tyranniques et violents de la faire respecter

Alors la seule chose qu’on puisse dire est : sans société, pas de monnaie. 

Ça, c’est évidemment exact.  

Et il n’existe pas (2) de société sans territoire constitué dont la monnaie est la contrepartie. 

L’État, le monopole de la violence et la monnaie.  

La Théorie Moderne de la Monnaie pose donc que l’État a le monopole de la violence.  

Ce qui est exact dans un État de Droit, c’est la raison d’être de sa police et de son armée. Mais la TMM en déduit que, à son avis, son administration peut aussi bien taxer comme et autant qu’elle veut : c’est la première nouveauté.   

Vous le voyez ce petit lien abusif, discrètement établi entre violence légale, impôt, et faire comme on veut ? 

Une horreur.  

Mais quand on cherche de l’argent frais partout, poser la possibilité d’un pillage généralisé, c’est comme parfait. C’est pourtant une abomination aussi bien sous les rapports historique, juridique, que logique. 

Pour deux motifs. 

D’abord, le monopole étatique de la violence a été établi dans le domaine sécuritaire, et jamais directement dans les domaines économiques, monétaires ou fiscaux – même aux temps anciens (3). Ensuite, à l’égard d’un territoire, un État ne peut pas davantage être conçu comme une entité autonome, posée là au milieu pour faire tout ce qu’il veut. L’État, c’est vous, c’est moi et tous les autres : c’est par principe constitutionnel, pas seulement moderne (1), l’émanation de la population d’un territoire. À qui celle-ci confie des mandats pour des raisons nécessaires, qui ont une relation directe avec (on l’a vu plus haut), la nécessité de Liberté restreinte ou bien l’impossibilité de cette Liberté : sécurité, défense, douanes, justice, gestion monétaire, etc.  

Ici, mais nulle part ailleurs.  

En aucun cas par conséquent, un État peut être considéré comme une organisation susceptible de taxer à tout-va sans le consentement des citoyens libres de son territoire. Et ceci du simple fait qu’on lui a, par ailleurs, confié la bonne gestion de la violence légitime puisqu’on ne sait pas le faire autrement.  

Le prétendre, c’est purement et simplement abusif.  

Ou alors, cet État est sans le dire reformulé comme une organisation autonome et une tyrannie en marche. Quelque chose qui ressemblerait à s’y méprendre à la Puissance Coloniale de son propre espace. 

Et le projet de la TMM, c’est en fait plutôt ça, mais sans trop le dire.  

La valeur intrinsèque de la monnaie.  

Sur des bases déjà si catastrophiques, la TMM ajoute de que la monnaie n’a jamais de valeur intrinsèque. Que sa valeur est le résultat d’un taux de change flottant entre devises du monde.  

Ici, la perversité du propos consiste à confondre les variations du prix d’une chose, la monnaie, et sa qualité, sa valeur.  

Oui, il est exact que le cours d’une monnaie peut avantageusement varier par rapport à celui d’une autre, et plein de motifs, y compris purement spéculatifs et temporaires. Dans un contexte normal néanmoins, si on juge des situations en moyenne ou à long terme, - ce qui n’est pas abusif d’agissant d’une devise -, une monnaie a non seulement une valeur plutôt intrinsèque, mais également assez stable.  

En tout cas prévisible sur un horizon de temps raisonnable.  

Et pour cause, la monnaie est la contrepartie d’un territoire.  

(Et sinon, son seul mode d’organisation socioéconomique possible est le troc).  

C’est-à-dire que la monnaie est la conséquence de sa prospérité et de ce qui s’y passe tous les jours. Des faits dont la quantité et la qualité ne varient jamais sur un mode au choix, aléatoire et complètement erratique. Au contraire même, par un Travail et une gestion sérieuse au fil du temps, la valeur d’un territoire et de sa monnaie tendent inexorablement à s’accroître : cf. la Suisse, Taïwan, l’Allemagne, la Norvège, etc.  

Mais alors, pourquoi la TMM prétend-elle une chose si absurde ? 

Simplement pour pouvoir sectionner le lien qu’il existe entre territoire, prospérité et qualité d’une monnaie. Puisque c’est sur le fondement de cette négation, qui est cette fois énoncé et assumé, qu’elle peut tranquillement proposer cette horreur : l’État peut s’endetter tant qu’il le veut, sans aucune limite, et financer ainsi tout et n’importe quoi, de 0 à l’infini. C’est-à-dire que, selon la TMM, il ne doit plus exister en principe de vraie relation entre le niveau de richesses d’un territoire et la dette qu’on y fait.  

Et pourquoi direz-vous ? 

Au nom de trois justifications :  

D'abord, l’État ne fera jamais faillite, jamais. Ici, on retrouve sa violence omnipotente qui parfume l’air en lui permettant tout, y compris ne jamais défaillir ou mourir.  

Ensuite, si l’État ne peut jamais faillir, c’est qu’il peut créer autant de monnaie qu’il le veut pour payer ses dettes et recommencer éternellement. Une opération d’autant plus aisée que « la monnaie n’a pas de valeur intrinsèque », voir plus haut.  

Enfin, le taux d’intérêt de sa dette, qu’il peut aussi bien fixer vu son statut de Puissance publique, doit toujours voisiner le 0% de taux d’intérêt. 

Toute cette sophistique soulève pourtant deux-trois questions sérieuses en rapport avec le réel. D’abord, les États faillis, on les compte par dizaines. Et même des pays ou des empires engloutis, l’Histoire en est tapissée – demandez à l’URSS, la Yougoslavie, l’Autriche-Hongrie, la Prusse, l’Empire Ottoman, etc., ou à la Pologne, qui a été rayée trois fois de la carte ! L’extraordinaire sur ce point, c’est que des Universitaires puissent soutenir de pareilles absurdités.  

Ensuite, la définition exacte de la monnaie comme contrepartie d’un territoire, répond simplement à la question du caractère intrinsèque, ou non, de la valeur d’une monnaie : la réponse est oui, pour un intervalle de temps donné. Et tout ce qui prétend le contraire n’est que la négation psychotique du lien qui relie Monnaie et territoire. Comme cette définition répond à la question de savoir si l’on peut, comme on le veut et à la foison, créer de la monnaie : la réponse est non, puisque la monnaie est la représentation valorisée d’un territoire à un temps donné T.  

Alors une création monétaire abusive est l’abus de cette représentation.  

Bien entendu, pour des motifs de gestion comme d’anticipation raisonnable, un État est parfaitement fondé et a la faculté d’anticiper la valeur de son territoire au temps T+1, et de créer pour cela un peu de monnaie en surplus pour l’accélérer en la préfinançant.  

Mais le tout, dans des conditions restreintes, bien réfléchies et finement calculées. 

Des conditions qui ne devraient jamais (pour l’ensemble de sa dette) excéder la dizaine d’années. Pour la simple raison, qu’au-delà, personne ne sait rien prévoir sur rien.  

Si l’on veut s’en convaincre, il suffit encore une fois de regarder le monde et la France sur cette échelle-là : personne, et au mieux, n’a été capable de prévoir quoi que ce soit de précis au-delà de cette période. En particulier en matières économiques, monétaire et de prospérité. D’ailleurs, il faut le redire, prenez donc le monde et la France par période de dix ans : au cours du seul demi-siècle, ils ont changé de direction quatre ou cinq fois sans prévenir, et souvent pour le pire actuellement.  

Par conséquent, si on considère les choses dans leur ensemble, le principe même d’une création monétaire et de dettes indéfinies n’est qu’une dinguerie de plus de la TMM. 

Le taux d’intérêt 0% 

Enfin, la question d’un taux d’intérêt à 0%, si bienvenue quand l’argent et la croissance manquent ! 

Cela appelle plusieurs remarques, de la plus pragmatique à la plus théorique. 

Vous avez dû remarquer que, dans un pays comme la France, un petit cénacle (Présidences, Agence France Trésor, et 500 députés, le plus souvent aux ordres) sont tout de même parvenus à nous coller 3 000 milliards de dettes et 40 milliards d’intérêts par an (57 cette année !), sans jamais à trop en avoir à s’en expliquer. D’autant plus facilement que des médias grand-publics, également bien subventionnés par l’État…, ont passé leur temps à rendre compte de cet état de fait de la manière la plus douce possible.  

Dans un monde normal, l’endettement d’un territoire engageant son avenir, c’est à sa population et à elle-seule que devrait revenir l’obligation, à un moment donné ou à un autre, de dire oui ou non à de la dette et aux taux de ses intérêts.  

Sinon, il se produit ce que nous avons à constater. 

Quand par conséquent la TMM parle de la possibilité d’une dette infinie et d’un taux d’intérêt nul, nous avons à nous méfier très sérieusement pour deux autres raisons. 

La première, c’est qu’un taux d’intérêt nul, dans le contexte d’une création-annulation de monnaie autant que l’on veut, signifie, ni plus, ni moins, que le résultat des endettements, - la qualité de leurs investissements -, n’ont jamais, absolument jamais, de sanction positive ou négative. On crée de l’argent, on l’annule et entre-temps, et tout ça est sans conséquence. 

Vu nos 3 000 milliards de dettes, autant dire qu’à Bercy, traficotages d’oligarques à la clé, ce serait bientôt la Foire à neu-neu pour de vrai.  

Quant aux USA et leurs 30 000 milliards de dettes, l’équivalence du dollar et d’un billet de loterie y serait aussi vite établie. 

La deuxième raison tient à ce que désigne un taux d’intérêt.  

Pour le prêteur, ce taux est le gain qu’il retire d’avoir immobilisé et risqué du prêt d’argent. Pour l’emprunteur, ce même taux, il ne peut se le permettre qu’en raison d’un accroissement au fil du temps de sa richesse qu’il escompte obtenir moyennant le prêt contracté.  

Sinon, emprunter reviendrait à le ruiner.  

Pour les deux parties par conséquent, - et que l’État soit les deux n’y change rien -, tout le monde s’accorde à convenir qu’un taux d’intérêt doit être, idéalement, corrélé à l’accroissement de la richesse, et celle du territoire en définitive.  

Ici, c’est la raison fondamentale pour laquelle, en moyenne et à long terme, le taux d’intérêt normatif d’un territoire est toujours aligné sur le taux de croissance de son PIB, qui manifeste l’accroissement de sa richesse. 

Il ne peut pas en être autrement, y compris en tenant compte des facteurs croissants de productivité - nouvelles machines, technologies, organisations, etc. Parce que « la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a », et désolé pour les wokes.  

Si donc de la dette infinie de l’État était en outre systématiquement financée à 0% environ, le tout sur fond d’impôts comme on veut, cela signifie plusieurs choses, de plus en plus préoccupantes :  

La première, cf. plus haut, et qu’il ne faut jamais oublier : l’État moderne est une organisation qui est par essence tyrannique et violente, et qui n’existe que par nécessité sociale collective. Quand bien même cette violence peut avoir des effets positifs parce que nécessaires, cf. plus haut. Mais avec la TMM, nous nous retrouverions avec un tyran violent, aux moyens monétaires et économiques illimités (dette ; création-annulation de monnaie), qui ne lui coûteraient absolument rien, 0%. Pas de sanction positive ou négative ; pas de coût ; et finalement l’annulation générale dès qu’on veut. 

Mais qu’est-ce que c’est que cet objet-là si ce n’est l’achèvement de la tyrannie ? 

Parce qu’il faut, aussi, éteindre les espoirs des plus optimistes.  

Ceux qui iraient penser qu’à côté de ce monstre créé par la TMM pourrait toujours subsister pour qui veut toute une économie privée, pépère et prospère.  

Et bien non, absolument non. 

En termes pratiques comme relationnels, l’économie de ce territoire-là serait de facto contrainte de composer avec son monstre. Ses moyens illimités, sa culture de privation de libertés, ses logiques de violence, ses agents aussi, diffusés de bas en haut d’une échelle sociale, du centre du territoire vers ses recoins les plus reculés. Et un État qui, aussi, serait bien contraint en tant qu’organisation de trouver des alliés et des affidés locaux. Ce qui veut dire : pour des motifs démagogiques, corrupteurs aussi, d’étendre sans arrêt ses domaines d’interventions sur la demande de ses affidés-corrompus qu’il faudrait bien rémunérer. 

Peut-être que par son insignifiance, un petit commerce de fruits et légumes au coin d’une rue résisterait un bon moment à ce monstre-là. Peut-être…. Mais dès qu’une affaire prendrait de l’importance, ou se mettrait en tête de proposer une offre qui, au choix, allait contrarier l’État ou des représentants de l’État et leurs amis, en gagnant trop d’argent, que croyez-vous qu’il puisse advenir ? 

Crash. L’organisation d’un crash. Ou encore, une logique de soumission oligarchique : « tu fais tes affaires, oui, mais tu es prié de nous aider aussi ». Ce qui n’est, après tout, que la conséquence d’une organisation violente répandue hors de la nécessité de son domaine d’existence qui le justifie collectivement. Défense, Police, Armée, Douanes, Justice, infrastructures et institutions clés, et rien d’autre par principe obligé.  

En sens inverse, une précision à ce propos : des gens peuvent légitimement s’inquiéter qu’une économie libérale, y compris munie d’une saine et réelle concurrence interne, puisse avec le temps et par capitalisation naturelle engendrer des monstres d’organisations dont le poids économique et financier finit par constituer une puissance susceptible de défier ou de corrompre d’État et, par là, la qualité d’un territoire. Et un poids qui n’a par ailleurs plus de relations avec les nécessités de financement et d’équilibre interne des organisations en question. 

Le nier, c’est idiot : c’est le réel.  

Les réponses à cet égard sont triviales. 

D’abord, des dispositifs anti-trust applicables presque automatiquement pour forcer à la scission de ces organisations-là, qu’elles soient sans cesse ramenées à leurs justes tailles. Tout ce qui, aujourd’hui, relève d’exceptions et de procédures lourdes. De sorte qu’à la fin, quand elles sont adoptées, c’est que le scandale est devenu trop patent.  

Entre-temps, oui, de gros dégâts ont été accomplis ou laissés faire.  

Ensuite, l’interdiction pure et simple pour des fonctionnaires ayant servi l’État d’aller travailler dans le secteur privé, par période de 10 ans par exemple, et des entreprises en lien avec leurs fonctions. Un être humain peut changer, oui, mais au point de vue de l’État, pas au gré de ses seuls désirs : quand on a décidé de le servir, on s’est engagé dans l’Armée et puis c’est tout.  

Les limites de la TMM 

La TMM, c’est sale. Vraiment sale.  

Mais elle a tout de même perçu un bug dans la dinguerie de son système. 

Sa vision des choses suppose une puissance d’État considérable, un territoire où l’on puisse fabriquer tout et n’importe quoi en circuit fermé. Et que, idéalement, un autre territoire, assez grand et lui bien géré, prospère et doté d’une monnaie forte, ne vienne jamais le trop le défier par ses qualités mêmes. 

Cette question, la TMM se contente de l’évoquer en parlant de « territoire » et de « monnaie » qu’un État conçu selon ses désirs ne pourrait pas contrôler.  

« Chouette, il y a une limite ! Et un point de fuite ! » diront les optimistes.  

Ce sont des optimistes.  

À considérer la réalité actuelle et prévisible du monde, on peut l’être beaucoup moins. 

Depuis l’affaire ukrainienne c’est évident. Nous avons d’abord affaire à un monde occidental qui est en train de se refermer très violemment sur lui-même, en excluant tous les autres. Nous avons ensuite un monde occidental qui se réorganise tant qu’il peut sur une alliance économico-militaire Euro-américaine fanatisée. Quitte à affaiblir au passage l’Union européenne et chacun des pays européens – leur digestion dans l’ensemble n’en sera ainsi que plus facilitée. Nous avons enfin un monde occidental qui ne songe plus qu’à anéantir le cash et numériser le dollar comme l’euro. Ainsi, tout confondre dans un circuit fermé où l’ensemble est absolument contrôlable n’a plus rien d’une utopie.  

Dans le même mouvement, on peut également comprendre que, si rien ne change, le principe élémentaire, la monnaie est la contrepartie d’un territoire est appelé à disparaître radicalement. À la fin, il ne reste qu’un ou deux signes monétaires abstraits, détachés de toute réalité sensible, dont on fait ce qu’on veut depuis des ordinateurs centralisés – cf. la TMM : la monnaie n’a pas de valeur intrinsèque ; la dette comme les taxes n’ont pas de limite ; on en crée et on en annule comme on veut ; et tout ça est facturé-payé à 0% d’intérêt.  

Un ou deux signes monétaires abstraits dont on fait ce qu’on veut depuis des ordinateurs centralisés, jusqu’aux recoins de vos smartphones où ils seront, - comment le dire -, stockés ? déposés ? implémentés… mais peut-être simplement prêtés au fond des choses, et que vous vous teniez toujours très sages.  

Franchement, le monde d’Orwell ou bien celui des Soviétiques, ce sont en comparaison d’aimables plaisanteries bricolées au coin d’une table.  

À l’heure de ces lignes, ce dessin d’ensemble reste une perspective. Et la TMM une vision monétaire encore discutée. Plusieurs personnalités françaises et européennes sont d’ailleurs sceptiques à son égard, il faut le signaler. Y compris au sein de Banques Centrales.  

On doit néanmoins ajouter que, crises et chemin faisant, la TMM est partie pour s’imposer. Avec la préoccupation première du pognon, plutôt que des discussions philosophiques – ça, c’est garanti ! 

Ce qui permet de le penser, c’est cette autre donnée de la situation :  

Toujours à l’heure où nous nous parlons, les États occidentaux se sont endettés et s’endettent encore jusqu’à la folie. Ceci n’est pas une opinion. C’est un état de fait. Puisque vous ne trouverez aucun responsable public dans ce monde-là qui sache justifier ce fait mathématique élémentaire : comment se fait-il que, maintenant et partout, pour obtenir tous les ans 1 point supplémentaire de richesses (PIB), il faille, selon les cas des pays, s’endetter tous les ans de 3-4 points de PIB, et parfois 6-7 dans le cas des USA ?

Alors même que les machines, les technologies et les organisations ne cessent, elles, de progresser ? Ce qui en principe induit des facteurs croissants de prospérité. 

Ce rapport de 1 : 3-4 à 1 : 6-7 ne signifie qu’une et une seule chose : nous nous endettons en pure perte. Puisque cet argent inventé produit 3-4 à 6-7 fois moins de richesses qu’il ne représente lui-même de dette.  

Cette situation effrayante n’est pas tout à fait nouvelle.  

Nous y sommes vraiment entrés après la crise financière de 2008. Mais après 15 ans environ, - la moitié d’une génération d’homme -, sa signification est vertigineuse. Cette donnée élémentaire signifie que presque tous les responsables publics des pays occidentaux n’ont en fait aucune solution, - mais aucune quoi qu’ils en disent -, à ce qui se formule comme un drame contemporain : des économies développées entières en sont maintenant réduites à vivre complètement à crédit. Alors même que leur fiscalisation est soit correcte, soit épouvantable comme en France, qui flirte sans le dire avec la pétaudière tyrannique (3).  

(Parce qu’en France, non seulement la fiscalité est abusive, mais elle est en outre complètement déséquilibrée, et ne peut plus répondre aux aspirations populaires).  

Dans un monde normal, cette question de l’endettement devrait constituer le seul et unique sujet de préoccupation politique et économique. Et pour une présidentielle 2022 et des médias mainstream par exemple. Oui, les effets des phénomènes monétaires prennent toujours un peu de temps pour se cristalliser du côté du gouffre. Mais nous y sommes là. Et à la toute fin, puisque cette vrille n’a aucune solution qui ait été énoncée, cela signifie simplement, d’une part, que les élites occidentales sont pour l’essentiel des incapables ; d’autre part, qu’elles organisent ou laissent se formuler une catastrophe de dimension biblique à considérer les sommes en jeu, des trilliards.  

De quoi nourrir des débats, non ? Ben non : rien de tout cela n’a eu lieu et n’a lieu.  

Alors parler d’élites incapables, ce n’est pas plus une opinion : c’est le constat des faits.  

Il faudrait plus justement parler de corruption, à constater le silence général sur la question.  

Vous devriez vous préoccuper de cette question centrale. 

Si vous le voulez, mais en sens inverse, vous pouvez continuer à vous inquiéter du climat et du taux de carbone dans l’air : la chose garantie, c’est que vous saurez tout du mode de vie catastrophé à la libanaise, bien avant d’y voir clair un réchauffement climatique. 

Bien avant.  

Vous l’avez compris, les dirigeants actuels du monde sont faits comme des rats.  

Pardon : des super-mulots.  

Toujours moins de richesses créées, toujours plus de dettes contractées, toujours plus de monnaie imprimée (et sans rapport, donc, avec ce qui se passe dans les territoires) : eux comme vous, ils savent très bien que l’heure est à la faillite. D’autant qu’ils ne savent pas ou ne veulent pas, - cela revient au même -, comment changer les choses et que ça tourne à nouveau rond.  

Parce qu’il faudrait tout changer, ce dont personne n’a la vision, la lucidité ou le courage.  

Dans ce contexte, la Théorie Moderne de la Monnaie (TMM) constitue tout simplement la solution au mur qui se profile : le moyen de jouer des dettes, des monnaies, des taux et des impôts exactement comme on le veut. Et « Moderne », c’est tout de suite attractif.  

Quoi que soit l’extrême perversité de cette vision des choses cf. plus haut.  

Quelle est la prochaine étape ? 

L’hypothèse d’une crise socioéconomique biblique, ou bien celle du déclenchement délibéré d’une guerre mondiale, comme les leviers opportuns d’adoption de la TMM, personne ne peut les prévoir. D’autant que Monsieur Poutine, avec ses missiles nucléaires hypersoniques, calme un peu tous ses collègues pour la dizaine d’années qui vient au minimum , le temps que l’Occident essaye d’avoir les siens. 

Non, ce qu’il faut plutôt prévoir, c’est plus probablement un glissement progressif. Sauf situation extraordinaire, la TMM ne sera pas adoptée d’un coup et d’un bloc, car elle implique des changements phénoménaux à tous les niveaux.  

On parle plutôt d’une approche par touches successives, qui est déjà en gestation (4). 

Autrement dit, l’application de la TMM a des secteurs spécialisés des financements des États occidentaux. Puisqu’il faudra l’importance géographique de cette complicité-là pour que ce dispositif de la TMM soit jouable en circuit fermé – elle le dit elle-même. Et un peu plus à chaque fois, toujours un cran plus loin : la monnaie sans aucune contrepartie, on y prend vite goût. Si bien qu’aussi vite, on touche dans un parfait silence à ce coup l’État monétaire : voir des organisations étatiques financées (dettes, taux d’intérêt, monnaies) collectivement comme cela les arrange exactement. Une sorte de compartiment spécial dénué de toutes les règles communes en vigueur jusque-là. Sans plus aucune relation avec, d’une part, un territoire, d’autre part, la réalité de sa monnaie et de sa prospérité, ou non.  

Oui, ce qu’il faut finalement comprendre, c’est qu’à la fin, un territoire, un pays, ce n’est plus un espace géographique à peu près culturel où des gens travaillent à prospérer de leur propre initiative. Pour finalement produire une monnaie valorisée des richesses qu’ils ont eux-mêmes créées. C’est plutôt un genre de grand entrepôt à ciel ouvert, où des contremaîtres internationaux viennent décider, avec force de dettes et de taxes, sans préoccupation aucune du résultat (à la fin, ils peuvent tout annuler par création monétaire), de ce qui doit se passer ici ou là, et comment.  

Quant à vous, vous êtes prié de vous y faire.  

Sinon, votre existence deviendra infernale : rappel, vous avez à faire à la violence légitime

Et si vous ne le pouvez pas, par incapacité ou vieillesse mais sans révolte, juste en pleurant un peu, eh bien cette organisation étatique magnanime vous donnera des bons de survie à dépenser chez Lidl, des maisons médicales et ailleurs.

Et pourquoi pas, à la toute fin, dans un réseau de magasins de survie pour des gens inutiles ?  

Qu’ainsi on rendrait progressivement invisibles ? 

Oui, soyez-en assuré, tout ce système monétaire, il est plutôt conçu pour produire du high-tech pour des diplômés privilégiés vivant en pleine forme en centre-ville, que des potagers coopératifs locaux pour des prolos abîmés résidents de banlieues déglinguées. Mais à la fin, ayez bien cette idée en tête : si d’aventure un administrateur de ce nouveau monde décidait que, tous comptes faits, cette distribution de bons de survie était trop compliquée ou coûtait trop cher, ou que ses primes annuelles étaient indexées sur des économies, qu’est-ce qui l’empêcherait ensuite d’envoyer un courriel aux hôpitaux ou à des assistantes sociales locales pour leur ordonner d’euthanasier tout ce qu’il n’a pas l’air bien vaillant, en coûtant très cher ?  

Des vieux, des handicapés, des cassos ainsi qu’on les désigne maintenant. 

Plus grand-chose.  

Le droit, la violence, la monnaie, l’État aurait toute la puissance en main.  

Vous vous dites sans doute : allons, allons, restons raisonnables…  

Une pareille horreur monétaire ne peut tout de même pas conduire à cet enfer sur Terre.  

Si vous voulez.  

Néanmoins, vous pourriez vous documenter sur Monsieur Hitler. En particulier sur le financement de ses folies, les bons obligataires MEFO. Une invention monétaire alors aussi intelligente que diabolique, sans laquelle son aventure n’aurait pas été possible (5). C’était le même esprit, et la même finalité. Une création monétaire sans limite, compartimentée, discrètement utilisée pour façonner sa révolution culturelle et ses horreurs, avec tous les principaux industriels Allemands en complices. Le résultat ? Extrêmement spectaculaire. Mais avec 100 millions de morts à la clé entre 1933 et 1945, et bon nombre de populations hors programmation Nazie partout allégrement massacrées.  

Donc, vous êtes peut-être raisonnable. 

Mais l’Histoire parle contre vous.  

Ici (6). En Allemagne. En URSS. En Chine. Au Cambodge.  

Partout. Toujours. 

Et la TMM, ce n’est que le retour sans le dire des bons MEFO.  

Quand une dérive totalitaire n’est pas arrêtée, c’est une version de l’apocalypse ou une autre qui s’en charge toujours dans le sang. Alors à partir du moment où on n’établit pas et on ne rétablit que la monnaie est la contrepartie d’un territoire, et bien sans même le savoir on ne fait rien d’autre qu’ouvrir les portes de ces Enfers. 

 

Notes :  

(1) La dispute permanente dans les sociétés féodales, où l’État n’était ni très autonome des personnalités l’incarnant, ni jamais très assuré, a d’ailleurs donné lieu en France à ces deux saillies bien connues : « L’État, c’est moi ! », de Louis XIV (1643-1715). Et auparavant, à cet échange « Qui t’a fait Comte ? », à quoi il fut répondu : « Qui t’as fait Roi ?! ».  

C’était au Xᵉ siècle, entre le Roi Hughes Capet et Adalbert de Périgord, son vassal.  

Et une manière très directe de signifier l’interdépendance des personnages en cause.  

(2) Une Société sans territoire est une exception presque absolue. On connaît à ce titre le cas des Ismaéliens, une branche de l’Islam née au VIIIème siècle. C’est une société à part entière, dirigée par l’Aga Khan, mais qui n’a pas plus de territoire que de pays. Karim Aga Khan IV (1936) en est le chef spirituel actuel.  

(3) Les taxes et impôts des sociétés antiques et féodales, - souvent très modérés en réalité… -, donnaient lieu le plus souvent à des contreparties directes : exemples : accès à un marché ; droit d’entrée dans une ville, etc. Contrairement à la situation générale actuelle où l’impôt abonde essentiellement le budget général de l’État dont il fait ensuite… un peu ce qu’il veut. Ce qui constitue qu’une forme de violence non dite, au sens exact où la taxe n’a plus de but identifiable. Et que la porte a été ainsi ouverte à tous les abus :  

En France aujourd’hui, sa fiscalité est ainsi notoirement devenue une pétaudière aussi instable que tyrannique – et cette instabilité de la fiscalité est aussi la marque même d’une tyrannie sans le dire. 

Ce pays compte ainsi environ 100 impôts distincts, contre trois fois moins en Allemagne ou en Angleterre. Il détient aussi le record du monde de la fiscalisation : au global, près de 2/3 de la richesse du territoire est absorbée par l’État et ses subsidiarités.  

Une proportion qui signifie un État confiscatoire, en même temps que défaillant, ce qui est bien pire : il suffit de constater l’état de tous les services publics (police, justice, éducation, armée, etc.) pour comprendre que l’impôt ne sert même plus les besoins élémentaires (emploi, sécurité, progrès social, etc.) du plus grand nombre des Français, et des plus démunis en particulier.  

(4) La zone euro est actuellement saisie de tensions internes très importantes, du fait de la divergence des pays la composant. Ce qui concerne particulièrement l’Italie et l’Espagne à cette date. Ceci a pour effet de voir ces états contraints d’emprunter sur les marchés à des taux d’intérêt bien plus élevés, bientôt insupportables pour leurs finances publiques, qui sont en carafe.  

Alors, dans le plus grand flou à l’heure de ces lignes, la Banque centrale européenne a inventé pour eux et en juillet 2022 un mécanisme (IPT). Une procédure au terme de laquelle, c’est la BCE qui financera directement les États concernés : autrement dit, ils émettent des obligations d’état et la BCE (indirectement) les achètent au tarif convenu entre eux. 

Ce qui revient à parler 1) de création monétaire pure et simple en petit comité 2) d’un circuit parallèle et spécifique de création monétaire.  

La BCE a promis du sérieux dans l’usage de cet outil, oui.  

En même temps, pouvait-elle dire autre chose à propos de ce banquet ouvert ? 

(5) Sur les bons MEFO de Monsieur Hitler, voir ici

En résumé, l’État d’alors a émis l’équivalent d’une monnaie parallèle fonctionnant en circuit fermé, - et connue de ses seuls initiés -, par laquelle Hitler finança assez discrètement le réarmement massif de l’Allemagne. En s’entendant pour ce faire avec les principaux industriels du pays, tous compromis dans cette opération. Ce qui était au départ une ruse pour échapper aux contraintes imposées à l’Allemagne après sa défaite de 1918, c’est rapidement transformé en économie souterraine, avec les résultats finaux qu’on a pu voir.  

(6) En France la Révolution française doit être forcément belle, le sujet est encore sensible.  

Mais on doit pourtant bien considérer que cette Révolution s’est financée comme gratuitement en accaparant (1789) purement et simplement (du vol, donc…) les biens de l’Église de France, d’une valeur alors estimée entre 2 et 3 milliards de livres - une somme phénoménale.  

Ce vol servira à créer une quasi-monnaie (1791), des Assignats, dont les biens de l’Église étaient la contrepartie et le fondement de la valeur réelle. Comme on pouvait s’y attendre, autant d’argent gratuit sur fond de gestion catastrophique donna le goût d’émettre de plus en plus d’Assignats : en deux ans, la quasi-monnaie était ruinée et, quant à la France de 1793, elle basculait dans la Terreur.  

Voir en détails : ici.

Parce que les choses sont souvent ainsi et illustrent d’une autre manière la relation radicale monnaie-territoire : quand le système monétaire d’une Société s’effondre, le territoire concerné bascule dans une forme ou une autre de cataclysme.  

On l’a vu aussi bien avec la terreur de la Révolution française ; l’Espagne réduite à la famine par son or au 17ème siècle ; la dérive criminelle de l’île de Nauru (1990) ou bien le Royaume de France mis à feu et à sang au 13e siècle par Phillipe II - cf. plus haut. Comme on a pu aussi bien le constater dans l’Allemagne hyper-inflationniste de Weimar en 1933, juste après devenue hitlérienne… 

Les mêmes causes produisent les mêmes effets, quoi que les manifestations varient. 

Justement : si la monnaie n’était pas ce qu’elle est, la contrepartie du territoire, cela ne se produirait pas… alors que, partout, toujours, le chaos de l’une provoque toujours le chaos de l’autre, le réel est ainsi.  

 

Charles de Mercy est analyste, président de BulletPoint, inventeur de la sémio-morphologie (2008), une méthode d’analyse du langage.  

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