Vers une police de la pensée ?
TRIBUNE/OPINION - L'association “Place d'Armes” envisageait de manifester “contre le déclassement de la France”, le 13 mai à Paris. Elle avait procédé à la déclaration de son projet fort en avance par rapport aux exigences des textes (le 13 avril). Par une décision (n°2013-00511) notifiée quelques heures avant le début prévu de la manifestation, le préfet de police de Paris a interdit ladite manifestation.
Le préfet invoque deux motifs.
Un motif tiré d'une part de la forte occupation des forces de police et de gendarmerie pour protéger les sites du pouvoir, et pour continuer à éviter les attentats terroristes. Et, d'autre part, un motif tiré de la présence à Paris ce même 13 mai, de plusieurs autres rassemblements s'ajoutant à un match de football. Motif qui ne fait guère le lien entre cette situation et le cas particulier de l'association "Place d'Armes".
Un motif tiré de la nature des écrits antérieurs de ladite association. Aux termes desquels ses membres n'entendaient pas laisser les islamistes politiques imposer leur loi (1). Ces écrits furent appréciés par les rédacteurs de la décision préfectorale, comme permettant de regarder les membres de l'association comme des délinquants au moins potentiels. Les rédacteurs appelant à cet égard et à l'appui de leur raisonnement un arrêt du Conseil d'État sur... le "lancer de nains" (CE 27 octobre 1995, commune de Morsang-sur-Orge).
Comme l'interdiction a été notifiée à un moment où le juge administratif ne pouvait pas être utilement saisi, on ne vit point les membres de l'association "Place d'Armes" grossir le nombre des citoyens critiquant dans les rues les gouvernants du moment.
La manière dont cette décision est rédigée, confirme qu'"en droit", (comme dans beaucoup d'autres domaines ainsi que les discours des gouvernants le montrent par ailleurs), on dispose d'une grande liberté de manœuvre pour arriver, par un raisonnement calibré, au résultat que l'on souhaite.
Mais cette décision, si l'on regarde le fond et la technique utilisée, a en quelque sorte mis en place (dans les faits et sans évidemment le dire) une police de la pensée (idées jugées inconvenantes) débouchant ce faisant sur la mise en place d'une sorte de régime d'autorisation préalable (de fait).
Passera-t-on à l'étape suivante ? Par exemple en interdisant toute manifestation d'une pensée qui ne serait pas celle du président de la République (ou que le président de la République choisirait de porter au détriment d'une autre) ? Et/ou en interdisant toute pensée qui s'éloignerait de l'idéologie financière, économique et politique qui est imposée aux citoyens des territoires de l'Ouest-européen depuis que leurs dirigeants ont signé divers documents (Maastricht, Lisbonne, etc...) transformant insidieusement, mais profondément, les régimes politiques ?
On éviterait ainsi au pouvoir d'utiliser les règles de droit existantes pour en faire un usage nouveau et... imprévu (2). Et on allégerait le travail des juges en plaçant ces interdictions dans la constitution, ou mieux encore dans les traités "européens" : les recours et moyens contre les atteintes à la liberté de s'exprimer deviendraient tout bonnement "irrecevables".
Ce qui éviterait aux juges qui "marchent" avec le pouvoir (par exemple ceux qui ont "pantouflé" chez des ministres, ou qui espèrent le faire), d'avoir à imaginer des motivations "hardies" pour rejeter les recours.
Et ce qui protégerait ceux dont l'esprit est tourné autrement, de l'opprobre de leurs collègues et leur épargnerait d'être victimes de diverses qualifications infamantes.
- Marcel-M. MONIN est maître de conférence honoraire des universités.
Notes :
(1) Comme jadis d'autres pensaient et disaient qu'il fallait cesser d'obéir aux imaginatifs qui avaient décidé, en appelant Dieu à la rescousse, que la Terre était plate.
(2) Comme faire échapper des décisions au contrôle des parlementaires, à celui de la Cour des Comptes ou à celui la de divers juges, comme à la connaissance des citoyens, en prenant lesdites décisions au sein de comités dits de "défense" sanitaire. Comme utiliser un mandat électif, non pour "représenter" la Nation, mais pour le mettre au service d'intérêts particuliers. Ou bien encore, comme ici de toute évidence, jouer de la pendule pour empêcher l'exercice normal d'une voie de recours.
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