Émeutes : le gouvernement sollicite les réseaux sociaux pour réduire la diffusion de contenus violents, Twitter accusé de censure
RÉSEAUX SOCIAUX - Twitter censure-t-il les contenus liés aux émeutes en France ? Accusés par l'exécutif de susciter une “forme de mimétisme de la violence” à travers la diffusion des vidéos, les réseaux sociaux ont été sommés par le président Macron de retirer les “contenus les plus sensibles”. Sur l’oiseau bleu, les internautes dénoncent depuis samedi dernier 1er juillet une censure et des “shadow ban” (réduction de la visibilité d’un compte ou de ses contenus sans en informer son utilisateur, ndlr), affirmant que les trends (tendances sur Twitter) liées aux émeutes ne sont plus visibles. Des accusations contre Twitter qui se mêlent aux conséquences de la dernière décision du patron du réseau social, Elon Musk, qui a annoncé, vendredi, une limitation du nombre de tweets visibles par les internautes.
Vendredi 30 juin, Emmanuel Macron recevait avec sa Première ministre, Elisabeth Borne, son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, son ministre du numérique, Jean-Noël Barrot, et les responsables en France des réseaux sociaux Meta, Twitter, Snap ou encore Tik-Tok, convoqués d'urgence.
“Les réseaux sociaux jouent un rôle considérable dans les mouvements des derniers jours”, a déclaré le locataire de l’Élysée. La recrudescence de la violence dans les villes françaises, que Macron attribue à “l’intoxication aux jeux vidéos”, trouve aussi son origine selon le président de la République dans une “forme de mimétisme” par rapport aux vidéos largement diffusées sur les plateformes numériques.
🗣 "Nous prendrons dans les prochaines heures plusieurs dispositions comme le retrait des contenus les plus sensibles en lien avec ces plateformes [réseaux sociaux]".
— franceinfo (@franceinfo) June 30, 2023
Emmanuel Macron épingle le rôle et la place des réseaux sociaux dans la propagation des violences de ces… pic.twitter.com/Ly42itV3i5
Si un tour rapide sur les réseaux sociaux permettait de constater que les sujets à la tête des tendances étaient tous liés aux émeutes et aux affrontements avec les forces de l’ordre, cette relation de cause à effet a été aussi vivement critiquée.
“En contact permanent avec des autorités”
Les responsables de Meta, Twitter et des autres réseaux sociaux ont ainsi été sollicités par l’exécutif pour s'attacher à retirer “les contenus les plus sensibles” et identifier les auteurs d'appels à la violence. La majorité de ces plateformes interdisent déjà dans leurs règlements intérieurs les contenus incitant à la violence, à des activités criminelles ou à porter atteinte à autrui mais la quantité de contenus diffusés et relayés simultanément a semblé mettre à mal les équipes de modération. Raison pour laquelle des réseaux sociaux comme Meta disent être “en contact permanent avec des autorités françaises” et avoir mis en place une “cellule de veille dès le milieu de la semaine pour agir le plus vite possible”.
Agir pour restreindre la diffusion de ces contenus, mais surtout pour identifier les internautes derrière les comptes, y compris anonymes : il s'agit là d'une opération autorisée par loi de 2004 sur la confiance dans l'économie numérique, qui oblige les réseaux sociaux à conserver les données identifiant les titulaires des comptes afin de les transmettre éventuellement aux autorités.
Y compris à des fins de poursuites judiciaires, selon une déclaration véhémente du ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti : “Que les gamins sachent clairement qu'on va péter les comptes. L'autorité judiciaire peut, sur réquisition, demander aux opérateurs de livrer les adresses IP, ce qui nous permet évidemment d'arriver à l'identité de ceux qui s'en servent pour dire quand, où et comment on va aller casser”, a-t-il averti.
Les réseaux sociaux se sont-ils mis à censurer les contenus liés aux émeutes ? Twitter est l’un des “principaux accusés” par les internautes français. Les reproches contre l’oiseau bleu et son patron, le milliardaire Elon Musk, sont nombreux. Beaucoup dénoncent leur “shadow ban”, une technique utilisée par l’équipe de modération de Twitter pour réduire la visibilité d’un compte ou de ses contenus sans avertir son utilisateur.
Ils affirment que leurs tweets ne récoltent aucun "like" ("j'aime"), aucun retweet (le fait de relayer un message), ni même de réponse (les commentaires). Un état de fait également dénoncé par des comptes Twitter très suivis qui affirment, en outre, avoir reçu un avertissement par email de la part de l’oiseau bleu à propos de certains de leurs tweets ou avoir été contactés de la part du ministère de l’Intérieur.
✍️ Si on commence à ne plus pouvoir tweeter une simple vidéo de dégradation d'un mémorial de la déportation à #Nanterre, où va-t-on ? La censure n'est pas un moyen d'apaiser les tensions. Les médias doivent pouvoir montrer les images de ce qui se passe actuellement dans le pays… https://t.co/P5GTq3jcdD
— AlertesInfos (@AlertesInfos) July 1, 2023
Le co-fondateur du compte @CerfiaFR d'information, déclare avoir été contacté par le ministère de l'intérieur pour arrêter de diffuser les vidéos d' émeutes sur ses réseaux.
— Damien Rieu (@DamienRieu) July 1, 2023
Celui- ci, " va privilégier les contenus plus positifs "pic.twitter.com/79EcJJandl
Musk accusé de censure après la limite la lecture des tweets
D’autres internautes affirment que les mots-clés des tendances, généralement accompagnés par un hashtag (#emeutes, #GuerreCivile, #France, etc, pour souligner les tendances en cours) ne figuraient plus dans les “trends” depuis une adresse IP française (autrement dit, en ce qui concerne les utilisateurs situés en France, ndlr).
Pourtant, depuis l’Hexagone ou à l’aide d’un serveur VPN domicilié en France, les mots-clés sont toujours épinglés à la tête des tendances et disponibles, affichant des vidéos liées aux émeutes... D’ailleurs, des internautes ironisant sur ces éventuelles limitations diffusaient eux-mêmes des vidéos, se moquant à propos d’une “censure” dysfonctionnelle du “gouvernement”.
Qu’en est-il réellement ? De nombreux utilisateurs de Twitter montraient, image à l’appui, la censure de leurs contenus ou leur “shadow ban”. Il s’agissait notamment de captures d’écran de leurs fils Twitter, où apparaît, depuis hier, un message indiquant que “la limite de taux a été dépassée”. Attribué à une censure, ce message dépend en réalité d’une des dernières décisions de Musk à propos de sa plateforme.
Le chef de Tesla et de SpaceX, qui promet de “relancer” Twitter et ses recettes décroissantes, a en effet annoncé restreindre temporairement la lecture de messages sur sa plateforme, à l'échelle internationale. Dans un tweet publié vendredi 30 juin, il explique cette décision par la nécessité de “remédier aux niveaux extrêmes de recueil de données et de manipulation de système” par des tiers (il pourrait s'agir d'une Intelligence Artificielle "hostile", selon certaines sources, ndlr), a précisé le milliardaire. Une manœuvre qui n'aurait donc pas de rapport avec l'actualité en France.
Les comptes vérifiés pouvaient initialement lire 6 000 tweets par jour, contre 600 pour les comptes non vérifiés et 300 pour les nouveaux comptes non vérifiés. Des plafonds qui ont été revus à la hausse dans la journée de samedi 1er juillet 2023.
To address extreme levels of data scraping & system manipulation, we’ve applied the following temporary limits:
— Elon Musk (@elonmusk) July 1, 2023
- Verified accounts are limited to reading 6000 posts/day
- Unverified accounts to 600 posts/day
- New unverified accounts to 300/day
Cette décision a par ailleurs été interprétée par des internautes comme la suite de la récente réunion entre Emmanuel Macron, des membres du gouvernement et les responsables de plusieurs réseaux sociaux ou géants de la Tech, dont Musk. Ils sont nombreux à affirmer que cette mesure est une opération de censure, sans doute influencés par un faux document relayé sur les réseaux sociaux - et dénoncé par le ministère de l’Intérieur comme étant une fake news - qui affirme que “des restrictions temporaires à l’accès internet seront adoptées dans certains quartiers”.
#ViolencesUrbaines | Attention aux #FakeNews
— Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer (@Interieur_Gouv) July 2, 2023
📃Un communiqué de presse de la @PoliceNationale annoncerait des restrictions temporaires à l’accès internet dans certains quartiers.
❌Ce document est un FAUX : aucune décision n’a été prise en ce sens. pic.twitter.com/LQYPKxp0KO
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