Affaire Benalla : l'étau se resserre autour de l'Elysée

Auteur(s)
Pierre Plottu
Publié le 23 juillet 2018 - 21:26
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Le président français Emmanuel Macron (d) marche devant Alexandre Benalla (g) à la fin du défilé militaire du 14 juillet 2018 à Paris
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© PHILIPPE WOJAZER / POOL/AFP
Des premières auditions des protagonistes de l'affaire Benalla il ressort que l'Elysée a jouer un rôle central dans les faits.
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Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb et le préfet de police de Paris Michel Delpuech ont été auditionnés ce lundi par les députés pour leur rôle supposé dans le scandale de l'affaire Benalla.

Il est des expressions qui se perdent en ces temps d'affaire Benalla. "J'assume", en fait partie. Des mots toutefois remis au goût du jour par le préfet de police de Paris Michel Delpuech, entendu ce lundi 23 après-midi par les députés de la commission des lois dans le cadre du scandale. Une audition qui contraste fortement avec celle du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, le matin même, mais dont le message a été constant: tout est parti et remonte à l'Elysée dans cette affaire.

Ministre d'Etat en charge du portefeuille de l'Intérieur, chef de la police et des renseignements, Gérard Collomb est l'un des personnages les mieux informés de la République. Et, pourtant, ce fidèle du président a juré ce lundi matin qu'il ne savait rien, ou si peu, d'Alexandre Benalla, qu'il ne le connaissait tout simplement pas. "Je pensais qu'il était policier", a même hasardé le ministre de l'Intérieur.

L'homme est pourtant le "monsieur sécurité" d'Emmanuel Macron et l'accompagne partout (jusque sur les pistes de ski) depuis le tout début d'une campagne présidentielle dont Collomb a été un des principaux acteurs. Benalla était également une des figures du siège de campagne d'Emmanuel Macron, chef de la sécurité et seul "gros bras" à avoir accès au sixième étage du bâtiment, celui du patron. Mais non, le ministre ne le connaissait pas.

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Aux réponses lunaires (comme lorsqu'il assure n'avoir pas parlé de l'affaire avec Emmanuel Macron, ou "le moins possible"), Gérard Collomb a ajouté le renvoi de responsabilité vers ses subordonnés et... l'Elysée. Par exemple lorsqu'un député lui demande pourquoi il n'a pas saisi la justice au titre de l'article 40 (l'obligation pour une autorité ou un fonctionnaire de rapporter au procureur de la République un crime ou délit dont il a connaissance, lien). Sa réponse: "Ce n’est pas au ministre qu’il appartient de le faire". Puis d'ajouter: "Je considère que c’est à ceux qui sont en responsabilité dans leurs administrations, au plus près du terrain, de recueillir les éléments permettant de justifier la transmission d’un signalement au titre de l’article 40 de le faire". Voilà pour ses subordonnés.

Mais le ministre n'a pas oublié de charger également les services de la présidence. Tout à sa volonté de se dédouaner, il a ainsi rappelé: "Je m'étais assuré le 2 mai que tant le cabinet du président de la République que la préfecture de police de Paris avaient été destinataires de l'information de la vidéo mettant en cause monsieur Benalla. Il leur appartenait donc d'agir".

Un art de renvoyer la balle par lequel a également brillé le préfet de police de Paris Michel Delpuech. Entendu lui aussi pendant deux bonnes heures, de 14h15 à 16h30, factuel et précis, le haut fonctionnaire a certes dénoncé les "dérives individuelles inacceptables sur fond de copinage malsain" de certains parmi ses troupes. Il a même visé nommément les trois hauts gradés de la police suspendus pour avoir fourni illégalement à Benalla les images des violences du 1er mai place de la Contrescarpe. "J'ai appelé moi-même le procureur Molins".

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Acceptant de prendre sa part de responsabilités au nom de l'administration qu'il dirige, Michel Delpuech a également rappelé qu'il a lui aussi une hiérarchie. Benalla était ainsi bien "un interlocuteur connu" pour ses services, celui désigné par l'Elysée, a-t-il confirmé. Puis d'apporter une précision en forme de tacle assasin: "Mes services travaillent avec les interlocuteurs qu’on leur donne".

A propos du permis de port d'arme délivré à Alexandre Benalla par sa préfecture, après trois refus par le ministère de l'Intérieur (les limiers de Beauvau le décrivant comme un "Rambo"), Michel Delpuech a également joué la transparence. Le sésame a ainsi bien été délivré suite à une demande transmise par l'Elysée. "Sans pression", certes, mais le Palais a-t-il besoin d'en user pour se faire obéir de l'administration? "J'ai pris cette décision (...) je l'assume", s'est borné à répondre Michel Delpuech.

Enfin, sur le non recours à l'article 40, le préfet a également dit "assumer". Mais en rappelant une fois encore son rôle de maillon certes essentiel, mais qui n'est pas en bout de chaîne: "En pratique, on renvoie à l’autorité qui a la responsabilité hiérarchique. C’est en tous cas ce que j’ai pensé -peut-être à tort, mais je l’assume. Il y avait déjà pas mal de personnes informées quand je l’ai été moi-même (...) qui auraient pu saisir l’article 40. Dans ces conditions, ce n’était plus au préfet de prendre cette décision (...). Le préfet de police est une autorité importante, mais dans une chaîne hiérarchique il est sous l’autorité des autorités exécutives".

Au-delà de la tonalité des réponses apportées par les deux auditionnés du jour, force est de constater que Gérard Collomb comme Michel Delpuech se sont donc surtout efforcés de renvoyer la patate chaude. Aucun n'a envie de jouer les fusibles dans une affaire avant tout politique: celle de la protection accordée par Emmanuel Macron, ou ses services, à Alexandre Benalla malgré l'accumulation des dérapages. Bilan de la journée, alors que d'autres auditions restent attendues: l'étau se resserre autour de l'Elysée.

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