Cahuzac qui n'a "plus grand chose à perdre" balance, Valls se dit "dégoûté"
Après des années de silence, il a tout lâché. Jérôme Cahuzac, qui s'était tu pour ne pas "faire du mal" à ses camarades socialistes, a fini par parler au cours de ses six heures de procès lundi 5. "Je n'ai plus grand chose à perdre", a expliqué celui qui en quelques années à peine est passé de chirurgien à succès et ministre superstar à celui du paria. Ainsi, à la question du président"pourquoi ouvrez-vous le compte Péninque?", en référence à son premier compte caché en Suisse, Cahuzac répond, à la surprise générale: "ce compte, c'est du financement d'activités politiques pour un homme dont j'espérais qu'il aurait un destin politique national". En l'occurrence, Michel Rocard.
En 1991, Jérôme Cahuzac vient de quitter le cabinet du ministre de la Santé Claude Evin. Il débute ses activités de chirurgien esthétique et commence en parallèle à s'engager politiquement "auprès de l'équipe Rocard". A ce moment là, "Michel Rocard s'installe dans des bureaux vastes et bien équipés, rue de Varenne (dans le 7e arrondissement de Paris, après sa démission de Matignon, NDLR) À l'époque, la vie politique, ça coûte cher. Avant 1988, le financement occulte de la vie politique était également la règle. Puis, jusqu'en 1995, c'était un financement mixte: à la fois autorisé et illégal. Tous les partis politiques le faisaient (…) Les hommes politiques n'auraient pu faire de politique sans ça. Le financement illégal, c'était la règle", justifie l'ancien ministre du Budget, pour resituer le contexte. "La perspective de la campagne présidentielle de 1995 est dans toutes les têtes", de nombreuses personnes comptent sur Michel Rocard et "un certain nombre de laboratoires aident en versant des chèques au nom de l'association (politique de Michel Rocard, NDLR)", poursuit Cahuzac, assurant qu'au début tout cela se fait en parfaite légalité.
Mais, au printemps 1992, les choses se compliquent. "Des gens" lui demandent si "un effort supplémentaire peut être fait". "Je vais revoir ceux qui ont déjà accepté d'aider. Mais dans le cadre des lois existantes, c'est impossible de continuer", la loi imposant la transparence, explique l'accusé. "Certains ne veulent pas que ça se sache" tandis que d'autres ont déjà atteint le plafonnement de financement du parti, raconte-t-il. Avant de se lancer: "la seule façon d'aider ne peut être que de façon occulte et parallèle". Sous influence, l'ancien ministre décide donc d'ouvrir un compte à l'étranger. Pour ce faire, il se tourne vers l'un de ses amis avec qui il fait de la course à pied: Philippe Péninque. "J'ai confiance en lui et il sait faire. Il me parlait de ses affaires en Suisse. Je lui en dis le moins possible. Je n'ai pas donné la vraie raison (de l'ouverture du compte, NDLR) à Péninque".
Et tout cela, Rocard l'ignorait, martèle Cahuzac. "Je n'en parle jamais avec lui", assure-t-il, affirmant qu'une seule personne de son entourage-il refusera de la dénoncer- était au courant. "Une personne vivante est au courant, c'est pour ça que je ne dirai rien". Mais Michel Rocard ne se présentera jamais à la présidentielle. Les défaites successives aux législatives de 1993 et aux européennes de 1994 signent "la fin de la rocardie". Dépité, l'ex-ministre aurait alors demandé à ceux qui oeuvraient avec lui de se débarrasser de cet encombrant compte suisse. "Je veux savoir concrètement que faire de ces avoirs. Je demande: +Qu'est-ce que j'en fais+?" , explique-t-il, jurant avoir reçu toujours la même réponse. "Tu ne bouges pas, on te dira". Sauf qu':"on ne m'a jamais rien dit".
Sans surprise, ces révélations ont fait l'effet d'une bombe dans le monde politique. A tel point que Manuel Valls s'est dit ce mardi 6 sur RTL, "triste" voire "dégoûté" par le récit de l'ancien ministre. Récit auquel il ne croit pas une seule seconde. "Je ne le conçois pas un seul instant", a affirmé le Premier ministre, reprochant à Cahuzac d'impliquer un mort dans ses explications."Je sais quelle était l'éthique de Michel Rocard et de son entourage", a-t-il assuré, accusant le chirurgien de vouloir "semer le doute".
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