Comment le lobby agroalimentaire veut tuer l'étiquetage nutritionnel

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Amandine Zirah et Pierre Plottu
Publié le 11 octobre 2016 - 17:39
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Les enseignes de la grande distribution se livrent une guerre des prix.
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©A.G.Photographe/Flickr
L’industrie agroalimentaire semble ne pas vouloir du code 5 couleurs.
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Depuis fin septembre, quatre systèmes d'étiquetage nutritionnel sont testés dans 60 supermarchés de plusieurs régions françaises, l'occasion d'aider les consommateurs à déchiffrer au mieux les paquets d'emballages. Mais pour l'eurodéputée et candidate à la primaire écologiste Michèle Rivasi, qui s'est prononcée en faveur du code 5 couleurs, le comité de pilotage et le comité scientifique qui supervisent l’étude sont "truffés de conflits d'intérêts".

Difficile de savoir ce que contiennent vraiment nos assiettes. Pour aider les consommateurs à déchiffrer au mieux les paquets d'emballages, quatre systèmes d'étiquetage nutritionnel (voir photo ci-dessous) sont actuellement testés dans 60 supermarchés de plusieurs régions françaises (Hauts-de-France, Normandie, Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes). L'objectif: rendre plus compréhensibles les informations actuelles qui détaillent la quantité de glucides, protides, lipides par portion de 100 grammes et parfois la teneur en vitamines. Concrètement, l'expérimentation, qui a débuté le 26 septembre dernier, porte sur 30.000 produits.

Le premier système testé est le "Nutri Repère". Conçu par l'industrie agroalimentaire, il détaille les apports de chaque aliment à la fois en pourcentage et en valeur. Le suivant, baptisé "SENS", a été mis en avant par la grande distribution et affiche la fréquence de consommation recommandée, de "très souvent" à "occasionnellement". Le "Nutri Couleurs", lui, est un système de trois couleurs, déjà en vigueur au Royaume-Uni. Quant au dernier, baptisé "Nutri-score" (code 5 couleurs ou 5-C), il est défendu par le  Haut Conseil de santé publique (HCSP). Ce système propose cinq notes de couleur, allant de A (en vert) à E (en rouge).

C'est justement ce dernier que défend la candidate à la primaire écologiste Michèle Rivasi. En ce sens, l'eurodéputée a donné ce mardi 11 une conférence de presse au cours de laquelle elle a dénoncé l'influence des lobbies pour faire capoter le code 5C. Selon elle, tout est déjà joué d'avance, tout est biaisé. Pour rappel, le code 5 couleurs, issu des travaux du professeur Serge Hercberg, épidémiologiste à l’INSERM, a été soutenu à ses débuts par le ministère de la Santé. Seulement voilà: les industriels de l'agroalimentaire et certains distributeurs, soutenus par Stéphane Le Foll, ont clairement affirmé leur désaccord, jugeant la couleur rouge trop "stigmatisante". Ils ont alors proposé leurs propres logos, poussant à expérimenter "grandeur nature" quatre systèmes d'étiquetage.  

Ainsi, à l'issue des dix semaines de test, un logo sera sélectionné. Il sera toutefois facultatif, le règlement européen ne permettant pas de le rendre obligatoire. Mais certains dénoncent depuis plusieurs semaines le manque d'impartialité du comité mis en place pour évaluer les quatre systèmes. C'est notamment le cas de Michèle Rivasi qui estime que "le comité de pilotage et le comité scientifique qui supervisent l’étude en conditions réelles sont truffés de conflits d’intérêts". De ce fait, ils choisiront, selon elle, l'un des systèmes qui leur semble le plus avantageux: le "Nutri Repère" ou le "SENS".

Concrètement, c'est Benoît Vallet, le directeur général de la santé qui préside le comité de pilotage. Il partage le fauteuil avec Christian Babusiaux, qui est depuis avril 2015 président du Fonds français pour l’alimentation et la santé (FFAS), une organisation financée par l’industrie agroalimentaire. Parmi les autres membres du comité, on retrouve également des représentants de la grande distribution et des industriels de l’agroalimentaire. De plus, six des membres du comité scientifique ont récemment démissionné, apportant la preuve à Michèle Rivasi qu'il y avait bel et bien des conflits d'intérêts dans le groupe. Selon elle, ces derniers "subissent depuis des pressions", raison pour laquelle ils ne veulent pas s'afficher devant les médias.

Pour tenter d'inverser la tendance et de convaincre le gouvernement d'adopter le code 5C, la candidate à la primaire écologiste a déposé ce mardi une pétition en faveur du "Nutri-score" au ministère de la Santé. Lancée en janvier dernier par Eric Delannoy, le vice-président de Nous Citoyens, elle a déjà recueilli près de 235.000 signatures. Pour Michèle Rivasi, il est impératif de réaliser "une étude indépendante" et "d'arrêter cette mascarade". Sa crainte: qu'il n'y ait "aucune garantie de l'indépendance et de la transparence de l'expertise". 

Les quatres étiquetages nutritionnels actuellement testés: le "Nutri-score", ou code "5 couleurs" (en haut à gauche), le "Nutri Couleurs" (h. à dr.), le "Nutri Repère" (en bas à g.) et le "SENS" (b. à dr.).

 

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