Débat Macron-Le Pen : que la hauteur présidentielle repose en paix

Auteur(s)
Pierre Plottu
Publié le 04 mai 2017 - 13:31
Mis à jour le 05 mai 2017 - 13:36
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Les candidats à la présidentielle Marine Le Pen (g) et Emmanuel Macron (d) avant le débat télévisé d
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© Eric FEFERBERG / POOL/AFP
Le débat Macron-Le Pen de mercredi soir a été d'une violence rare.
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Marine Le Pen et Emmanuel Macron se sont livrés un combat sans merci, mercredi soir lors du débat d'entre-deux-tours de l'élection présidentielle. Un pugilat indigne de deux prétendants à la fonction suprême et pauvre en arguments notamment de la part de la candidate d'extrême droite qui se veut pourtant la championne de la "France apaisée".

DEBAT MACRON-LE PEN - Sonnés, épuisés, un peu étourdis après deux heures et trente minutes d'un pugilat d'une brutalité rare. Regardé par plus de 16 millions de Français, le débat d'entre-deux-tours de la présidentielle de mercredi 3 restera dans l'histoire par sa violence plus que par la hauteur et la qualité des échanges. Cent cinquante minutes de clash qui, à défaut d'éclairer les électeurs sur le fond, le grand absent, ont au moins été révélatrices sur le caractère des deux aspirants à la fonction suprême.

Le ton a été donné dès l'introduction par Marine Le Pen. La chantre autoproclamée de la "France apaisée" (son slogan du premier tour) s'est ainsi ruée à l'assaut de son rival sans round d'observation. À la traîne dans les sondages -malgré un score qui s'annonce historique pour l'extrême droite française- la challenger du second tour voulait frapper fort. "Brutalité sociale", "saccage économique", "défenseur du communautarisme": elle a enchaîné les coups contre celui qu'elle a présenté tour à tour en candidat "piloté par François Hollande" ou en "banquier d'affaires". Dans le plus pur style Le Pen.

Sourire aux lèvres, quelque peu forcé au vu de la violence des attaques, Emmanuel Macron a répondu par la "bienveillance" et en renvoyant à sa filiation celle qu'il a dépeint en championne d'un "système qui prospère sur la haine". Mais il a aussi joué la carte de la précision, confondant a de nombreuses reprises son adversaire pourtant venue avec un improbable paquet de notes et de classeurs empilés devant elle.

Le passage des accusations de vente de SFR par Emmanuel Macron au milliardaire Patrick Drahi, censées illustrer ce "libéralisme sauvage" et ces "conflits d'intérêts" que Marine Le Pen voulait dénoncer, a été révélateur. Calme, Emmanuel Macron a rappelé qu'il n'était pas ministre au moment des négociations et que l'opérateur était détenu par des capitaux privés ("nous sommes dans un État où la propriété privée est respectée"). Puis lorsque la candidate frontiste a tenté d'enfoncer le clou en utilisant soudainement des arguments concernant le dossier Alstom, son adversaire l'a reprise au vol. "Vous êtes en train de lire une fiche qui ne correspond pas au dossier que vous avez cité. C'est triste pour vous parce que ça montre votre impréparation à nos concitoyens. (…) On peut rentrer dans l'intimité du dossier mais vous n'allez pas tenir longtemps comme vous les confondez les uns avec les autres. Il y en a un qui fait des téléphones et l'autre, ça n'a rien à voir, il fait des turbines et du matériel industriel".

Un ton docte (hautain?) qui a eu l'art de faire sortir de ses gonds son adversaire. Emmanuel Macron a ainsi renversé la vapeur face à Marine Le Pen dont l'objectif évident était de lui faire perdre le contrôle de lui-même, voire de le pousser à quitter le plateau. Elle a même failli parvenir à ses fins, le candidat d'En Marche semblant sur le point de partir à la faute à plusieurs reprises.

Mais à l'arrivée force confusion, cacophonie et autres attaques frontales, parfois personnelles même. "Vous voulez tout vendre, même le ventre des femmes", a été jusqu'à lancer Marine Le Pen, l'accusant à tort d'être favorable à la GPA entre deux attaques sur son "allégeance" supposée au "communautarisme" et aux "puissants intérêts privés". "Les Français méritent mieux que ca", a rétorqué Emmanuel Macron tout au long de la soirée, dénonçant les "gros mensonges" et "grosses bêtises" de son adversaire, tentant de garder son calme et s'emmêlant parfois dans ses réponses, notamment sur le soutien de l'UOIF.

"Répondez sur le fond", se sont ainsi sentis obligés de demander à plusieurs reprises les deux animateurs du débat. Au-delà de l'écologie et de la culture, voire même de la moralisation de la vie publique, celui-ci a été le grand absent mercredi soir. La hauteur portée disparue. Emmanuel Macron a pourtant essayé de développer son programme, notamment lors de la séquence sur son projet budgétaire, avant d'entrer dans le jeu de Marine Le Pen.

Les téléspectateurs auront presque perdu de vue qu'il s'agissait d'un débat censé les éclairer sur les propositions et la vision pour la France portées par les deux finalistes de l'élection présidentielle. Oui: deux prétendants à la fonction suprême. Que proposent l'un et l'autre? Difficile à dire au sortir du débat. "Les Français vous regardent", ont même rappelé les animateurs à des adversaires oubliant toute bienséance. Peu ou pas de fond, d'arguments constructifs, donc. Et si les convaincus resteront convaincus, une certitude: Marine Le Pen a fendu l'armure de la dédiabolisation. De là à faire basculer certains électeurs tentés par le vote blanc ou l'abstention?

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