"Gilets jaunes" nassés en 2019 à Paris : un juge va enquêter sur le maintien de l'ordre version Lallement

Auteur(s)
FranceSoir avec AFP
Publié le 08 septembre 2022 - 18:30
Image
Lallement
Crédits
AFP/Archives/Ludovic MARIN
AFP/Archives/Ludovic MARIN

Un juge d'instruction va enquêter sur les pratiques de maintien de l'ordre de l'ex-préfet de police Didier Lallement, accusé par deux figures des "gilets jaunes" de les avoir mis en danger en les "nassant" et empêché de manifester à Paris fin 2019.

Fait rarissime, ce magistrat va se pencher sur la légalité au regard du droit pénal de la gestion globale de cette manifestation, alors que la justice ne s'intéresse habituellement qu'à des pratiques individuelles comme des tirs litigieux de lanceur de balles de défense (LBD).

Dénoncée dans cette plainte, la "nasse", qui consiste à encercler les manifestants et les retenir dans un périmètre donné.

Cette technique a été remise en cause par plusieurs autorités françaises. Le Défenseur des droits a ainsi recommandé mi-2020 de mettre fin à cet "encagement" qui conduit "à priver de liberté des personnes sans cadre juridique".

Et en juin 2021, le Conseil d'État a annulé plusieurs dispositions du schéma national de maintien de l'ordre (SNMO), dont celles concernant "la nasse", contraignant en décembre le ministère de l'Intérieur à encadrer et limiter le recours à cette technique.

À l'origine de cette plainte, initialement déposée en juin 2020 contre Didier Lallement et contre X pour "atteinte arbitraire à la liberté individuelle", "entrave à la liberté de manifestation" ou "mise en danger d'autrui", deux coorganisateurs de la manifestation du 16 novembre 2019, Priscillia Ludosky, 36 ans, et Faouzi Lellouche, 56 ans.

Ce jour-là, plusieurs centaines de personnes s'étaient réunies à la mi-journée place d'Italie à Paris pour fêter le premier anniversaire de la mobilisation des "gilets jaunes".

Le cortège devait partir à 14 h 00 mais à 14 h 19, la préfecture de police demande "l'annulation" de la manifestation pour cause d'"exactions". Vingt-deux minutes plus tard, le "gilet jaune" Manuel Coisne perd un œil suite à un tir policier de grenade lacrymogène. La stèle du maréchal Juin, au centre de la place, est dégradée.

Présent sur les lieux, le préfet de police s'illustre par un échange devenu célèbre. À une "gilet jaune" qui l'interpelle, Didier Lallement répond : "Nous ne sommes pas dans le même camp, madame !".

Soutenus notamment par la Ligue des droits de l'Homme (LDH), qui avait observé de "graves atteintes aux libertés" ce jour-là, Mme Ludosky et M. Lellouche accusent le préfet et son institution d'avoir nourri la confusion et la colère en annonçant l'annulation de la manifestation après son début, puis en ordonnant aux forces de l'ordre d'encercler la place et de réprimer le rassemblement, l'empêchant d'arriver à son terme, faisant de nombreux blessés.

"Une garde à vue à ciel ouvert de trois heures", d'après eux.

"Encagement"

Mi-décembre 2020, selon des éléments dont l'AFP a eu connaissance, Rémy Heitz, alors procureur de Paris, répond aux plaignants.

Il classe sans suite leur plainte "au regard des éléments (...) sollicités" auprès de la préfecture de police qui montraient, selon lui, les "choix opérationnels limités dont la police disposait (...) et du contexte particulier dans lequel les forces de l'ordre intervenaient".

Avant même la réponse de M. Heitz, les deux manifestants ont demandé par une nouvelle plainte la désignation d'un juge d'instruction.

Sollicité cette fois pour avis, le parquet de Paris maintient son opposition à une enquête, prenant en octobre 2021 de rares réquisitions aux fins de non informer.

Reprenant in extenso l'argumentation de Rémy Heitz fondée pour l'essentiel sur les éléments fournis par la préfecture de police, une procureure a justifié "qu'aucune qualification pénale ne pouvait être retenue".

Mais dans une ordonnance consultée par l'AFP, un juge d'instruction parisien est passé outre ces réquisitions le 31 août et a décidé de lancer des investigations sur ces faits qui "peuvent légalement admettre une qualification pénale".

Me Guillaume Martine, avocat des deux plaignants, a salué "une excellente nouvelle".

"Mes clients se félicitent qu'une information judiciaire soit effectivement ouverte et puisse faire la lumière sur ces pratiques, notamment celle de la nasse", a-t-il dit.

Sollicitée, la préfecture de police n'avait pas réagi dans l'immédiat.

À LIRE AUSSI

Image
Emission Gilet jaune
"On demandait justice pacifiquement, ils nous ont gazés en retour" : des Gilets jaunes témoignent
Ce dimanche 24 avril aura lieu la première élection présidentielle depuis le début des Gilets jaunes, en novembre 2018. Nous avons reçu sur notre plateau et par visioc...
22 avril 2022 - 15:01
Vidéos
Image
Le boxeur Gilet jaune, Christophe Dettinger
"Il a été matraqué par les politiques" Christophe Dettinger, le boxeur Gilet jaune se livre sans tabou
Le boxeur Christophe Dettinger, célèbre pour avoir usé des poings contre les forces de l’ordre en janvier 2019, est la figure centrale d'une série-documentaire revenan...
08 avril 2022 - 22:10
Politique
Image
Akhenaton
"Nous sommes dans une culture de destruction" Akhenaton
Pour ce "Défi de la vérité", nous nous sommes déplacés à Marseille afin d’aller à la rencontre du rappeur Akhenaton. Le chanteur du groupe IAM s’est particulièrement i...
15 avril 2022 - 20:45
Vidéos

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
ARA
Décès de ARA, Alain Renaudin, dessinateur de France-Soir
Il était avant toute chose notre ami… avant même d’être ce joyeux gribouilleur comme je l’appelais, qui avec ce talent magnifique croquait à la demande l’actualité, ou...
07 novembre 2024 - 22:25
Portraits
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.