Martinez et Mailly marchent main dans la main contre la loi Travail
CGT et FO marchent main dans la main depuis le début de l'année contre la loi Travail, une alliance exceptionnelle mais ponctuelle, qui n'augure pas de refonte du paysage syndical français éclaté. Dernier exemple en date, leurs leaders Philippe Martinez (CGT) et Jean-Claude Mailly (FO) tiendront mercredi un meeting commun à Nantes. Plus inédit, et toujours aux côtés de M. Martinez, M. Mailly participera le 10 septembre à un débat sur la loi Travail à la fête de l'Humanité, une première pour un secrétaire général de FO.
La rancœur mutuelle des deux organisations remonte pourtant à 1947, lorsqu'une partie des troupes de la CGT, refusant l'emprise du parti communiste, a fait scission pour créer la CGT-FO. Depuis, les deux syndicats ont eu tendance à s'éviter plutôt qu'à faire front commun. 1995 a fait date, avec une poignée de main historique échangée entre Louis Viannet (CGT) et Marc Blondel (FO) au moment des grèves contre la réforme de la Sécurité sociale initiée par Alain Juppé, Premier ministre de l'époque. Mais l'alliance a vite volé en éclats. Un autre rapprochement, de très courte durée, a eu lieu en 2013, lorsque Bernard Thibault (CGT) et Jean-Claude Mailly ont défilé ensemble contre l'accord national sur la sécurisation de l'emploi.
Avec la loi Travail, les lignes ont de nouveau bougé dès février, quand FO a accepté de participer à une réunion intersyndicale au siège de la CGT. Manifestations épaule contre épaule, conférences de presse et meetings communs, défilé du 1er mai...: les images montrant MM. Martinez et Mailly, côte à côte, expliquant tout le mal qu'ils pensent de ce texte promulgué en août, se sont multipliées. Le 15 septembre, ils marcheront à nouveau côte à côte à Paris pour réclamer l'abrogation du texte.
Pour autant, "il ne s'agit que d'une +alliance très circonstancielle+. Encore le terme alliance est-il trop fort", estime Dominique Andolfatto, professeur de sciences politiques. Il relève que "sur le fond, les positionnements ne sont pas les mêmes" et se demande si tout le monde est "à l'unisson" au sein de FO à propos de cette lune de miel. Ainsi, concernant la loi Travail, FO est principalement vent debout contre l'inversion de la hiérarchie des normes -- lorsque les accords d'entreprise peuvent être moins favorables que la branche. La CGT porte une critique plus globale contre ce texte "dangereux" pour le salarié, lui opposant son propre projet de réforme: le "Code du travail du 21e siècle".
"Historiquement, FO et la CGT, c'est un peu comme deux sœurs ennemies, et s'il peut y avoir ponctuellement unité d'action, il n’y a pas de recomposition syndicale en vue", souligne M. Mailly, à la tête de la troisième organisation syndicale française. "Dire qu'aujourd'hui, FO et CGT sont d'accord sur tout, non. On est d'accord sur ce sujet (la loi Travail, NDLR) et on n'est pas d'accord sur un tas de sujets. C'est la réalité du paysage syndical français et du pluralisme syndical", relève de son côté M. Martinez. Les élections professionnelles dans les TPE cet automne, dont les résultats détermineront la représentativité syndicale nationale, pourraient faire voler en éclat cette union. Et l'approche de l'élection présidentielle risque d'en créer d'autres.
En pleine campagne pour les primaires à droite et à gauche dominées par les questions identitaires, Philippe Martinez s'est ainsi dit prêt à travailler avec tout le monde, "y compris la CFDT", son autre soeur ennemie. "Il n'est pas impossible de travailler avec la CGT si on partage des objectifs communs. C'est le cas sur la lutte contre l'extrême droite ou la reconnaissance du syndicalisme et des corps intermédiaires", a confié Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, dont les relations se sont sérieusement détériorées avec FO.
Mais l'union CGT-CFDT devrait s'arrêter là, tant leur conception du syndicalisme est aux antipodes. La CFDT est prête à négocier pour "obtenir pas à pas des avancées concrètes" pour les salariés, explique M. Berger. Son collège de la CGT, sur une ligne contestataire, refuse "d'accepter le moindre mal ou le moins pire".
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