Migrants : la rétention des mineurs à un niveau record en 2017
La rétention des mineurs a augmenté de 70% l'an dernier en métropole pour atteindre le niveau record de 304 enfants enfermés, avec 147 familles, selon les associations qui ont dénoncé mardi le recours à cet enfermement des sans-papiers en vue de leur éloignement.
Au total, plus de 46.800 personnes ont été placées en rétention l'an dernier, contre 45.900 en 2016, soulignent dans leur rapport annuel les associations autorisées à intervenir en centres de rétention administrative, ou CRA (Assfam-Groupe SOS, ForumRéfugiés-Cosi, France Terre d'Asile, Cimade, Ordre de Malte, Solidarité Mayotte).
"L'enfermement des enfants a été multiplié par 7 depuis 2013 en métropole", a déploré David Rohi de la Cimade lors d'une conférence de presse, en rappelant que "de nombreux pays européens" n'avaient pas recours à cette pratique.
En 2016, 179 enfants avaient été enfermés en métropole avec 88 familles. A Mayotte, en proie à une forte immigration en provenance des Comores, 2.493 mineurs ont été placés en rétention l'an dernier.
Or, "la rétention se déroule dans un milieu proche du milieu carcéral", a rappelé Mathias Venet de l'Ordre de Malte, et pour ces enfants qui "arrivent souvent hagards et inquiets", le "choc" se traduit par "un épuisement total", des bébés qui refusent de s'alimenter, des enfants "qui s'urinent dessus"...
La rétention des mineurs a créé des tensions jusque dans la majorité lors de l'examen du controversé projet de loi asile-immigration, qui doit être adopté cet été: en juin le Sénat a limité à cinq jours la rétention d'un étranger s'il est accompagné d'un enfant, et à l'Assemblée un groupe de travail LREM doit plancher sur le sujet en vue d'une proposition de loi.
Les mineurs placés en rétention le sont en famille, la France ne séparant pas parents et enfants, à l'inverse des Etats-Unis où 2.300 mineurs ont été arrachés à leurs parents à la frontière mexicaine, suscitant un tollé qui a contraint Donald Trump à faire machine arrière.
Selon le rapport, leur rétention est courte: 70% des familles ont été enfermées pour organiser leur transfert, "souvent la veille pour un départ le lendemain". Un enfermement "de confort" pour l'administration, a déploré M. Venet.
De plus, les enfants concernés sont jeunes: l'an dernier la moitié (52%) avaient moins de six ans, un quart entre 6 et 12 ans.
- "Explosion" après l'attentat de Marseille -
Pour les associations, la rétention "banalisée et détournée" est "trop souvent inutile et déshumanisante" et "un changement de cap" devient "plus que jamais nécessaire".
L'an dernier, la majorité des placements se sont faits en métropole (26.500 contre 20.400 en Outre-mer), ajoutent-elles, estimant à 1.200 environ le nombre de placements en LRA (des lieux de rétention administrative, plus temporaires).
En métropole, le rapport s'inquiète d'une "explosion tous azimuts" des placements après l'attentat de Marseille en octobre 2017, où deux femmes avaient été tuées par un Tunisien en situation irrégulière. Cette "réponse criminalisante", qui s'est faite "au mépris des droits", n'a "pas abouti à une augmentation du nombre de personnes éloignées" au dernier trimestre, ajoute le document.
"On peut se demander ce qui relève du stress des services préfectoraux ou de l'affichage", a lancé Jean-François Ploquin, de ForumRéfugiés.
Au total, 10.114 personnes ont été expulsées à partir des CRA de métropole l'an dernier, et 10.182 libérées par les juges.
Alors que le gouvernement veut doubler à 90 jours la durée maximale de la rétention pour accroître sa capacité à expulser, les associations notent que "80% des éloignements ont eu lieu entre le premier et le 25e jour" l'an dernier -- la durée moyenne se situant à 12,8 jours.
Selon elles, allonger la rétention ne permettra qu'une hausse "marginale" des reconduites, notamment parce que les pays d'origine "délivrent difficilement des laissez-passer" nécessaires.
"La France n'est pas le pays qui suit la plus forte pression migratoire mais c'est celui qui enferme le plus", a assuré M. Rohi, en rappelant que Gérard Collomb comptait construire 400 places de CRA supplémentaires, portant leur total à "environ 2.500".
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