A Saint-Etienne du Rouvray, la solidarité l'emporte sur la division

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Par Chloé COUPEAU - Saint-Etienne-du-Rouvray (France) (AFP)
Publié le 10 février 2022 - 22:00
Mis à jour le 11 février 2022 - 19:22
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Un portrait du père Hamel à l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, le 10 février 2022
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© Sameer Al-DOUMY / AFP
Un portrait du père Hamel à l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, le 10 février 2022
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Cinq ans après l'assassinat du père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray, la "fraternité" l'emporte. Chrétiens, musulmans et athées demeurent soudés dans cette ville populaire de la banlieue industrielle de Rouen, où les associations jouent un rôle clé.

"Ceux qui ont fait cet acte ignoble ont échoué totalement" à diviser, explique Nidal, 54 ans, un pratiquant musulman interrogé à l'entrée de la mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray.

"Au contraire, dit-il, le rapport entre les communautés musulmane et chrétienne s'est renforcé. Les chrétiens s'informent plus sur l'islam. Voyez: à 200 m de la mosquée, il y a une église. Chaque jour, je croise des chrétiens. On se parle, on se demande des nouvelles".

Dans ce quartier du Madrillet, populaire et multiculturel, "notre amitié continue à se renforcer de jour en jour", a confirmé le président de l'association cultuelle musulmane Mohammed Karabila, quelques jours avant le début, lundi, du procès de l'assassinat du père Jacques Hamel, 85 ans, le 26 juillet 2016, par deux hommes de 19 ans se réclamant de l'organisation Etat islamique.

"En 2016, on a reçu beaucoup d'étrangers, des musulmans et non musulmans. Ils n'en revenaient pas: ils ont vu qu'on était solidaires à jamais", ajoute M. Karabila qui préside aussi le conseil régional du culte musulman de Haute-Normandie.

L'entraide ne date pas d'hier. "Le père Hamel nous prêtait cette salle près de l'église le mois du ramadan, quand la mosquée n'était pas construite", se souvient Driss, 52 ans, un pratiquant musulman, membre d'une association laïque d'aide aux devoirs.

"Entre le père Hamel et la mosquée, c'était plus que de l'amitié", confirme un commerçant ambulant musulman de 35 ans interrogé un peu plus tôt sur le marché de ce quartier qui n'est pas celui où le père Hamel a été tué.

"Quand j'étais petit, j'allais à l'aide aux devoirs chez les sœurs. Elles nous donnaient un petit goûter, on était content. Il n'y a rien qui a changé pour nous", poursuit ce bénévole à l'Asmcb, l'association qui gère l'équipe de football "black-blanc-beur" du quartier.

Sans l'aide des chrétiens, la mosquée, inaugurée en 1999 sur un terrain qui appartenait à l'église, n'aurait pas vu le jour, souligne M. Karabila. Un mur sépare le terrain de la mosquée de celui de l'église voisine mais une porte permet de passer de l'un à l'autre, "symbole de cette amitié réelle et pratique".

- "Procès dans la sérénité" -

Derrière, l'association Vesti'amis des soeurs de la communauté de Saint-Vincent-de-Paul, dont trois membres étaient auprès du père Hamel le 26 juillet 2016, distribue des vêtements pour quelques dizaines de centimes d'euros.

En face le Secours catholique accueille ceux qui en ont besoin, quelles que soient leurs convictions. "C'est une fraternité qu'on voit toutes les semaines", souligne M. Karabila.

Avant le Covid, la salle polyvalente des chrétiens servait également deux fois par an pour des fêtes musulmanes.

"C'est sans doute un des fruits très forts de ce martyre du père Hamel (...), nous sommes restés amis", a estimé monseigneur Dominique Lebrun interrogé par l'AFP.

L'archevêque de Rouen a même vu en 2017 Roselyne Hamel et la mère d'Adel Kermiche, l'un des deux assaillants du père Hamel, se "tomber dans les bras dans un grand silence" avant que la soeur du père Hamel ne dise +j'ai perdu mon frère qui était âgé et vous avez perdu votre fils et il était jeune+". Les djihadistes avaient été abattus par la police.

Les liens se sont "renforcés", assure aussi Jacques Simon, le curé de Sainte-Etienne-du-Rouvray, rappelant que les musulmans ont tout de même "souffert" d'"amalgames".

"Il y a encore des liens parce qu'il y a les associations (sport, aide aux devoirs). Mais l'Etat a baissé les subventions", déplore de son côté Patrick, un commerçant ambulant athée de 61 ans, sur le marché.

"J'ai créé une association il y a 20 ans. Il y avait 16 emplois jeunes. La moitié a disparu", assure-t-il.

"L'Etat a fait beaucoup de mal aux associations (...). (Certaines) jouent un rôle important dans le vivre ensemble" pense aussi Gabriel Moba, adjoint PS au maire PCF.

Mohammed Karabila espère lui "un procès dans la sérénité" qui ne se "retourne" pas contre les musulmans dans un contexte d'élection présidentielle et de "zemmourisation des esprits".

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