Sophie Pétronin de retour au Mali : l'indécence à son comble ?

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FranceSoir
Publié le 03 novembre 2021 - 22:46
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Sophie Pétronin, avec son fils Sébastien Chadaud Pétronin à Bamako, le 8 octobre 2020
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Sophie Pétronin à Bamako, au Mali, le 8 octobre 2020 lors d'une conférence de presse après sa libération
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Après son rapatriement en France en octobre 2020, Sophie Pétronin, 76 ans, qui n'a jamais eu un mot de gratitude envers son pays qui a permis sa libération, est retournée au Mali. 

Rappel des faits

Le 10 mai 2020, au prix d’une longue et coûteuse négociation, Sophie Pétronin, détenue depuis 2016 par Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) au Mali, était libérée et rapatriée en France.

Une libération qui avait fait débat, puisqu’elle s’était effectuée au prix d’une importante rançon et de la remise en liberté de plusieurs djiadistes. Au-delà du cas de la fondatrice d'une ONG humanitaire, l’objectif premier était la libération liée de l’homme politique Soumaïla Cissé, ancien ministre des Finances de 1993 à 2000 puis ministre de l’Équipement, de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et de l’Urbanisme.

Dans un communiqué diffusé par Telegram, le groupe islamiste lié à d’Al-Qaïda annonçait la libération de 206 « lions de l’Islam qui ont combattu les envahisseurs croisés et les agents apostats ». Des propos modérés par des spécialistes des réseaux djihadistes comme Wassim Nasr, journaliste de France 24, qui affirmait que « la majorité ne sont pas des djiadistes » mais « des gens qui gravitaient autour ».

Un avis partagé par Claude Moniquet, expert en contre-terrorisme qui estime que parmi les détenus libérés, seuls entre 10 et 20 pouvaient être considérés comme véritablement dangereux. Parmi eux, Fawaz Ould Ahmed, un Mauritanien impliqué dans plusieurs attentats islamistes dont celui qui avait visé un restaurant de Bamako en 2015, ou encore Mimi Ould Baba, l’organisateur des attaques du Splendid Hôtel à Ougadougou (Burkina Faso) et du complexe touristique à Grand Bassam (Côte d’Ivoire). Cependant, selon certaines sources maliennes, ce dernier n’aurait jamais été libéré, le gouvernement américain s’y étant opposé. Un refus qui a augmenté le montant de la rançon initiale pour la porter à 2,5 millions d’euros.

Si la libération d’un otage est généralement un moment émouvant, il n’en a rien été pour cette pasionaria de l’humanitaire dont l'absence de gratitude exprimée envers la France, alors qu’elle paraissait à deux doigts de tresser des couronnes de lauriers à ses ravisseurs qu’elle refusait de qualifier de djihadistes, avait beaucoup choqué. « Pour le Mali, je vais prier, implorer les bénédictions et la miséricorde d’Allah, parce que je suis musulmane. Vous dites Sophie, mais c’est Mariam que vous avez devant vous » avait déclaré celle qui, déjà à l’époque, affirmait vouloir retourner au Mali. Ces propos n’avaient pas manqué de susciter l’indignation sur son rapatriement.

Le retour au Mali

Cinq mois seulement après sa libération, Sophie Pétronin a trouvé le moyen de retourner en mars dernier au Mali accompagnée de son fils Sébastien, son plus fidèle soutien. Un départ tenu secret, puisqu’aucun membre proche de sa famille n’a eu connaissance de ce projet. Dans un article publié mardi 2 novembre par Mediapart, Sophie et Sébastien Pétronin racontent comment ils ont réussi à rejoindre le Mali, transitant par la Suisse puis le Sénégal avant d’arriver à destination. Un voyage qu’ils justifient par le désir de Sophie Pétronin de « serrer dans ses bras » sa fille adoptive, âgée de 19 ans.

La réaction du gouvernement français

Après avoir appris le retour de l’otage, le gouvernement n’a pas tardé à réagir par la voie de son porte-parole Gabriel Attal, qui a dénoncé « une forme d’irresponsabilité vis-à-vis de sa sécurité à elle, mais aussi vis-à-vis de la sécurité de nos militaires ». Il a également rappelé que lorsque des personnes sont prises en otage à l’étranger, « ce sont nos militaires qui vont les secourir au péril de leurs vies » et que plusieurs militaires avaient été « tués dans des opérations de secours ».

Voir aussi : Paris déplore l'"irresponsabilité" de l'ex-otage Sophie Pétronin, qui se dit "chez elle" au Mali (AFP)

Parler d’irresponsabilité de cette femme paraît légitime. Mais était-il raisonnable que des gouvernements paient des sommes d’argent colossales pour sa libération, finançant indirectement la poursuite des activités criminelles de terroristes islamistes - sans même parler des djihadistes libérés en contrepartie ?

À l’heure où 52 militaires français engagés dans l’opération Barkhane au Mali ont déjà perdu la vie, la question devrait être posée.

Un militaire français, qui avait été associé à sa libération, dénonce dans le Figaro « un irrespect total vis-à-vis des soldats qui sont allés la sortir. Et, au-delà, envers tous ceux qui, pendant toutes ses années de détention ont cherché à la localiser et ont négocié sa libération. Je le prends comme un pied de nez à l’armée française. Mme Pétronin se rapproche une nouvelle fois de la gueule du loup. Si elle veut recommencer une opération de libération de 200 djihadistes qui pourraient ensuite venir nous faire du mal, qu’elle continue. »

Reste à savoir pourquoi un avis de recherche contre elle a été émis par la gendarmerie malienne après sept mois de présence sur son territoire, alors que son arrivée était connue des autorités maliennes - et de la Suisse et de la France, selon Georges Malbrunot, à qui le journaliste Anthony Fouchard, auteur du livre « Il suffit d'un espoir » (éditions des Arènes) confie qu'elle « pourrait être "une victime collatérale" de la brouille actuelle entre Paris et Bamako. »

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