Le Pakistan s’approvisionne en pétrole auprès de la Russie, la première cargaison payée en yuans chinois
ÉCONOMIE/ÉNERGIE - Confronté à une pénurie d’énergie, le Pakistan s’est approvisionné en pétrole russe dans le cadre d’un accord conclu en mai avec Moscou. Une première cargaison de brut à prix réduit est arrivée dimanche 11 juin 2023 au port de Karachi, au sud du pays, a annoncé le secrétaire d'État au Pétrole, Musadik Malik. Une livraison payée en yuans chinois et pas en dollars américains, par un pays en proie à une grave crise des réserves en devises. L’opération profite autant à la Russie qu’à Islamabad, qui s’engage vraisemblablement à son tour sur la voie de la dédollarisation.
Le Pakistan, acheteur traditionnel du pétrole auprès des pays du Golfe, avait annoncé en mai avoir conclu un accord avec la Russie pour l’achat de son brut. Musadik Malik avait expliqué que ces futures livraisons seront payées dans la monnaie de “pays amis” et non pas en dollar. Une aubaine pour ce pays d’Asie du sud, puisque ses réserves de change s’élèvent à seulement 4 milliards de dollars, l’équivalent de quatre semaines d’importation pour la 5e population la plus importante dans le monde, en attendant de pouvoir débloquer un plan de sauvetage de 1,1 milliard de dollars du Fonds monétaire international (FMI).
Un pas de plus vers la dédollarisation ?
Recevant actuellement 80% de ses besoins pétroliers des pays du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, le Pakistan mise sur son accord avec Moscou pour obtenir un tiers de ses besoins en pétrole brut depuis la Russie et surtout, à un tarif réduit. “Il y aura une grande différence de prix et cela aura un effet positif sur les dépenses des Pakistanais”, s’était réjoui Musadik Malik.
La première cargaison est arrivée au port de Karachi dimanche dernier. La cargaison d’un navire transportant du "pétrole brut (russe) à prix réduit" devait être déchargée dès le lundi, a indiqué dimanche le Premier ministre M. Sharif sur Twitter. Selon Al-Jazeera, la cargaison contenait 45 000 tonnes de brut et 50 000 tonnes supplémentaires étaient attendues cette semaine. ”Aujourd'hui est un jour de transformation. Nous avançons pas à pas vers la prospérité, la croissance économique, la sécurité énergétique et 'l'abordabilité'. Il s'agit de la toute première cargaison de pétrole russe au Pakistan et du début d'une nouvelle relation entre le Pakistan et la Fédération de Russie”, a-t-il annoncé.
I have fulfilled another of my promises to the nation. Glad to announce that the first Russian discounted crude oil cargo has arrived in Karachi and will begin oil discharge tomorrow.
— Shehbaz Sharif (@CMShehbaz) June 11, 2023
Today is a transformative day. We are moving one step at a time toward prosperity, economic…
Son ministre du pétrole est également confiant quant à la rentabilité du pétrole russe. "Nous avons effectué des itérations de différents mélanges de produits et, en aucun cas, le raffinage de ce brut ne sera déficitaire", a déclaré M. Malik à Reuters. "Nous sommes convaincus qu'il sera commercialement viable."
Cet accord pétrolier entre le Pakistan et la Russie dénote également une avancée vers la dédollarisation. Prônées par les pays membres des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), de nombreuses opérations traditionnellement payées en dollars américains ont déjà été réglées avec d’autres monnaies.
Depuis l’invasion de l'Ukraine par la Russie, les achats chinois de gaz et de pétrole auprès de Moscou sont payés en yuan. Principal rival des États-Unis et aspirant à devenir la première puissance économique mondiale dans un avenir proche, la Chine étend le règlement de ses opérations commerciales en monnaie locale avec d’autres partenaires.
Lors de sa visite en décembre à Riyad en Arabie Saoudite, le président Xi Jinping a appelé les pays du Golfe à passer par une plateforme Shanghai Petroleum and Natural Gas Exchange pour vendre leurs hydrocarbures en yuans à la Chine. D’ailleurs, en mars dernier, TotalEnergies a payé sa transaction avec le géant des hydrocarbures chinois CNOOC en yuan.
Le Brésil ou encore l’Argentine se sont engagés dans la même voie. Les échanges commerciaux en monnaies autre que le dollar sont aussi évoqués en Afrique. Lors de sa visite de trois jours entamée jeudi dernier en Russie, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, qui a évoqué avec Vladimir Poutine l’accélération du processus d’adhésion de l’Algérie aux BRICS, a appelé à “favoriser un choix de monnaie autre que le dollar et l’euro”.
Un nouveau partenaire pour Moscou
De son côté, la Russie, qui subit une réduction de ses exportations de gaz et de pétrole vers l’Union Européenne et les États-Unis en raison des sanctions qui lui sont infligées dans le cadre de la guerre en Ukraine, s’assure, à travers son accord avec le Pakistan, d’un nouveau partenaire. Grâce à ses exportations croissantes vers la Chine et l’Inde, Moscou ne subira qu’une “faible récession”, selon la Banque Mondiale.
La Chine, l'Inde et la Turquie représentaient au quatrième trimestre 2022 les deux tiers des exportations de brut russe. En mars 2023, la Russie a annoncé que ses exportations de pétrole vers l'Inde ont été multipliées par 22 en 2022. Durant les quatre premiers mois de l’année en cours, le sous-continent a importé, 2,76 millions de tonnes de pétrole de Moscou, soit 10% des importations provenant de son allié russe, à un prix inférieur au seuil de 60 dollars le baril, fixé par les sanctions des pays occidentaux contre la Russie.
Des échanges qui avaient suscité une réaction du haut représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, qui a menacé l’Inde de sanctions pour faire entrer le pétrole russe sur le sol européen. “Il est normal que l'Inde achète du pétrole russe (...) Mais si le pays profite de cette situation pour devenir un centre de raffinage du pétrole russe et que des produits dérivés nous sont vendus, nous devons agir”, avait-il déclaré.
Quant à la Chine, dont le premier fournisseur en pétrole depuis juin 2022 est Moscou, les achats énergétiques en 2023 auprès de son allié ont déjà atteint 12,2 milliards de dollars.
Ainsi, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la Russie a exporté en avril 2023 en moyenne 8,3 millions de barils de pétrole par jour, soit une augmentation de 50 000 barils quotidiens par rapport à mars.
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