Accord à l’UE pour une vaste réforme du marché carbone, des subventions pour aider la transition des “ménages vulnérables”

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FranceSoir
Publié le 21 décembre 2022 - 15:20
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JOHN THYS / AFP
Les eurodéputés du Parlement européen et les États-membres de l’Union se sont mis d’accord sur une vaste réforme du marché carbone.
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Les eurodéputés du Parlement européen et les États-membres de l’Union se sont mis d’accord dimanche 18 décembre, au bout d’une trentaine d’heures de négociation, sur une vaste réforme du marché carbone, volet central du "Green Deal". Le but, explique le texte, est de “réduire davantage les émissions industrielles et investir dans les technologies respectueuses du climat”. L’accord mise sur une réduction accélérée des émissions, avec une baisse d'ici à 2030 de 62 % par rapport à 2005, contre un objectif précédent de 43 %.

Pour atteindre cet objectif, plusieurs réformes devront entrer en vigueur à partir de 2026, comme la suppression des quotas gratuits pour l’entreprise, la création de plusieurs fonds de soutien à la transition énergétique ou encore une extension de ce marché vers d’autres secteurs, comme ceux du bâtiment ou des transports.

Le marché carbone, appelé officiellement le système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE), est une pièce maîtresse du plan climat (Fit for 55 pour 2030)  de l’Union européenne. Le texte rappelle "que ce système a consacré le principe du pollueur-payeur" et qu’en fixant un prix pour les émissions de gaz à effet de serre (GES), le SCEQE "a permis de réduire considérablement les émissions de l'UE”.

Une réduction drastique des émissions, d’autres secteurs concernés

Cet accord prévoit ainsi une vaste réforme, à commencer par une révision des ambitions à l’horizon 2030. “Les émissions des secteurs couverts par le SCEQE doivent être réduites de 62 % d'ici à 2030 par rapport à 2005, soit un point de pourcentage de plus que ce que proposait la Commission”, annonce encore le texte. Pour atteindre cette réduction, l’Union européenne intervient sur deux échelles : “Une réduction unique de la quantité de quotas à l'échelle de l'UE de 90 Mt d'équivalents CO2 en 2024 et de 27 Mt en 2026, combinée à une réduction annuelle des quotas de 4,3 % à partir de 2024-27 et de 4,4 % à partir de 2028-30”, explique-t-on.

Les quotas gratuits accordés aux entreprises pollueuses baisseront peu à peu de 2.5% en 2026 jusqu’à 100% en 2034. L’accord prévoit également l’introduction d’un mécanisme d’ajustement à la frontière pour le carbone (MACF) à partir de 2026 avant une mise en place totale d'ici à 2034. Ce mécanisme permet d'appliquer aux importations de produits polluants les règles du marché européen du carbone. À l’exportation, la Commission doit évaluer, d'ici à 2025, le risque de fuite carbone pour les biens produits dans l’UE et “présentera, si nécessaire, une proposition législative conforme aux règles de l'OMC pour faire face à ce risque”.

Le marché carbone s’étend également à d’autres secteurs, comme ceux du bâtiment et du transport routier. Mais les eurodéputés et le Conseil suggèrent un “nouveau SCEQE II”, qui “fixera un prix pour les émissions de ces secteurs, sera mis en place d'ici à 2027”.  Les carburants destinés à d'autres secteurs comme l'industrie manufacturière seront également concernés. Le transport maritime sera plutôt concerné par le “SCEQE I”.

Des fonds de soutien à la transition

Le texte souligne que le SCEQE II “pourrait être reporté à 2028 pour protéger les citoyens, si les prix de l'énergie sont exceptionnellement élevés”. Quant au prix d’un quota, “un nouveau mécanisme de stabilité des prix sera mis en place”.

Pour “moderniser le système énergétique” et aider à la transition énergétique, l'accord a annoncé plusieurs fonds. Un premier Fonds d'innovation qui sera porté de 450 à 575 millions de quotas. Un deuxième Fonds de modernisation qui sera augmenté par la mise aux enchères de 2,5 % supplémentaires de quotas qui viendront en aide aux pays de l'UE dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne européenne et un Fonds social pour le climat destiné aux plus vulnérables.

Cet accord a été chaleureusement salué par plusieurs eurodéputés sur Twitter. 

“Le prix du carbone s'établira autour de 100 euros/tonne pour ces industries. Aucun autre continent n'a un prix du carbone aussi ambitieux”, s'est réjoui Pascal Canfin (Renew, libéraux), président de la commission Environnement au Parlement, auprès de l'Agence-France Presse.

De son côté, l'eurodéputé Peter Liese (PPE, droite), estime qu’il “existe jusqu'en 2026 une marge de manœuvre pour investir dans des énergies décarbonées et gagner en efficacité énergétique. Après, c'est l'heure de vérité : il faudra réduire ses émissions d'ici là, ou payer très cher ensuite”.

Faire comme le souhaite Bruxelles... ou payer plus

L’idée, explique l'économiste Philippe Murer sur Sud Radio, "c’est de faire monter le prix du carburant pour que les gens se mettent à acheter des pompes à chaleur ou des voitures électriques pour éviter de dégager des émissions de CO2 et de consommer de l’énergie fossile". Selon lui, il s'agit là d'une "usine à gaz bureaucratique très dangereuse", car il existe le même risque "qu’avec le marché européen de l’électricité" qui a "fait envoler les prix de l’électricité". L'économiste rappelle ensuite que les énergies solaires et éoliennes ne produisent de l'électricité qu'un tiers du temps et que les deux autres tiers sont compensés par le recours aux énergies fossiles. "Si l’UE était cohérente, le but serait de favoriser le nucléaire", dénonce-t-il.

"Cet accord permettra aux gros pollueurs de continuer à recevoir des milliards d’euros de quotas gratuits" pendant une décennie, tandis que "les ménages recevront en comparaison des miettes", a de son côté dénoncé l’ONG environnementale CAN.

Selon des médias de plusieurs pays, comme les Pays-Bas ou l’Allemagne, cet accord, estime-t-on nettement, est un premier pasvers une instauration d’un “crédit social de CO2”.

Une telle crainte, s’explique, par exemple, par les subventions prévues par le Fonds social pour les ménages désirant octroyer une voiture électrique ou une isolation maison, tandis que les personnes recourant encore aux carburants ou au chauffage devront payer plus, comme l’a souligné l’eurodéputé Peter Liese dans le tweet susnommé.

Les appréhensions que la lutte contre le réchauffement climatique se traduise par une restriction des libertés individuelles comme cela a été le cas durant la pandémie de coronavirus se fondent sur de nombreuses actions prises à travers le monde. Citons le cas des banques qui incitent leurs clients à ne pas dépasser à travers leurs opérations bancaires un quota carbone ou les appels à réduire drastiquement le nombre de vols long courrier par personne.

En France, l'instauration d'un “pass carbone”, outil qui accorderait aux citoyens un “quota” de CO2 à ne pas dépasser pour les achats, a été présentée sur BFM TV comme “une des clés du succès face au changement climatique”.

En Angleterre, on craint la présentation des questions environnementales comme des problèmes de santé, dans le but “d’uniformiser des politiques de gestion des crises liées à la covid et au changement climatique”, après que Chris Whitty, épidémiologiste britannique, médecin-chef et conseiller du gouvernement britannique, ait déclaré que “la pollution de l’air est tout aussi dangereuse” que le coronavirus.

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