ETA : régler le sort des prisonniers pour que la paix dure
La dissolution de l’ETA ne suffira pas à ramener un calme durable au Pays Basque, mettent en garde deux des artisans français du processus de paix, qui demandent à Madrid et Paris de régler le sort des 270 militants incarcérés des deux côtés de la frontière.
"La fin de l’ETA n’est pas la garantie d’une paix irréversible", analyse Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de la Communauté des communes du Pays Basque.
"Si nous voulons mettre fin à ce dernier conflit armé d’Europe occidentale, il faut construire la paix en y associant les victimes et les prisonniers. Les négociations de tous les conflits armés dans le monde sont passés par la case prison", insiste-t-il dans un entretien avec l'AFP.
"La fin de l’ETA est le moment où la question des prisonniers doit être mise sur la table, où la France et l’Espagne doivent mettre fin à leur régime carcéral d’exception envers les prisonniers basques", estime également Jean-Noël Etcheverry, dit "Txetx", militant altermondialiste et l'une des chevilles ouvrières du processus de paix.
"Si on ne change rien, le dernier des prisonniers basques sortira de prison dans les années 2050. Comment peut-on construire une réconciliation avec de telles perspectives ?", lance-t-il.
D'autant qu'une nouvelle génération indépendantiste pourrait s'impatienter. "Les formes de radicalisation sont perceptibles, et cette radicalisation ne doit pas trouver de terrain favorable pour se développer", prévient Jean-René Etchegaray. "Ce serait une erreur de croire que si l’ETA se dissout, le Pays Basque est à l’abri de toute reprise de violences".
Mais les plaies sont-elles assez refermées et les familles des victimes prêtes à tourner la page après 60 ans d'actions de ce groupe à qui on attribue 829 morts et des milliers de blessés; et qui n'a rendu les armes que l'an dernier ?
"Ce n’est pas faire injure aux familles des victimes qui ont leur statut de victimes avec leurs énormes souffrances que de réfléchir à une paix durable en y associant les prisonniers", croit Jean-René Etchegaray.
- "L'ETA n'obtiendra rien" -
"La France a infléchi sa politique carcérale, notamment en rapprochant une douzaine des prisonniers près de leurs familles, le mouvement doit s’accélérer. La balle est dans le camp des deux États plus particulièrement du côté de l’Espagne qui compte environ 220 prisonniers pour 51 en France", ajoute Jean-Noël Etcheverry.
Mais Madrid ne semble pas pour le moment vouloir fléchir.
"L'ETA n'a atteint aucun de ses grands objectifs pour lesquels elle a tué et semé la terreur en Espagne. L'ETA n'a rien obtenu en arrêtant de tuer et n'obtiendra rien non plus par sa déclaration de dissolution", assénait le ministre espagnol de l'Intérieur, Juan Ignacio Zoido, à l'annonce de la prochaine dissolution.
"Le gouvernement espagnol depuis 2011 n’a jamais essayé de créer une politique de dialogue, d’apaisement, au contraire, il joue en permanence la stratégie de la tension", déplore Txetx.
Mais la décision surprise de l'ETA de demander officiellement pardon aux victimes pour leur avoir causé "beaucoup de douleur et des dommages irréparables", place désormais Madrid dans une position plus difficile. "Ce pardon met l'Espagne face à ses responsabilités, ça remet les prisonniers entre l'ETA et l'Espagne", estime un magistrat français spécialiste du dossier.
"Cette reconnaissance par l'ETA de l'existence de victimes innocentes, des souffrances provoquées par ses actions, est déterminante", analyse aussi Me Jean-François Blanco, défenseur de membres de l'ETA.
"Elle est capitale pour la réconciliation des citoyens et l'avènement d'une paix durable", ajoute-t-il. "Le gouvernement espagnol serait coupable de ne pas en tenir compte. Plus que jamais un processus de justice transitionnelle est indispensable".
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