Excursion judiciaire du FBI au domicile de Trump, la justice américaine se politise
CHRONIQUE — Il y a deux manières de voir la perquisition dans la résidence privée de l’ex-président des États-Unis, Donald Trump, à Mar a Lago (Floride). La première serait que personne n’est hors de portée du bras de la justice. Ce serait la lecture dignifiante pour le fonctionnement de la justice américaine, parangon du monde libre. En quelque sorte, il s’agirait d’une leçon de démocratie pour le monde : les grands de ce monde ne sont à l’abri d’aucune procédure, pas même la plus humiliante, telle que la désacralisation publique de leur résidence privée. La seconde, plus préoccupante, serait s’il s’avère que cette procédure est le fruit du cas particulier fait à un personnage, toujours très populaire, irrévérent, honnis par les médias et, incidemment, candidat aux prochaines élections. Dans ce cas, cette mesure serait à interpréter comme une vexation, fruit d’une persécution politique d’un État dont les institutions sont en voie de corruption accélérée. Ce serait un très mauvais signal de normalisation de l’arbitraire, aussitôt récupéré par les satrapies du monde. Si le benchmark de la démocratie se dévalue, le reste suit.
Le dernier chapitre de ce drame américain qui commence avec la perquisition le 8 août du domicile de Donald Trump, est la publication vendredi dernier de l’affidavit du Département de Justice américain (Doj pour ses sigles en anglais). Ce document s’inscrit dans le style du « sorti de nulle part ». Il semble devoir répondre à la perplexité du public, face à une mesure sans précédent. D’habitude, du moins depuis le gouvernement de Barack Obama, face aux controverses, l’usage en termes de relation publiques consiste en filtrations choisies vers la presse complaisante, soit la quasi-totalité de la presse de grande diffusion, laquelle en ventilant de l’information sur demande, s’autoproclame du registre du journalisme d’investigation.
Mais cette fois, la ficelle était trop grosse. Une filtration aurait signé le crime. Au milieu du scandale sans cesse renouvelé des révélations de corruption du clan Biden et du fils Hunter, une filtration aurait fait porter les regards vers Joe Biden, lui-même. Un affidavit assez curieux est donc apparu. C’est le Département de Justice qui assume le protagonisme. Certes, des paragraphes entiers sont censurés, faisant planer l’idée qu’il y a de l’information sensible à dissimuler. De vrais secrets d’États, là où il n’y a probablement rien. Mais l’objectif est plus ample. Il s’agit de restaurer un semblant d’État de droit et effacer ce sentiment diffus de république bananière.
Dans ce document, « Search and size » (recherche et saisie), le Département de Justice affirme « conduire une investigation sur le déplacement d’information classifiée vers des espaces non autorisés ». L’investigation aurait commencé, selon l’affidavit en son second alinéa, « à la suite d’un signalement du service des Archives Nationaux (United States National Archives ou Nara dans sa version acronymique), adressé au Département de Justice, le 9 février 2022, en accord avec le Presidential Record Act ».
Les documents de la discorde sont contenus dans « 15 boîtes dans lesquelles se trouveraient des articles, des photos, diverses impressions, des notes, de la correspondance présidentielle, des archives présidentiels et post présidentiels et beaucoup d’archives classifiées ». Le soupçon de violation de la correspondance privée s’imposerait selon les canons de l’État de droit, si le justiciable n’était pas un ex-président. Sur la teneur stratégique de l’information, par définition tout document présidentiel est d’office assimilable à un secret d’État, mais jusqu’à présent aucune des filtrations aux médias de masse ne démontre une menace pour la sécurité nationale.
Le document publié vendredi devenait urgent, précisément en l’absence de preuves, à ce jour, d’une menace concrète pour la sécurité nationale de nature à justifier une action aussi spectaculaire. Au moment de la perquisition, il avait été affirmé que Trump aurait conservé de l’information sur le programme nucléaire. Les accusations ont depuis muté plusieurs fois. Quand la menace ne portait plus sur le nucléaire, le FBI visait des preuves sur son implication sur les troubles survenus au Congrès le 6 janvier 2021, pour lequel l’ex-président continue d’être investigué. L’insinuation d’espionnage a même été remise au goût du jour.
Trois semaines plus tard, l’impression globale qu’a laissé la perquisition est celle d’une procédure opportuniste consistant à tirer un filet et voir ce qui peut être pêché. Ce qui en droit, aux États-Unis comme dans toutes les démocraties, constitue une violation flagrante des garanties constitutionnelles et pourrait se retourner très vite contre les promoteurs de la démarche.
D’autant que cette perquisition a exposé la politisation de la plus haute instance judiciaire fédérale, le FBI. Et, par la même occasion, rappelé l’inaction du bureau face à l’affaire des courriers électroniques d’Hillary Clinton en 2016. 100 courriers porteurs d’informations classifiés, 65 impactés du sceau du « secret », 22 « Top secret », 2 093 « confidentiels », des dizaines de milliers d’autres courriers porteurs de contenus sur des affaires d’État, tous transférés à son serveur personnel, sans autorisation, alors qu’elle était Secrétaire d’État de Barack Obama. À l’époque, l’épouse de Bill Clinton avait bénéficié de l’incroyable complaisance de l’alors directeur du FBI, James B. Comey. Le même qui aujourd’hui démoli Donald Trump sur les chaines tels que CNN, le président qui l’a démis de ses fonctions en 2017, précisément en raison de l’affaire des mails d'Hillary Clinton.
L’autre grande affaire de violation des règles de la confidentialité au plus haut niveau de l’État, porte sur les mails de Hunter Biden. Affaire qui revient en boomerang. Ce que le contenu de ces mails révèle ne porte pas seulement sur des secrets d’États, mais sur des affaires criminelles impliquant directement le clan Biden ce, depuis bientôt une décennie. À la différence de la publicité judiciaire octroyée à Donald Trump, dans le cas de Biden, les réseaux sociaux avaient été conviés à bloquer les comptes qui évoquaient cette affaire. C’est ce que Mark Zuckerberg a révélé cette semaine, dans le cadre d’une interview au podcast de Joe Rogan. Il aurait, selon ses propres dires, reçu la visite du FBI, l’invitant à censurer toute rediffusion des mails de Hunter Biden, comme étant « de la désinformation russe ». C’est-à-dire qu’en 2020, le FBI non seulement n’a pas investigué la monumentalité des révélations portant sur des cas de trahison et corruption sans appel de la famille Biden et sortant directement de l’ordinateur de Hunter, mais au contraire, a fait pression auprès des réseaux sociaux pour étouffer cette information.
La perquisition du domicile de Donald Trump est un autre épisode de la démocratie de basse intensité qui s’installe à pas accélérés en Occident. La justice, pour qu’elle soit justice, doit s’articuler comme la science sur la base du doute, de la causalité, de l’expérience et de la preuve. Ce n’est pas anormal, dans le contexte de corruption systémique, que si l’une se politise, l’autre suive.
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