Guaido, victime de la dédiabolisation du Venezuela par l'administration Biden

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Teresita Dussart, pour FranceSoir
Publié le 13 juin 2022 - 19:20
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Juan Guaido Venezuela
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Federico PARRA / AFP
L'ancien président de l'Assemblée nationale vénézuélienne et leader de l'opposition Juan Guaido s'exprime lors d'une conférence de presse sur la place Los Palos Grandes à Caracas, le 17 mars 2022.
Federico PARRA / AFP

CHRONIQUE - Dans ce continent oublié qu’est l’Amérique Latine, où continuent de pulluler les régimes autoritaires et où la mauvaise gouvernance est souvent la norme, le Venezuela se détache par la brutalité de son système répressif. Ce week-end aura été encore une fois le théâtre de cette violence politique. Le chef de l’opposition Juan Guaido a violemment été pris à partie, au cours d’une visite de l’État du Cojedes. Juan Guaido a gagné les élections de 2019, bien que le régime castro-chaviste lui ait ravi la victoire. Sa légitimité est reconnue par l’Organisation des États Américains (OEA), le Parlement européen, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Brésil, la France, les États-Unis, le Canada, le Chili et bien d’autres nations.

Les images le montrent la chemise déchirée, violemment pris à partie par du personnel civil portant des armes à feu. La plupart des actes de répression du régime sont commis par des commandos issus des nombreux services secrets vénézuéliens (DGIM, Sebin, FAES, etc). "Ça a été une embuscade dirigée par ceux qui usurpent le pouvoir", déclarait Juan Guaido le soir, dans le cadre d’une vidéo retransmise par Instagram. À la différence d’autres opposants morts dans les geôles du chavisme, il peut lui, le raconter.

Traduction : ATTENTION : Juan Guaido a été lourdement attaqué alors qu'il se trouvait dans un restaurant avec des membres de son parti. Ils l'ont poussé dehors.

Depuis la décision du président Joe Biden, en mars dernier, de reprendre langue avec nombre de régimes autoritaires afin de pourvoir au déficit créé par le boycott du pétrole russe, le régime a engagé un processus de "normalisation démocratique", qui donne pied à une nouvelle forme de répression plus désinhibée. L’attaque en piranha par les sbires de la Sebin (Service Bolivarien d’Intelligence National) sur Juan Guaido, amplement documenté, expose les effets de la dédiabolisation du Venezuela par l’administration Biden. La première conséquence de ce rapprochement, aura été d’étouffer un rapport que venait de publier Amnesty International quelques jours plus tôt. Ce document concluait que la politique de répression et persécution systématique pratiquée par le régime de Maduro, constitue en soi un crime de "lèse-humanité", relevant de la justice internationale. Cette déclaration constituait une première de la part d’une ONG, consistant à évoquer explicitement la possibilité de voir Nicolas Maduro déféré devant la Cour Pénale Internationale (CPI). La Haye ne s’est jamais penchée sur des crimes de ce genre, perpétrés en Amérique Latine, depuis sa constitution en 1998. Le rapport d’Amnesty International, conçu avec les ONG Foro Penal et le Centre de Défenseurs de la Justice, s’associe à cette demande.  

Sous l’effet des critiques internationales, Joe Biden semble avoir pris acte que cette aventure-là, consistant à normaliser les relations avec le Venezuela, ne passerait pas. Antony Blinken, le Secrétaire d’État américain, déclarait hier sur Twitter : "Les États-Unis sont profondément préoccupés et condamnent cette escalade d’actes de violence, de harcèlement et d’intimidation contre le Président par intérim et tous ceux qui défendent la démocratie". Brian Nichols, sous-secrétaire pour l’hémisphère occidental, s’est pour sa part déclaré "profondément préoccupé par l’attaque gratuite subie par le président Juan Guaido et son équipe". Ajoutant que "cette attaque féroce a mis en jeu des vies" et que "les responsables doivent en répondre devant la justice". S’il y a une nuance entre Nichols et son supérieur Blinken sur le niveau de reconnaissance et déférence vis-à-vis de Guaido, il est clair que pour l’administration qu’ils représentent, il y a urgence à reprendre des distances. Car, même si le Venezuela, le Nicaragua et le Honduras n’ont pas été invités au sommet des Amériques, tenus à Los Angeles la semaine dernière, une diplomatie en sous-main est bel et bien engagée.

Pourquoi est-ce que le Venezuela est important ? Entre la Russie et l’Algérie, les États-Unis ont réussi un formidable changement de paradigme géostratégique. Ils sont en passe de se substituer à la Russie pour les marchés gaziers de l’Union européenne. Pour l’Espagne, c’est déjà fait, notamment grâce au réchauffement de la haine entre le Maroc et l’Algérie, ainsi qu'à l’instrumentalisation du gouvernement de Pedro Sanchez.

Lire aussi : Erreur ou chantage sordide, pourquoi Sanchez s’est-il mis à dos l’Algérie?

Reste que pour le pétrole, les États-Unis ont vu le litre à la pompe augmenter plus encore que celui des Européens. En Californie, il dépasse les six dollars. Et dans ce jeu, qui n’est rien d’autre qu’une question géo-économique consistant à détruire les rivaux et tenir en laisse les autres fournisseurs, il y a fort à parier que les Guaido ne feront pas le poids très longtemps. 

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