Japon : Akihito, un empereur discret et méconnu
C’est ce lundi 8 que l’empereur du Japon Akihito a annoncé à la population dans un message diffusé sur la télévision publique nippone que son âge et son état de santé le poussaient à se mettre en retrait. Sans abdiquer formellement. Une déclaration qui, sans signifier la fin de son règne, marque l’annonce officielle de son lent retrait. Une décision à laquelle s’attendaient les Japonais, et qu’ils soutiennent majoritairement, mais qui n’enlève rien à l’attachement qu’ils ont pour leur empereur. Akihito, il est vrai, a toujours donné une image posée, discrète, lisse parfois, mais appréciée au Japon.
Né en 1933, Akihito est le fils de l’empereur Hirohito, empereur lors de la Seconde Guerre mondiale. Le rôle exact de ce dernier lors du conflit est encore sujet à des débats houleux au Japon. Malgré la défaite, Hirohito ne sera pas destitué par l’occupant américain, et ne sera même pas inquiété, contrairement aux principaux dirigeants japonais qui, eux, seront jugé lors du tribunal de Tokyo (sept exécutions à la clé). Hirohito devra cependant accepter une nouvelle Constitution qui affirme que l’empereur n’a pas d’essence divine et ne possède plus aucun pouvoir politique. C’est dans ce contexte qu’Akihito, alors adolescent, sera destiné à être un futur empereur dont tout le règne n’aura qu’une fonction purement symbolique.
Elevé dans la tradition, au cœur du palais impérial de Tokyo, assez isolé, Akihito brisera malgré tout une convention en 1957: il épousera Michiko Shôda, alors qu’elle n’est qu’une roturière. Pas n’importe laquelle cependant: la future impératrice est en effet la fille d’une des familles les plus riches du Japon. Cette alliance avec une femme ne faisant pas partie de la noblesse marquera cependant une rupture.
Hirohito décédant à l’âge de 87 ans en 1989, c’est donc un souverain déjà âgé de 55 ans qui devient le 125e empereur du Japon. Conformément à la tradition, Akihito choisit un nom pour qualifier son règne. Le fils de l’empereur du Japon belliciste opte pour "Heisei" qui signifie "accomplissement de la paix".
Conformément à la Constitution, Akihito s’en tiendra à un rôle strictement protocolaire. Cependant, lui et l’impératrice essaieront d’ouvrir un peu la monarchie japonaise aux yeux du grand public en visitant l’ensemble des préfectures du Japon. Au niveau international, il exprimera à plusieurs reprise des "regrets" envers la Corée du Sud et la Chine, qui ont dû subir une occupation japonaise, et plus globalement pour le rôle du Japon pendant la Seconde Guerre mondiale, époque où son père était le monarque. Il s’est donc caractérisé par une vision pacifiste, largement en contradiction avec l’approche du gouvernement de Shinzô Abe, dont certains membres veulent revenir sur la responsabilité du Japon lors du conflit.
Son règne sera marqué par l’absence, presque étonnante d’un point de vue européen, de tout scandale familial majeur. Seule une crise de succession agitera temporairement la famille impériale: aucun des trois enfants d’Akihito (deux garçons, dont son successeur Naruhito, et une fille) n’ayant d’héritier mâle, le gouvernement lança un projet de loi en 2006 pour permettre à une femme de monter sur le trône. L’opposition de la famille impériale face à cette éventualité écornera légèrement son image, avant que la naissance en 2006 du prince Hisahito (dont les parents avaient dépassé les 40 ans…) fasse subitement taire les polémiques.
Miné depuis 2003 par un cancer de la prostate, et ayant subi en 2012 une opération du cœur qui le tiendra éloigné plusieurs jours du trône, l’empereur voyait sa santé décliner petit-à-petit. Une motivation suffisante pour qu’il annonce donc son retrait, tout en rappelant qu’un empereur "reste empereur jusqu’à la fin de sa vie". Akihito fêtera ses 83 ans le 23 décembre prochain.
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