La Suisse envisage des peines de prison pour ceux qui montent leur chauffage à plus de 19 degrés
Dans un contexte de guerre en Ukraine, les pays occidentaux ont multiplié les sanctions économiques contre la Russie. Aujourd’hui, ces sanctions semblent nous revenir comme un boomerang puisque la Russie menace à son tour de couper l'approvisionnement en gaz de l'Europe. Comme de nombreux pays, la Suisse est également menacée de pénuries de gaz, mais également d'électricité.
Pour se préparer à passer un hiver difficile, certains pays envisagent des mesures de restriction énergétique et même des mesures punitives… C'est le cas de la Suisse qui réfléchit à punir les citoyens récalcitrants qui oseraient braver les consignes gouvernementales en ne respectant pas les limitations de température de leur habitat en cas de pénurie d'énergie.
Des mesures inédites qui, selon les informations du Daily Mail publiées le 7 septembre, pourraient conduire à des mouvements de contestations dans le pays.
Surveiller…
Le 31 août avait lieu la deuxième conférence du Conseil fédéral consacrée à l’approvisionnement de la Suisse en gaz. Pour venir rendre compte de la situation et décliner un certain nombre de propositions, les plus hautes autorités de la Confédération helvétique sont intervenues. Le président de la Confédération suisse, Guy Parmelin, a présenté les grandes lignes du projet tandis que Bastian Schwark, chef du département de l'énergie et de l'approvisionnement, est intervenu pour apporter certaines précisions, notamment sur la question des quotas.
Quelles sont ces mesures envisagées et comment le gouvernement entend-il les mettre en œuvre ?
En pratique, les deux principaux intervenants de cette conférence ont commencé à décliner tout un arsenal de mesures visant à limiter les dépenses énergétiques. En effet, les autorités ont prévu « des interdictions de chauffage dans les parties de bâtiments inutilisés ou les piscines, ainsi que des interdictions d’utilisation de radiateurs, de cheminées à des fins décoratives ou de nettoyeur à haute pression ».
Des restrictions qui ne s’arrêtent pas là puisque des limitations pourraient s’appliquer aux bâtiments publics, aux bureaux et en cas d’urgence aux particuliers même si les autorités assurent que les interdictions concernant les ménages privés seront envisagées en dernier recours.
Dans le détail, si la situation devenait critique et exigeait que des mesures restrictives soient mises en place, les lieux équipés au gaz ne devraient pas avoir une température de l’air qui dépasse les 19 degrés tandis que la température de l’eau des chaudières à gaz serait limitée à 60 degrés. Et, à l’exception des hôpitaux, des maternités, des cabinets médicaux et des maisons de retraite et de soin, personne ne pourrait échapper à ces règles édictées par la Confédération helvétique qui pourrait faire appel au Conseil fédéral en cas de non-respect de ces consignes. Cependant, les autorités espèrent n'avoir jamais à appliquer ces quotas.
Avant la mise en place de ces mesures, les autorités veilleront à ce que tous les acteurs concernés soient informés de toutes les modalités à temps, à savoir des droits, des devoirs et des obligations qui incombent à chacun en cas de pénurie.
... et punir
Que risqueront les Suisses s'ils se chauffent à 20 degrés au lieu de 19 dans un contexte de restriction énergétique ?
Durant la saison froide, si le gaz venait à manquer, ceux qui enfreignent les directives gouvernementales encourent des peines pécuniaires, mais également des peines de prison.
Dans son communiqué du 31 août 2022, le Conseil fédéral a fait directement référence à l'article 49 du texte législatif pour annoncer les peines encourues par les citoyens qui viendraient à enfreindre intentionnellement les prescriptions sur les mesures d'approvisionnement de l'énergie.
Ces mesures, décidées par le Conseil fédéral n'ont pas fait pas l'objet d'une votation. Elles sont imposées à tous les citoyens suisses et les cantons seront chargés de les faire appliquer.
La loi prévoit différentes peines selon la gravité de l'infraction.
« En cas d'infraction délibérée des directives, une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de prison pourrait être prononcée. Même en cas d'infraction par négligence aux mesures, une peine pécuniaire pouvant aller jusqu'à 180 jours-amende est possible ».
En Suisse, on ne plaisante pas avec la loi. Le fait n'est pas nouveau, mais le porte-parole du département de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR), Markus Spörndli est là pour le rappeler :
« Les infractions à la loi sur l'approvisionnement du pays sont toujours des délits, voire ponctuellement des crimes, et doivent être poursuivies d'office par les cantons. »
Les peines pécuniaires prévues peuvent être très lourdes lorsqu'on sait que l'amende quotidienne varie de 30 à 3 000 francs suisses. Toutefois, Markus Spörndli précise que « le nombre de jour-amende est déterminé en fonction de la faute » et ajoute que « le montant du jour-amende est évalué au regard de la situation personnelle et économique de l'auteur ».
Se voulant plus rassurant, le président de la Confédération suisse Guy Parmelin a déclaré : « Nous ne sommes pas un État policier ». Et de préciser : « La police ne passe pas chez tout le monde – mais il peut y avoir des contrôles ponctuels ».
La situation à venir inquiète le directeur général de la police Fredy Fässler. Ce dernier met en garde le gouvernement contre les désordres qui pourraient subvenir en cas de coupure du réseau. Pour éviter des situations de tension extrême et « une rébéllion de la population », il conseille au gouvernement de « n’ordonner que des mesures qui peuvent être mises en œuvre et, surtout, contrôlées ». Privilégiant le dialogue, il a également suggéré de choisir les amendes administratives plutôt que les procédures pénales coûteuses lorsque cela est possible.
De leurs côtés, les cantons inquiets de l'aspect sécuritaire, exigent d'être préparés afin de pouvoir appréhender au mieux ces situations extrêmes et inédites.
Le 7 septembre 2022, des révélations explosives du Canard enchaîné faisaient état d'un projet du gouvernement français analogue à celui de la Suisse. Selon le journal, au cours du Conseil de défense consacré à la question énergétique du 2 septembre, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, aurait envisagé de créer une « police des températures » pour s'assurer que les entreprises respectent la température maximale de 19°. Devant le tollé provoqué par cette information, le gouvernement qui n'a pas pour autant démenti, a cependant assuré qu'il n'entendait pas mettre cette mesure en œuvre.
Ce mercredi sur https://t.co/Tpwe6OBCXa, sur l'appli et dans les kiosques :
— Le Canard enchaîné (@canardenchaine) September 7, 2022
👇#BrunoLemaire veut mettre en place une "police des températures" pour contrôler les restrictions de chauffage dans les locaux professionnels. Macron lui a dit niet le 2 septembre
Voir aussi : Sobriété énergétique : bientôt une police des températures ?
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