Les manifestations agricoles gagnent l'Espagne
MONDE - A l’image de bien d’autres pays européens, les agriculteurs et éleveurs espagnols se mobilisent et organisent des barrages routiers, pour exprimer leur frustration et leur malaise face aux réglementations de l'UE.
Les manifestations d'agriculteurs en France et dans d'autres pays européens ont inspiré l'Espagne. Des appels à des manifestations ont été lancés mardi 6 février, et une grande marche des tracteurs est prévue en mai, reprenant le modèle de celle qui a eu lieu à Madrid l'été dernier. À cette époque, les agriculteurs réclamaient davantage d'aides gouvernementales pour faire face à la sécheresse et à leurs coûts croissants. Aujourd'hui, les revendications du secteur agricole ibérique s'élargissent aux réglementations européennes et leur impact sur la souveraineté alimentaire et les prix.
Cependant, une fragmentation des groupes de tracteurs mobilisés est observée. Certains agriculteurs ont exprimé leur sentiment de ne pas être représentés par les associations majoritaires et ont ajouté des demandes supplémentaires en dehors des revendications principales des syndicats. Ces demandes comprennent notamment la suppression de l'Agenda 2030 et des normes environnementales et de bien-être animal jugées préjudiciables au secteur agricole. De plus, le secteur des transports s'est joint aux mobilisations en appelant à une "grève nationale illimitée".
Importations en provenance du Maroc
"Les agriculteurs luttent contre un marché déréglementé qui importe des produits agricoles de pays tiers à des prix bas qui exercent une pression à la baisse sur les produits de l'UE et ceux produits en Espagne. Ces produits extracommunautaires ne respectent pas la réglementation interne de l'UE et représentent une contradiction et une hypocrisie dans l'action politique de l'UE, entre sa politique commerciale et sa propre politique agricole commune", soulignent l'Association agricole des jeunes agriculteurs (ASAJA), la Coordination des organisations paysannes (COAG) et l'Union des petits agriculteurs et éleveurs (UPA) dans leur communiqué commun.
Le secteur parle de "concurrence déloyale qui menace la viabilité de milliers d'exportations en Espagne et en Europe", des mots qui rappellent les accusations portées en France à l'encontre des producteurs espagnols et italiens. Mais ici, ce sont les "pays tiers" extracommunautaires, parmi lesquels le Maroc, qui sont pointés du doigt : est souvent cité. ASAJA, COAG et UPA demandent au gouvernement de renforcer les contrôles à la frontière afin de s'assurer que les produits agricoles marocains importés respectent les règles internes de l'UE et les quantités tarifaires établies dans l'accord de libre-échange.
Le poison des accords de libre-échange
Les agriculteurs et les éleveurs espagnols s'associent également aux revendications exprimées jeudi 2 février à Bruxelles et demandent à l'UE de ne plus conclure d'accords de libre-échange qui "exacerbent" leurs problèmes. Dans le collimateur, les négociations pour un accord avec le Mercosur (l'alliance économique de l'Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Paraguay et de l'Uruguay), mais aussi avec la Nouvelle-Zélande, le Chili, le Kenya, le Mexique, l'Inde et l'Australie.
"Il est indispensable de retrouver la préférence communautaire pour retrouver et garantir notre souveraineté alimentaire", affirment les trois organisations agricoles, qui réclament également au niveau européen une "flexibilité et une simplification" de la politique agricole commune (PAC). Selon elles, la "bureaucratie excessive" entraîne des coûts "insupportables" et empêche d'atteindre les objectifs environnementaux.
Face à des plaintes similaires en Europe, la Commission européenne a commencé à céder et a proposé pour l'instant d'assouplir l'obligation de laisser 4 % des terres en jachère pour bénéficier des aides de la PAC, mais le ministre Luis Planas s'est montré réticent. "Nous ne soutiendrons qu'une proposition de réforme conforme aux intérêts nationaux de l'Espagne", a-t-il répété, sans préciser quelle serait la position concrète du gouvernement.
Procédures bureaucratiques "étouffantes"
Les principales organisations agricoles s'en prennent également aux communautés autonomes en raison des procédures bureaucratiques "étouffantes" qu'elles doivent accomplir en matière de santé et d'environnement, une demande à laquelle s'est jointe l'UGT (Union Générale des Travailleurs).
Le secrétaire général de l'UGT, Pepe Álvarez, a souligné que "mettre fin à la bureaucratie" était l'une des mesures à prendre pour améliorer la situation du secteur, en particulier pour les petites exploitations. "L'UE doit faire ce qu'elle a promis après la pandémie, à savoir que les pays qui font partie de l'Union vont produire et être autosuffisants pour les consommateurs", a-t-il déclaré aux médias vendredi 3 février.
"Simplification, mais maintenant. C'est urgent", a résumé le président de l'ASAJA, Pedro Barato, dans une interview à l'émission 24 Horas de la RNE. "Il y a beaucoup de gens qui ne reçoivent plus d'argent parce qu'ils n'en ont pas demandé cette année dans le cadre de la politique agricole commune. Barato a également critiqué les plans de numérisation du gouvernement, alors que la couverture téléphonique n'est pas garantie "dans de nombreuses zones du territoire national".
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