Malgré les avertissements de Washington et ses alliés, des équipements militaires US et occidentaux utilisés dans des attaques sur le sol russe
GUERRE - Les États-Unis ont beau affirmer ne pas soutenir les attaques sur le sol russe, celles-ci sont bel et bien menées avec leurs équipements militaires. Malgré les avertissements de Washington et les craintes de pays occidentaux, qui hésitaient à fournir Kiev en avions de chasse, de peur de provoquer une escalade, du matériel américain et des équipements de l’OTAN ont été utilisés dans les raids transfrontaliers menés le 22 mai dernier dans la région russe de Belgorod.
L’information, jusque-là avancée par l’armée russe et prouvée par plusieurs vidéos circulant sur les réseaux sociaux, a cette fois-ci été confirmée par des officiels américains et relayée par le Washington Post.
Dans un article publié le 3 juin dernier, ce média américain révèle qu’au moins quatre MRAP (Mine-Resistant Ambush Protected vehicles), des véhicules blindés résistants aux engins explosifs et produits aux États-Unis, ont été utilisés dans l’attaque, menée avec des armes antichars fournies par des pays membres de l’OTAN.
Trois de ces MRAP ont été fournis directement par les États-Unis tandis qu’un quatrième avait été fourni par la Pologne. La même source précise l’usage de fusils belges et tchèques, ainsi qu’une arme anti-char AT-R, couramment utilisée par les troupes occidentales.
L’administration Biden minimise mais un officiel US confirme
Cette attaque n’a pas été menée par les forces ukrainiennes mais par des milices russes hostiles au Kremlin et à son président Poutine. Il s’agit notamment du Corps des volontaires russes, une organisation paramilitaire russe basée en Ukraine.
Réputée d'extrême droite, cette milice a été fondée en août 2022 par le militant néo-nazi Denis Kapoustine, dit Nikitine, après l'invasion russe de l'Ukraine, pour lutter contre le régime de Vladimir Poutine.
Les combattants de ce Corps montraient dans des vidéos le matériel américain et transatlantique utilisé lors de cette attaque. Leur chef, Nikitine, a même confirmé au Financial Times que son assaut a été mené avec des équipements produits par les États-Unis, avant de faire marche arrière dans une déclaration au Washington Post.
Pourtant, au lendemain de cette attaque, l'administration Biden exprimait son "scepticisme", par la voix du porte-parole du Département d’État, Matthew Miller. Sans nier catégoriquement l’usage par ces combattants des équipements US, il a exprimé des doutes quant à la "véracité" de ces informations. "Nous n'avons pas une clarté parfaite des informations, nous regardons les mêmes images floues... En ce moment, nous sommes sceptiques quant à leur véracité", avait-il déclaré.
Premier fournisseur d’armes à l’Ukraine avec un total de plus de 37 milliards de dollars depuis l’invasion russe en février 2022, les États-Unis ont maintes fois averti Kiev et son président Zelensky contre une attaque menée sur le sol russe avec des équipements américains.
Selon les propos d'un officiel au Washington Post, "chaque pays prend ses propres décisions souveraines sur l'aide qu'il fournit à l'Ukraine et les conditions qu'il lui impose", mais "beaucoup ont fait les mêmes demandes aux Ukrainiens", à savoir ne pas les utiliser ces aides à l’intérieur de la Russie.
Matthew Miller affirmait le 23 mai 2023 que Washington "n’encourage pas des attaques en dehors des frontières ukrainiennes", même "si la prise de décision sur les opérations sur le champ de bataille incombe à l'Ukraine", à qui les États-Unis "laissent le soin de mener cette guerre".
Une position réitérée fin mai par un porte-parole de la diplomatie américaine, suite à des attaques de drones à Moscou, attribuées par le Kremlin à Kiev. Cette source a affirmé que "de façon générale, nous ne soutenons pas les attaques à l’intérieur de la Russie. Nous sommes concentrés sur la fourniture à l’Ukraine de l’équipement et de l’entraînement nécessaires pour reprendre son propre territoire souverain".
La Belgique, de son côté, a refusé d’expliquer comment ses armes sont arrivées aux mains de cette milice. "Les armes ont toujours été fournies aux autorités officielles et l’armée régulière qui en sont responsables", a indiqué un porte-parole du ministère belge de la Défense.
Kiev pointé du doigt par Moscou... et des documents du Pentagone
Si les preuves accumulées confirment l’usage de ces équipements par des milices russes hostiles au Kremlin et non par les troupes ukrainiennes, Kiev est toujours pointé du doigt pour son rôle dans ces assauts transfrontaliers. Ilya Ponomarev, un responsable d’une autre milice, la Légion de la Russie Libre, a affirmé au Washington Post que son groupe coopère avec l'armée ukrainienne et "opère sous son commandement". Il a ajouté que ces équipements militaires occidentaux "ont été repris" par cette Légion aux forces russes, ce qui rendait leur usage "acceptable".
Les autorités russes, elles, accusent ouvertement les forces ukrainiennes d’avoir attaqué la région de Belgorod et de mobiliser des "groupes terroristes ukrainiens" à cet effet. Ce que Kiev renie sans cesse, comme c’était le cas avec les attaques de drones qui ont ciblé la capitale russe.
Selon des documents issus des fuites du "Pentagon Discord", le gouvernement ukrainien avait planifié des attaques à l'intérieur du territoire russe en recourant à des combattants de la milice irrégulière armés de "divers types d'armes de l'OTAN".
Malgré les images prouvant l’usage des équipements US sur le sol russe, Kiev et son président maintiennent la pression sur les Occidentaux pour fournir à l’Ukraine des avions de chasse, essentiels dans la contre-offensive ukrainienne. Quelques jours après avoir annoncé que la date de celle-ci a été fixée, Volodymyr Zelensky a affirmé samedi dernier que les préparations "sont terminées". Il dit néanmoins craindre la supériorité russe dans le domaine aérien, qui pourrait causer "des pertes humaines très lourdes".
Zelensky exige de ce fait plus de systèmes de missiles sol-air américains de type Patriot. Si Washington a fini par donner le 19 mai dernier son feu vert à la livraison d'avions de combat américains F-16 à l'Ukraine, ceux-ci ne seront pas prêts pour la contre-offensive ukrainienne, tout comme les chars M1 Abrams.
D’autres livraisons devront être retardées selon l’Inspection générale américaine, qui a souligné le "mauvais état" de certains équipements "exigeant des réparations" et devant être livrés à l’Ukraine. Un rapport cite les canons obusiers de M777 de 155mm ou encore 25 véhicules légers de type M1167 (High-Mobility Multipurpose Wheeled Vehicles).
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