"Rien ne lie de manière concluante" la Russie à l'explosion des gazoducs sous-marins Nord Stream, selon le Washington Post
Accusée de tous bords dans l’explosion des gazoducs sous-marins Nord Stream, la Russie "n’est peut-être pas responsable du sabotage”. Les premières conclusions d’une enquête de plusieurs mois démontrent que “rien ne lie, de manière concluante, Moscou à l'attaque", rapporte le Washington Post. “La condamnation de Moscou a été rapide et généralisée”, lit-on dans l'article paru mercredi.
“Il n'y a aucune preuve à ce stade que la Russie était derrière le sabotage”, a déclaré un responsable européen dont l’identité n’a pas été dévoilée par le quotidien américain. Les experts ayant mené l’enquête n'ont pas réussi, sur la base “des détails médico-légaux”, à lier “de manière concluante la Russie à l'attaque”.
N’importe qui pourrait être l’auteur de ces explosions
La preuve avancée par les États-Unis, à savoir une écoute clandestine “des communications des responsables et forces militaires russes”, n’a pas non plus suffi à confirmer les accusations portées contre Moscou. “Les analystes n'ont pas entendu ou lu de déclarations de la partie russe s'attribuant le mérite ou suggérant qu'ils essayaient de dissimuler leur implication”, explique le Washington Post.
Les débris des gazoducs et les résidus récupérés des explosifs ne réduisent pas le champ des possibilités, quant aux auteurs de cet acte. Le quotidien américain explique que la profondeur relativement faible des tuyaux endommagés laisse entendre que “différents acteurs auraient pu réussir l'attaque”, à l’aide de “drones submersibles” ou de “navires de surface”.
Un responsable du gouvernement allemand, qui mène sa propre enquête, a déclaré que des explosifs semblaient avoir été placés à l'extérieur des structures. Pour autant, la “Russie reste un suspect majeur”, qui “aurait cherché à déstabiliser la détermination de l'Otan" et à fragiliser les "alliés qui dépendent des sources d'énergie russes”. Une hypothèse rejetée par plusieurs sceptiques, qui estiment que “Moscou avait peu à gagner à endommager les gazoducs” qui génèrent des “milliards de dollars de revenus annuels”.
Les accusations portées contre “la Russie ont ainsi été jugées précipitées”, n’ayant pas “tenu compte d'autres pays, ainsi que des groupes extrémistes, qui pourraient avoir la capacité et le motif de mener l'attaque”.
Otan-Russie, valse des accusations
À peine quelques jours après ces explosions, les accusations contre le Kremlin ont commencé à pleuvoir. La secrétaire américaine à l'Énergie, Jennifer Granholm, avait déclaré qu’il “est hautement improbable que ces incidents soient une coïncidence”, blâmant la Russie. Le ministre allemand de l'Économie, Robert Habeck, a également fait ce sous-entendu : “La Russie qui dit 'Ce n'était pas nous' c'est comme dire 'Je ne suis pas le voleur’”. Un conseiller de Volodymyr Zelensky, dont le pays est en guerre contre la Russie, a qualifié les explosions “d'attaque terroriste planifiée” par son voisin qui “a agressé l’Union européenne”.
La Russie, à son tour, a accusé le 28 septembre les États-Unis d’être à la manœuvre derrière ce sabotage. Le Kremlin n’est pas le seul à défendre cette hypothèse. La veille, le 27 septembre, le journaliste américain de la chaine Fox News, Tucker Carlson, a ouvertement fait part de ses soupçons sur la possible responsabilité de l'administration Biden dans le sabotage des gazoducs.
“Si vous étiez à la place de Vladimir Poutine, vous devriez être un crétin suicidaire pour faire sauter vos propres conduits d'énergie (...) c'est la seule chose que vous ne feriez jamais”, puisque “les gazoducs sont la principale source de votre pouvoir et de votre richesse, mais, surtout, votre levier de pression sur les autres pays”, a-t-il martelé. De son côté, la Maison-Blanche, qui refusait de “confirmer” un acte de sabotage, a contesté ces accusations. Washington a affirmé qu’il était “ridicule” d’insinuer que les États-Unis soient impliqués dans ces explosions. Les accusations étaient d’autant plus insistantes que Joe Biden menaçait déjà, au début de l’année en cours, que “si la Russie envahit l'Ukraine, alors il n'y aura plus de Nord Stream 2”.
Plusieurs personnes adhèrent à la thèse de Tucker Carlson. Interrogé sur LCI le 5 octobre à propos du conflit russo-ukrainien, le général Henri Pinard-Legry évoquait un “faisceau d'indices” qui orientait vers une implication “américaine ou au moins otanienne”.
Le Kremlin a accusé, le 11 novembre, Royaume-Uni d'être à l'origine de ces explosions. “Nos services de renseignement disposent de preuves suggérant que l'attaque a été dirigée et coordonnée par des spécialistes militaires britanniques”, avait déclaré à la presse le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. Une déclaration rejetée par les Britanniques, qui ont dénoncé de “fausses informations”.
Quelques jours plus tard, la Suède confirmait, à travers son procureur en charge de l'enquête préliminaire, un sabotage. "Les analyses qui ont été réalisées montrent des restes d'explosifs sur plusieurs des objets étrangers découverts", avait déclaré Mats Ljungqvist.
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