Syrie : de Damas à Hama en passant par Lattaquié, la rébellion syrienne multiplie les offensives contre le régime
Formée début février, la nouvelle coalition de la rébellion syrienne Hayat Tahrir al-Cham (HTC), qui comprend des groupes djihadistes et salafistes, a lancé plusieurs offensives de grande ampleur sur différents fronts du territoire syrien en appui de l'Armée syrienne libre (ASL) depuis ces derniers jours.
Les premiers combats ont débuté à Damas dimanche 19 avec les explosions de deux VBIED (véhicules kamikazes) en plein cœur de la capitale syrienne, contre des positions tenues par des miliciens pro-régime, revendiquées par HTC. L'objectif de cette offensive était d'effectuer une jonction entre les deux quartiers de Jobar et de Qaboun, poches rebelles situées à l'intérieur même de la ville, encerclés et bombardés par le régime depuis des mois. La violence de l'attaque a pris de cours les troupes de l'armée loyaliste qui ont un temps abandonné leurs positions sur l'autoroute Damas-est qui sépare les deux quartiers.
Les combattants de HTC ont pu bénéficier du soutien des troupes de la Légion al-Rahman, composante de l'ASL, et plus puissant groupe rebelle du quartier de Jobar. Le bruit des explosions et des combats a rythmé la journée alors que la capitale syrienne souffrait des affres de la guerre pour la première fois depuis de longs mois.
Une fois le choc initial passé, l'armée syrienne a pu contre-attaquer en force lundi 20, grâce au déploiement de forces importantes et qualitatives parmi lesquels on retrouvait des hommes de la Garde républicaine et de la 4e division blindée commandée par le propre frère de Bachar al-Assad, Maher. D'intenses bombardements de l'aviation du régime et de son allié russe ont matraqué les positions rebelles dans les quartiers de Jobar, Qabun et Barzié mais aussi dans la Ghouta orientale, une zone à l'est de Damas tenue par la rébellion. La violence de l'offensive du régime a permis à l'armée syrienne de retrouver ses positions perdues le dimanche selon les médias fidèles au pouvoir.
La situation a encore évolué mardi 21 à la faveur d'une nouvelle offensive des rebelles. Les forces de l’opposition ont annoncé avoir repris aux forces gouvernementales les positions qu’elles avaient conquises puis perdues la veille: une zone industrielle bordant l’autoroute Damas-Alep et une partie de la gare routière des Abbassides, à quelques centaines de mètres de la place du même nom, déserte depuis dimanche alors que si animée d'ordinaire. Les combats continuent ce mercredi 22, notamment à Jobar où la 105e brigade de la Garde républicaine s'est lancée à l'assaut des positions tenues par les combattants de HTC.
Au cours de la journée de lundi, les chefs rebelles de la région de Damas ont appelé les autres factions à travers le pays à attaquer le régime sur d'autres fronts dans les zones tenues par Bachar al-Assad en Syrie.
Appel qui a été entendu puisque que les combattants de HTC et de l'ASL, qui s'affrontaient encore il y a quelques semaines dans la zone rebelles d'Idlib, ont mené mardi une offensive conjointe et de grande ampleur en périphérie de la ville d'Hama, un des premiers foyers de la révolution syrienne. Comme à Damas la bataille a débuté par l'explosion d'un VBEID dans le village de Suran. De nombreux villages ont été repris aux forces gouvernementales, principalement composées de milices à la combativité fluctuante, dont la plupart ont fui leurs positions. Même la localité de Ma'an, pourtant bastion du régime depuis le début du conflit, est tombée face à l'offensive qui s'est poursuivie jusqu'à la lisière des faubourgs nord d'Hama malgré une forte présence de l'aviation russe dont les bombardements n'ont pas réussi à briser l'assaut. Les combattants de Hayat Tahrir al-Cham se sont également emparé d'un dépôt de munitions gouvernemental à Khattab au nord-ouest d'Hama. D'autres rebelles se sont emparé ce mercredi d'une coline surplombant l'aéroport militaire situé à l'ouest d'Hama, perturbant les opérations de l'aviation d'Assad.
La situation semble critique pour le régime qui ne parvient pas à enrayer cette attaque des rebelles à Hama, alors que le groupe insurgé Ahrar al-Cham, composante importante de la rébellion, n'est pas encore engagé dans les combats. Les Tiger Forces (lire ici la présentation qui en est faite par Stéphane Mantoux, spécialiste du conflit syrien, pour FranceSoir), unité d'élite de l'armée syrienne et fer de lance de la reconquête des quartiers-est d'Alep, pourraient être redéployées en urgence dans la région pour stabiliser la situation.
Les quartiers-ouest de la ville d'Alep, dont la sanglante reconquête en décembre dernier avait regonflé la propagande du régime, ont été soumis mardi à des tirs d'artillerie.
A Deraa dans le sud du pays, près de la frontière jordanienne, les djihadistes de HTC mènent depuis le 12 février dernier. Les combats y perdurent depuis et semblent avoir pris une nouvelle vigueur depuis l'offensive rebelle au cœur de Damas.
Un cinquième front a également été ouvert dans la région de Lattaquié, fief de la communauté alaouite à laquelle appartient Bachar al-Assad et où se situe la principale base aérienne russe en Syrie. De moindre ampleur, cette offensive est toutefois éminemment symbolique par sa localisation. Des roquettes Grad tirées par les rebelles ont même frappé l'aéroport militaire russe, endommageant quelques avions de combats.
L'ASL a également mené une rapide offensive dans le massif du Qalamoun, cette fois contre des positions de l'Etat islamique. Les djihadistes de Daech se sont retirés en désordre d'une dizaine de villages qu'ils contrôlaient dans cette région montagneuse située au nord de Damas, non loin de la frontière libanaise.
Ces multiples offensives des insurgés placent le régime de Damas dans une situation délicate compte tenu de la baisse sensible de ses effectifs militaires et des combats qu'il poursuit contre l'EI, notamment à Deir Ezzor ou sur la route entre Homs et Ithriya. Et ce alors que des nombreuses unités de l'armée syrienne à la loyauté suspecte sont encore casernées par crainte des défections et des désertions. Si les unités d'élite du régime (Tiger Forces, Desert Hawks ou encore la 104e brigade de la Garde républicaine), couplées à sa maitrise du ciel et à l'apport de l'aviation de son allié russe, permettent des contre-offensives efficaces et meurtrières sur certains points du front, l'hémorragie d'effectifs dans les rangs des unités régulières oblige au déploiement de milices peu structurées et parfois sous-équipées dans de vastes zones de combats. Et cela, la rébellion sait parfaitement l'exploiter depuis dimanche, multipliant les offensives à travers le pays.
Il faut ajouter à cela la récente poussée des rebelles pro-turcs dans le nord depuis leur conquête d'al-Bab contre les djihadistes de l'EI. Le régime a dû déployer des unités pour faire tampon entre ces forces soutenues par Ankara et les combattants kurdes qui tiennent la ville de Manbij à la faveur d'un accord avec ces derniers. Des forces à l'efficacité toute relative mais dont la présence manque cruellement sur d'autres fronts.
S'il va falloir attendre la réaction du régime dans les prochains jours pour jauger de sa capacité à redresser la situation, ces derniers combats on permit de constater que la rébellion, donnée moribonde ces dernières semaines par certains observateurs, a conservé une capacité militaire suffisante pour mener des offensives coordonnées de grandes ampleurs.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.