Italie : la victoire de Giorgia Meloni divise
C’est une victoire des droites historique pour l’Italie. Ce 25 septembre, le parti nationaliste Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni a remporté plus de 26% des voix exprimées lors des élections législatives italiennes, et avec l’alliance des droites à laquelle elle appartient obtient, elle recueille plus de 44 % des suffrages, soit une majorité claire et nette, tant à la Chambre des députés qu’au Sénat. Une claque pour la Commission européenne, qui n’a pas manqué de susciter la déception au sein du gouvernement et des médias français, faisant par ailleurs réagir la classe politique.
Qui est Giorgia Meloni ?
Son ascension éclair déplaît à la gauche italienne, mais la jeune femme a de fortes convictions. « Je suis une femme ! Je suis italienne ! Je suis chrétienne ! Personne ne me l’enlèvera ! », s’exclamait-elle lors d’un rassemblement à Rome en 2019. Après la formation du parti politique de droite radicale Fratelli d'Italia en 2012, suite à une scission entre le Peuple de la liberté et l'ancien parti l'Alliance nationale, Giorgia Meloni prend les rênes du parti en 2014. Quatre ans plus tard, en 2018, Fratelli d'Italia ne remportait que 4 % des suffrages. Mais en 2020, comme le rapporte France Info, elle figurait parmi les « vingt étoiles montantes » de l'Italie, tant elle est appréciée des médias par son sens de la répartie et par sa personnalité charismatique. Puis, le 25 septembre, son parti Fratelli d’Italia obtient près d’un quart des suffrages.
« Nous gouvernerons pour tous les Italiens », a assuré Giorgia Meloni peu après sa victoire aux élections législatives. Après la chute du gouvernement de Mario Draghi en juillet dernier, l'alliance des droites s’est formé de manière anticipée. Aux côtés de Forza Italia de Silvio Berlusconi et la Ligue de Matteo Salvini, la coalition de droite a remporté près de 45 % des voix. Cette victoire place Giorgia Meloni en position de leader ; historiquement, la Romaine pourrait bien devenir la première femme à diriger l’Italie.
Qualifiée d'eurosceptique tout au long de sa campagne électorale, Giorgia Meloni n'a, cependant, jamais explicitement déclaré vouloir un Italexit. Cela ne l'empêche pas de faire connaitre sa forte opposition à la bureaucratie bruxelloise, affirmant sa volonté de s'affranchir de certaines directives européennes. Le pourra-t-elle dans le cadre des traités européens ?
D'autre part, Giorgia Meloni se démarque par son conservatisme : elle se dit opposée "aux lobbies LGBT" et défend les valeurs familiales. Au plan national, la cheffe de Fratelli d’Italia promet de lutter contre l’immigration et l’insécurité. Lors d’un discours en juin devant les partisans du parti espagnol de droite radicale Vox, elle affirmait : « Oui à la famille naturelle, non au lobby LGBT ! Oui à l'identité sexuelle, non à l'idéologie du genre ! Oui à la culture de la vie, non à l'abîme de la mort ! Oui aux valeurs universelles de la Croix, non à la violence islamiste ! Oui aux frontières sûres, non à l'immigration de masse ! Oui au travail de nos citoyens, non à la grande finance internationale ! Oui à la souveraineté du peuple, non à la bureaucratie de Bruxelles ! Oui à notre civilisation, non à ceux qui veulent la détruire ! » (France Bleu).
Face à la montée des partis de droite, Bruxelles s'inquiète
Cette victoire de la droite italienne intervient peu après celle du bloc conservateur des Démocrates de Suède. La percée électorale de la Suède et l'ascension de la droite au pouvoir en Italie, suite aux crises successives et la chute du gouvernement Draghi, risquent d'aviver les tensions au sein de l'UE. En effet, ces progressions nationalistes inquiètent les institutions européennes et traduisent d'une lassitude des peuples européens.
Voir aussi : Démission de Mario Draghi en Italie: un effet domino?
La récente sortie d'Ursula von der Leyen, au sujet de l'atteinte aux principes démocratiques de l'UE par la Pologne et la Hongrie, a été commentée sur la toile. Lors d’un discours au sein de l’université de Princeton aux États-Unis, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait martelé le 23 septembre : « Nous verrons le résultat du vote en Italie, il y a eu aussi des élections en Suède. Si les choses vont dans un sens difficile, nous avons des outils, comme dans le cas de la Pologne et de la Hongrie ».
Unelected official Ursula von der Leyen of the European Union, openly warns that if Italy votes for someone they disagree with, they will sanction Italy.
— Lewis Brackpool (@Lewis_Brackpool) September 23, 2022
So democratic, so tolerant.pic.twitter.com/G6pu1kO5HT
Les propos de la cheffe de la Commission européenne ont suscité la colère de certains représentants politiques italiens. Furieux, le leader de la Ligue Matteo Salvini a réagi sur Twitter : « C’est quoi, une menace ? Arrogance honteuse. Respectez le vote, libre, démocratique et souverain du peuple italien ! Amis de tous, valets de personne ». Il a ensuite déclaré au quotidien Corriere della Serra : « Soit, elle présente ses excuses, soit elle démissionne ».
Le record de l'union des droites au pouvoir italien a toutefois été applaudi par certains États de l'Europe de l'Est. La Pologne et la Hongrie ont tenu à féliciter Giorgia Meloni. Le chef de l’État hongrois Viktor Orban a déclaré : « Nous avons plus que jamais besoin d’amis partageant une vision et une approche commune de l’Europe » (Le Parisien). De son côté, le leader du parti espagnol de droite radical Vox, Santiago Abascal, s’est également réjoui du résultat du scrutin italien. Selon lui, la leader de Fratelli d’Italia « a montré la voie vers une Europe orgueilleuse et libre de nations souveraines ».
Et en France… ?
Cette victoire de l'alliance des droites italiennes n'a pas manqué de faire réagir la classe médiatique, mais aussi la classe politique française, de droite comme de gauche.
Dans un éditorial, le journal Le Monde voit dans la victoire de l'alliance des droites « une menace pour l’Europe, après les succès des Démocrates de Suède et du RN aux élections législatives ». BFM TV écrit que « Giorgia Meloni s'apprête à s'installer le post-fascisme ». Quant à Libération, sa une est titrée « Fascisme en Europe : toutes les peurs mènent à Rome ».
A la une de @libe ce mardi :
— Libération (@libe) September 26, 2022
🇮🇹 Fascisme en Europe : toutes les peurs mènent à Rome https://t.co/nj2k4mQp7h pic.twitter.com/8WOaCQ96n9
Selon Bernard-Henri Lévy, interrogé sur la perspective d'une élection de Meloni, « il ne faut pas toujours respecter les électeurs » quand leur choix « n’est pas respectable ». Suite à son élection, Jacques Attali, connu pour son engagement historique au sein du Parti socialiste, a fait état de ses inquiétudes sur Twitter, appelant à un réveil des gouvernements :
En France aussi, l’extrême droite est aux portes du pouvoir: ce qui arrive aujourd’hui à Rome arrivera à Paris dans quatre ans si les partis de gouvernement ne se réveillent pas pour préparer des programmes sérieux et convaincants.
— Jacques Attali (@jattali) September 25, 2022
Côté politiques, le Rassemblement national, par la voix de son député européen Jordan Bardella, a tenu à adresser ses félicitations à Giorgia Meloni :
Les Italiens ont offert une leçon d’humilité à l’Union européenne qui, par la voix de Mme Von Der Leyen, prétendait leur dicter leur vote.
— Jordan Bardella (@J_Bardella) September 25, 2022
Aucune menace d’aucune sorte ne peut arrêter la démocratie : les peuples d’Europe relèvent la tête et reprennent leur destin en main !
De son côté, Marine Le Pen a salué un peuple italien qui « a décidé de reprendre son destin en main » :
Le peuple italien a décidé de reprendre son destin en main en élisant un gouvernement patriote et souverainiste.
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) September 26, 2022
Bravo à @GiorgiaMeloni et à @matteosalvinimi pour avoir résisté aux menaces d’une Union européenne anti-démocratique et arrogante en obtenant cette grande victoire !
Par le biais d'un communiqué publié sur Twitter, le président de Reconquête Eric Zemmour a déclaré : « Toutes mes félicitations à Giorgia Meloni et au peuple italien ! Comment ne pas regarder cette victoire comme la preuve que oui, arriver au pouvoir est possible ? ».
« Une bonne nouvelle pour la défense de notre civilisation », a commenté sur Twitter Marion Maréchal, en mettant une photo où on peut la voir au côté de la femme politique italienne.
Elle a su tenir bon, elle a su faire l’union : bravo @GiorgiaMeloni pour cette victoire historique. Bonne nouvelle pour la défense de notre civilisation ! 🇮🇹 #Italie pic.twitter.com/b3yEAzmf8c
— Marion Maréchal (@MarionMarechal) September 26, 2022
Cette victoire des droites en Italie ne plaît cependant pas à la gauche française. L’eurodéputée de la France Insoumise Manon Aubry a vivement critiqué ce « néofascisme » aux portes de l’Europe.
Terrible!
— Manon Aubry (@ManonAubryFr) September 25, 2022
Le néo-fascisme s'installe à nos portes avec la victoire de Meloni en Italie.
La poussée du poison réactionnaire, xénophobe & autoritaire se confirme partout en Europe.
L'alerte est sérieuse: il nous faut construire une alternative de gauche de rupture comme antidote
Sa consœur Clémentine Autain (députée LFI) a regretté la montée au pouvoir des « héritiers de Mussolini ».
Tragique.
— Clémentine Autain (@Clem_Autain) September 25, 2022
Les héritiers de Mussolini prennent le pouvoir en Italie.
Les politiques néolibérales et la disparition de la gauche ont permis ça.
Ici, nous avons tenu bon. Maintenant gagnons la course de vitesse face au RN. Ce soir, solidarité avec tous les progressistes italiens.
Même crainte pour le Parti communiste français : l'ex-candidat à l'élection présidentielle Fabien Roussel a déploré sur Twitter la quasi-victoire de la « droite fasciste italienne ». Une « catastrophe qui doit provoquer un sursaut à gauche en Europe », selon lui.
Pour Sandrine Rousseau, députée EELV au sein de la Nupes, « les loups sont entrés en Italie ».
En tout cas, l'exécutif français se dit « attentif » au « respect des droits humains et du droit à l’avortement » suite à la victoire de la coalition des droites italienne. Au micro de BFMTV, la Première ministre Elisabeth Borne a réagi : « Bien évidemment, on sera attentif, (avec) la présidente de la Commission européenne (Ursula von der Leyen), à ce que ces valeurs sur les droits de l'Homme, sur le respect des uns et des autres, notamment le respect du droit à l'avortement, soient respectées par tous. » La ministre a toutefois estimé qu’il « ne fallait pas brûler les étapes », et qu’il « appartient au président de la République (Sergio Mattarella) de désigner la présidente ou le président du Conseil » italien.
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