Google pourrait être contraint par Bruxelles de céder des services de publicité pour "abus de position dominante"
MONOPOLE - Google pourrait bien écoper d’une nouvelle amende par la Commission européenne. Le géant du web est une nouvelle fois accusé “d’abus de position dominante” sur le marché publicitaire en ligne. Bruxelles, qui a informé la firme de Mountain View de ses griefs “à titre préliminaire”, souhaite la contraindre à céder “une partie de ses services”. Google, qui a déjà été condamné à un total de 8 milliards d’euros d’amendes dans l’Union européenne (UE) pour des “pratiques anticoncurrentielles”, a exprimé son “désaccord”, apportant “une réponse en conséquence”.
“Nous craignons que Google n'ait, illégalement, déformé la concurrence dans l'industrie de la publicité en ligne, également connue sous le nom d'AdTech”, a déclaré mercredi 14 juin 2023 la commissaire à la Concurrence à la Commission européenne, Margrethe Vestager, lors d’une conférence de presse.
L’enquête a été ouverte en juin 2021 pour “déterminer si la conduite de Google enfreint les règles de concurrence de l'UE”. “Nous avons trouvé que [le groupe californien] a peut-être abusé de sa position dominante (...) aux deux extrémités de la chaîne d'approvisionnement AdTech”, a-t-elle ajouté.
Une amende financière et une cession d'activité
Mme Vestager fait référence aux services “Google Ads” et “DV 360”, dédié aux annonceurs, le service “DoubleClick For Publishers”, dédié aux éditeurs et sa plateforme “AdX”, exploitée pour l’intermédiation et la mise en vente des annonces. Ce que la Commission européenne reproche à la firme de Mountain View est de “favoriser ses propres services de technologies d’affichage publicitaire en ligne au détriment de prestataires de services de technologie publicitaire, d’annonceurs et d’éditeurs en ligne concurrents”.
We are sending a Statement of Objections to Google over abusive practices in online advertising technology.
— European Commission (@EU_Commission) June 14, 2023
Press conference by Vice-President @vestager https://t.co/NqbRnoIEAD
“Il n'y a rien de mal à être dominant en tant que tel (...) Ce que notre enquête a cependant montré, c'est que Google (...) s'est assuré que ses outils d'intermédiation côté achat et côté vente favoriseraient AdX dans les enchères”, lit-on encore.
Dans le même communiqué, Bruxelles a résumé certains comportements “potentiellement anticoncurrentiels”, qui favoriseraient AdX par rapport aux plateformes concurrentes. L’un de ses comportements “est de placer les enchères pour le compte des annonceurs uniquement sur AdX au lieu de diversifier les plateformes d’échanges pour que l’annonce soit largement diffusée”.
Des griefs qui ont été détaillés dans un courrier transmis à Google. “À ce stade de l'enquête, nous estimons que les comportements de Google peuvent constituer un abus de position dominante. S'ils sont prouvés, ces comportements seraient illégaux en vertu de nos règles (...) nous devons veiller à ce qu'il y soit effectivement mis fin”, poursuit la Commission.
Pour mettre fin à ce que la Commission appelle un “conflit d’intérêts”, que Google dissimulerait “sous un comportement dynamique de plus en plus difficile à détecter”, Bruxelles ne badine pas sur les sanctions. Si l’enquête concluait que Google a agi “de manière illégale”, ce géant du web serait contraint de céder une partie de ses services, notamment ses outils côté vente, DFP et AdX. Bruxelles pourrait également lui infliger une amende pouvant atteindre jusqu’à 10 % de son chiffre d’affaires annuel mondial.
Google, ce mauvais élève
La réaction de Google ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué, Dan Taylor, vice-président des publicités mondiales de Google, a déclaré que l'enquête de l'UE "se concentre sur un aspect étroit de notre activité publicitaire". La filiale du groupe Alphabet reproche à Bruxelles de ne pas “reconnaître à quel point la technologie publicitaire avancée aide les commerçants à atteindre les clients et à développer leurs activités”, s'opposant aux conclusions préliminaires de la commission.
Google, qui affirme "répondre en conséquence", se dit “impatient de montrer comment nous avons activé des publicités numériques de meilleure qualité et plus efficaces qui ont contribué à financer un accès plus large au contenu et aux informations en ligne pour tous”.
On today’s Statement of Objections from the European Commission about our ad tech business, we disagree with the EC’s view and we will respond accordingly. I’m sharing more here: https://t.co/W1QVpHrsdo
— Dan Taylor (@edantaylor) June 15, 2023
La firme rejette également les accusations de l’UE de concurrence déloyale. “La technologie publicitaire est extrêmement compétitive et en constante évolution. Nous sommes en concurrence avec des centaines d'entreprises dans ce domaine, y compris des noms connus comme Amazon, Microsoft et Meta (...) La concurrence pour le placement d'annonces numériques se joue tous les jours, à tous les niveaux (...) Dans un espace aussi encombré, les éditeurs et les annonceurs choisissent d'utiliser Google parce que nos produits sont efficaces et fiables”, poursuit Dan Taylor.
La firme de Mountain View a déjà été condamnée pour un total de 8 milliards d’euros d’amendes dans l’UE pour des pratiques anticoncurrentielles. Il s’agit, d’ailleurs, du record des trois plus grosses amendes jamais infligées par Bruxelles : Google a écopé de 4,1 milliards d’euros pour “abus de position dominante” du système Android, 2,4 milliards pour avoir favorisé son comparateur de prix Google Shopping et 1,5 milliard pour des infractions imputées à sa régie publicitaire AdSense.
Google est également visé dans d’autres pays par des enquêtes similaires liées à la publicité, à commencer par les États-Unis et le Royaume-Uni. Une plainte du ministère américain de la justice vise depuis janvier 2023 Google pour avoir “utilisé des méthodes illégales” dans le but “d’éliminer ou réduire drastiquement toute menace à son monopole sur les technologies utilisées pour la publicité numérique”. Huit États, dont la Californie et New York, ont également sollicité la justice pour infliger une amende à Google et le contraindre à cesser ses activités liées à la vente d’espaces publicitaires en ligne.
En Grande-Bretagne, c’est l’autorité de la concurrence (CMA) qui avait ouvert une enquête en mai 2022.
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