Faillites des banques régionales américaines : le régulateur public s’appuie sur J.P. Morgan et BlackRock afin d’éviter une crise majeure

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Chloé Lommisan, France-Soir
Publié le 03 mai 2023 - 15:20
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JP Morgan First Republic Bank
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OLIVIER DOULIERYAFP
La J.P. Morgan récupère les activités de la First Bank Republic, en faillite.
OLIVIER DOULIERYAFP

CRISE - Aux États-Unis, la faillite récente de plusieurs banques régionales, ou "de niche", entraînera-t-elle un effet domino ? Ces établissements sont essentiels au maintien de l’économie réelle outre-Atlantique. Si leurs actifs propres sont souvent inférieurs au milliard de dollars, plusieurs milliers d’établissements exercent cette activité de soutien de l’investissement au sein des entreprises. La chute de certaines banques incontournables du secteur est pour l'instant amortie par le régulateur public américain, qui s'appuie sur la banque J.P. Morgan et le gestionnaire d'actifs BlackRock pour déléguer et gérer les conséquences des récentes banqueroutes. Ce qui est loin d'être une mauvaise affaire pour ces mastodontes de la finance.

Le 10 mars dernier, la Silicon Valley Bank (SVB) fait faillite, avant d'être placée par le régulateur public local (californien) sous l'égide du régulateur public, la Société fédérale d'assurance des dépôts (FDIC, Federal deposit insurance corporation), une agence indépendante nationale chargée de garantir un retrait maximal légal à chaque client. Dans le cas de la SVB, la clientèle est principalement constituée de start-up et d'investisseurs, non de particuliers.

Pas sans rappeler la crise des subprimes

L'une des raisons principales de cette débâcle ? Un placement de l'établissement bancaire basé sur des crédits hypothécaires qui ont perdu toute rentabilité effective au moment d'un relèvement des taux d'intérêts par la Réserve fédérale américaine ces derniers mois. 

Ce schéma, qui prive alors la banque de ses liquidités et la pousse mécaniquement à la faillite, notamment du fait d'une panique consécutive des déposants, n'est alors pas sans rappeler la crise de 2008 dite des subprimes. 

Le 12 mars, c'est au tour de la Signature bank de New York (SBNY) de tomber. Celle-ci est spécialisée dans le domaine immobilier et bénéficiait pourtant d'une haute estime de la part des investisseurs.  

Rebelotte, tous les dépôts de la banque sont à l'instar de ceux de la SVB garantis par les fonds publics, après l'annonce de la FED et du gouvernement. La FDIC prend en charge l'opération et indique dans un communiqué les diverses raisons de la banqueroute de la SBNY dont une "mauvaise gestion", un abandon des "bonnes pratiques de gouvernance d'entreprise", et l'absence de mise en œuvre de recommandations déjà faites par la FDIC ces dernières années à l'établissement bancaire. 

Sont pointées du doigt aussi par ce rapport une "croissance effrénée" de la SBNY, accompagnée d'une utilisation hasardeuse des dépôts, en vue de placements dans les cryptomonnaies semblant en partie être liés au défaut de liquidités, qui ont entraîné des demandes massives de retraits de la part des clients.  

À noter par ailleurs qu'une enquête pour blanchiment d'argent a été ouverte par la SEC (Securities and Exchange Commission) à la demande du Département américaine de justice à la mi-mars 2023. 

Le 1er mai, c'est au tour de la First Republic Bank, dont le rôle est de gérer des fortunes en Californie dont celle de Mark Zuckerberg, le PDG de Meta. Cette faillite est encore plus importante que celle de la SVB et prend la place (2ème) de cette dernière au palmarès de la plus grosse faillite bancaire de l'histoire des Etats-Unis après celle de la banque Washington Mutual (WaMu) au temps de la crise des subprimes. 

Là encore, la FDIC prend en charge dans un premier temps la garantie des dépôts et même une partie des pertes à hauteur de 13 milliards de dollars. 

Qui va payer in fine ? 

De quoi arrêter l'amorce d'une crise économique et financière majeure ? Ces renflouements qui se succèdent sont-ils une solution pérenne ? Ces questions se posaient déjà au moment de la chute de la SVB. Selon des observateurs experts, comme le Wall Street Journal, le risque d'un krach boursier serait écarté. Mais quelle est l'étendue exacte de l’incendie ?  

Les actifs concernés par la faillite de ces trois établissements sont respectivement de l'ordre de 200 milliards pour la SVB et la First Republic Bank et de 100 milliards pour la signature, soit un total de 500 milliards.  

Un montant astronomique, supérieur à celui qui concernait la crise des subprimes. Seule différence : il n'y a pas de mammouth de la finance comme Lehman Brothers pour chuter cette fois (pour le moment), et faire craindre à l’opinion publique, comme au gouvernement américain, qu’aucune solution n’est trouvable avant un krach majeur : voilà qui minore le bilan actuellement, y compris en dollars sonnants et trébuchants.   

Charlie Munger, l'historique associé en affaire de l'investisseur Warren Buffet, est cependant très pessimiste pour l'avenir en évoquant, en résumé, la présence trop élevée de crédits hypothécaires "pourris", au sein des banques. Un état de fait qu’il compare clairement au déroulement de la crise des subprimes de 2008. 

Mais un élément différent apparaît par rapport à la situation actuelle. Deux entités semblent même se réjouir de la situation. La première est la J.P. Morgan (3200 milliards de dollars d'actifs, devant la Bank of America), qui avait même connu une hausse de son cours lors de la faillite de la SVB. La seconde est BlackRock, la multinationale américaine désormais bien connue spécialisée dans la gestion d'actifs.  

Les crises peuvent aussi être fertiles...

Ces deux poids lourds gargantuesques de la finance ont été choisis par la FDIC afin de reprendre les activités, ou de gérer la vente de titres, des établissements en faillite.  

Un communiqué du régulateur public le précisait il y a quelques semaines déjà à propos de BlackRock : "La FDIC a retenu les services de BlackRock Financial Market Advisory pour effectuer des ventes de portefeuille, qui seront progressives et ordonnées, et viseront à minimiser le potentiel de tout impact négatif sur le fonctionnement du marché en tenant compte de la liquidité quotidienne et des conditions de négociation." 

Rien de nouveau. Dans telles situations, soit le contribuable paye la note, soit des entités de la sphère privée s'en chargent. En 2008, comme indiqué précédemment, personne n’avait voulu, n’avait pu, politiquement ou économiquement acquitter la note aussi salée que l’océan.  

Sous la forme d’un pari, ces mastodontes aux trésoreries débordant de liquidités peuvent même envisager des bénéfices liés à la facturation de services. Voilà ce qui pousse peut-être J.P. Morgan à être confiant et à envisager la fin de cette crise en invitant "tout le monde doit simplement respirer profondément", dixit Jamie Dimon, PDG de la banque.

Mais la J.P. Morgan fait aussi un coup de maître : la reprise de la First Republic Bank lui permet de devenir numéro 1 du secteur en concentrant encore plus de pouvoir et de richesses, en pouvant s'exonérer ainsi tout à fait officiellement des règles américaines strictes en matière de concurrence. Les crises peuvent souvent être fertiles pour certains acteurs de l'économie.

La J.P. Morgan ne manque pas d'air et business as usual pour BlackRock

Quant à BlackRock, l'habileté du gestionnaire d'actifs à récupérer des pans entiers de secteurs afin d'en faire florès n'est plus à démontrer. Toutefois, les filiales de ce dernier peuvent poser question lorsque le groupe mère est appelé à la rescousse par le régulateur public afin de nettoyer les écuries d'Augias des titres pourris.

Par exemple, BlackRock Solutions donne des conseils d'investissement et de gestion des risques. Que se passerait-il si celle-ci avait donné des conseils (en amont ou en aval d’ailleurs) à de gros clients de la SVB ou de la SBNY ? Même chose en ce qui concerne la BlackRock Financial Managment, qui gère des portefeuilles d'investissements. 

À la recherche de solutions “clefs en main”, la FDIC ne semble pas avoir communiqué sur ce type d’éléments, exécutant surtout la volonté politique de l’administration Biden de ne pas faire de vagues pendant les prémices des présidentielles 2024 aux États-Unis.

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