Nutriscore : l’Italie estime que c'est une menace pour son patrimoine culinaire
Depuis 2017, le Nutriscore informe les consommateurs sur de nombreux produits en France et ailleurs en Europe. Des associations de consommateurs comme UFC que Choisir, plaident même depuis 2019 pour sa généralisation obligatoire au niveau européen afin de combattre l’obésité et la malnutrition. Malgré son efficacité prouvée, il ne fait pas l’unanimité, et l’organisme Antitrust italien vient d'ouvrir une enquête sur ce système d'étiquetage des aliments, seulement quelques semaines après avoir signé un traité historique pour renforcer la coopération avec la France.
Selon l'Italie, le Nutriscore est une menace pour son patrimoine culinaire
La gastronomie italienne est riche en produits très réputés mondialement, allant de l'huile d'olive au parmesan en passant par les célèbres pâtes et pizzas, et malgré leurs qualités gustatives indéniables, ces produits traditionnels ne sont pas toujours bien notés par le Nutriscore. Selon l’industrie agro-alimentaire italienne, le Nutriscore serait donc une menace pour son patrimoine culinaire. Le pays cherche donc à discréditer ce système de notation, pour tenter d’éviter sa généralisation au niveau européen. Politico, média basé à Bruxelles spécialisé dans la couverture de l’actualité politique européenne, détaille l’offensive italienne : l'autorité italienne de la concurrence a lancé une enquête contre le géant français des supermarchés Carrefour et d'autres entreprises alimentaires, en raison du préjudice porté par la fameuse étiquette colorée, aux produits traditionnels italiens. À travers cette procédure, l'Italie espère que ces éventuelles amendes infligées aux géants des supermarchés ou aux multinationales empêchent le déploiement obligatoire du système d'étiquetage nutritionnel dans toute l'UE. Pour L’Italie, le Nutriscore induit le consommateur en erreur en réduisant la qualité d'un aliment à une simple couleur, ou lettre. Tous les spécialistes ne sont pas du même avis. Pour Monique Goyens, directrice générale du BEUC, l'organisation européenne des consommateurs, « toutes les preuves que nous avons rassemblées montrent que cela aide vraiment les consommateurs, plutôt que de les induire en erreur. »
L’Espagne alliée de l’Italie contre le Nutriscore, en défense des produits méditerranéens
Dans cette posture critique, l’Italie est soutenue par l’Espagne, un autre producteur clé de produits méditerranéens. Selon l’Italie, les pays méditerranéens doivent adopter une position commune pour protéger les aliments emblématiques, qui peuvent être pénalisés par une note de couleur rouge. Cette dernière peut dissuader le consommateur de consommer ces produits, alors que depuis longtemps, certains aliments font partie intégrante d'un régime régional, le régime méditerranéen, dont les bienfaits pour la santé ont été bien démontrés scientifiquement. « L'Espagne a communiqué qu'elle avait totalement changé sa position, elle est maintenant contre le Nutriscore. La France a de gros problèmes internes », a affirmé le ministre italien de l'Alimentation et de l'Agriculture Stefano Patuanelli au parlement italien, en décembre dernier. Cet appui entre pays méditerranéens pourrait empêcher une éventuelle proposition de la Commission pour que le Nutriscore passe devant le Conseil de l'Europe.
Le Nutriscore victime d’une campagne agressive de décrédibilisation, malgré de solides soutiens
Pour l'instant, l'optimisme de l'Italie ne serait pas tout à fait justifié. L'Organisation mondiale de la Santé, et des pays européens comme la Belgique, l'Allemagne et les Pays-Bas, soutiennent toujours le déploiement du Nutriscore dans toute l'UE. Pour le professeur Serge Hercberg, dont les travaux ont aidé à la conception de cette échelle, « tout ce discours a des raisons purement politiques, et est un déni total de l'intérêt des consommateurs, de la santé publique et des travaux scientifiques qui démontrent les bienfaits du Nutriscore ». Dans une interview pour FranceSoir, le professeur rappelait en 2019 que la généralisation du Nutriscore était justifiée à la fois par son efficacité scientifique démontrée, sa supériorité sur les autres logos proposés, et le fait qu'il soit plébiscité par les associations de consommateurs. L’intérêt du Nutriscore sur l'ensemble du territoire européen serait de permettre aux industriels de n'avoir à étiqueter qu'un seul logo pour l'ensemble des marchés.
L’Union européenne ne compte pas porter préjudice au régime méditerranéen
La Commission européenne doit sélectionner un système d'étiquetage d'ici à la fin de l'année dans le cadre de son programme Green Deal, pour pousser les consommateurs vers des choix alimentaires plus sains. L’Italie propose donc un autre système de notation, le "Nutrinform" (avec une notation dans différents tons de bleu), qui compte sur le soutien de ses géants de l’agroalimentaire, dont Ferrero. Mais, les produits méditerranéens peuvent être soulagés pour l’instant, car le plus probable semble, selon Politico, que la Commission conservera la notation Nutriscore, mais en modifiant la méthodologie de notation pour ne pas pénaliser les produits méditerranéens. Claire Bury, haut responsable de l'UE, a déclaré en septembre que la Commission prendrait en compte les « caractéristiques spécifiques » de certains produits alimentaires comme l'huile d'olive et le miel lors de la législation pour un régime harmonisé à l'échelle du bloc européen.
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