Agression antisémite à Marseille : le suspect présenté à un juge antiterroriste à Paris
Il dit ne rien regretter et exprime même "une certaine fierté". L'adolescent arrêté lundi 11 après avoir agressé à la machette un enseignant juif portant la kippa devait être déféré ce mercredi 13 au tribunal à Paris en vue d'une mise en examen par des juges antiterroristes.
L'auteur présumé de cette agression antisémite au nom du groupe État islamique, a été transféré mardi 12 à la sous-direction antiterroriste près de Paris, alors que des divergences apparaissaient au sein de la communauté juive sur l'attitude à adopter face à la menace terroriste.
Le parquet antiterroriste de Paris s'était saisi lundi de l'affaire, qui a ravivé les inquiétudes des juifs marseillais. Le président du consistoire israélite local, immédiatement critiqué par le grand rabbin de France et le Crif, a préconisé l'abandon du port de la kippa dans la rue, au moins provisoirement.
Après son arrivée à Levallois (Hauts-de-Seine), le suspect, un lycéen turc d'origine kurde qui n'était pas dans les radars des services de renseignement, sera être présenté à un juge d'instruction antiterroriste, pour une possible mise en examen.
Lors de ses auditions, l'adolescent a "revendiqué son geste et exprimé une certaine fierté", affirmant "qu'il avait agi seul", a précisé une source proche de l'enquête. Sa victime a pu se défendre et s'en est finalement sortie avec des blessures légères.
L'enquête se poursuit pour "tentative d'assassinat aggravé en raison d'une appartenance religieuse en lien avec une entreprise terroriste". Dès son arrestation, l'adolescent avait précisé aux policiers avoir agi "au nom d'Allah" et du groupe État islamique. En raison de son âge, 15 ans pour quelques jours encore, sa garde à vue ne peut excéder 48 heures. Sans antécédents judiciaires ni psychiatriques, il est issu d'un milieu "classique et normal", a de bonnes notes au lycée et se serait radicalisé "via internet", selon le parquet marseillais.
Dans ce contexte, le président du consistoire israélite de Marseille, Zvi Ammar, a "incité" mardi ses coreligionnaires à "enlever la kippa dans cette période trouble, jusqu'à des jours meilleurs". Une décision qui lui fait "mal au ventre", a expliqué ce responsable de l'une des plus importantes communautés juives d'Europe, avec quelque 70.000 membres. "Il faut prendre des décisions exceptionnelles, et, pour moi, la vie est plus sacrée que tout autre critère", a-t-il justifié auprès de l'AFP. "On est obligé de se cacher un petit peu", a-t-il déploré.
Un appel similaire à ôter la kippa avait déjà été lancé par l'enseignant victime de l'agression, via son épouse. "Aujourd'hui, il a mis sa casquette, et il encourage la communauté à faire comme lui", avait-elle dit. Les propos de Zvi Ammar sont "un cri d'émotion compréhensible", a estimé le grand rabbin de France, Haïm Korsia, mais "nous ne devons céder à rien, nous continuerons à porter la kippa".
De son côté, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Roger Cukierman, a jugé qu'il ne s'agissait "certainement pas (d'une) bonne idée". "Cela traduit une attitude défaitiste, de renoncement", a-t-il déclaré à l'AFP.
Signe que la question divise, la présidente du Crif Marseille-Provence, Michèle Teboul, a estimé qu'il fallait "vivre normalement", mais qu'elle ne pouvait que se "plier" à cette décision "si c'est pour assurer la sécurité des juifs". La garde des Sceaux, Christiane Taubira, a martelé que, "comme tout citoyen français, les juifs de France doivent se sentir en sécurité" et doivent "bien entendu" pouvoir porter la kippa dans la rue.
"Nous devons réaffirmer, nous devons garantir au quotidien, partout sur le territoire, la liberté de chaque citoyen, sa liberté, y compris de vivre sa croyance. C'est ça une République laïque", a ajouté la ministre de la Justice, à sa sortie d'une réunion à Matignon.
Sénateur-maire de Marseille, grand port de la Méditerranée qui met volontiers en avant son cosmopolitisme, l'élu Les Républicains Jean-Claude Gaudin a assuré la communauté juive de sa solidarité. Sur la question de la kippa, "c'est à la communauté de prendre ses dispositions", a-t-il dit.
L'enseignant victime, Benjamin Ansellem, qui selon son avocat a eu "le sentiment" que son agresseur voulait le "décapiter", a été entendu mardi par les enquêteurs. "Je me sens très fatigué, c'est une situation très difficile", a-t-il dit, visiblement très ému, boitant et portant une casquette sur la tête, à sa sortie du commissariat.
L'agression antisémite est survenue quelques mois après deux autres visant la communauté juive de Marseille.
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