Attentats dans l'Aude : le Super U de Trèbes rouvre ses portes dans l'émotion
Dans l'émotion et sous les applaudissements, le Super U de Trèbes, théâtre d'une prise d'otages meurtrière le 23 mars, a rouvert ses portes jeudi matin, en présence d'une foule de clients venus dire leur solidarité aux employés traumatisés par l'attentat islamiste.
"On triomphera de la barbarie, unis", a lancé le préfet de l'Aude Alain Thirion, dans un lourd silence, avant de lire, en signe de résistance, le poème de Louis Aragon "La rose et le réséda".
Presque trois semaines jour pour jour après l'attaque du jihadiste Radouane Ladkim qui a fait quatre morts, dont trois dans le magasin, les clients s'étaient massés sous un ciel capricieux, sur le parking du supermarché, sous la surveillance discrète des gendarmes, et en présence de nombreux journalistes.
"C'est important de venir", a déclaré à l'AFP Marie, une habitante de Floure. "On veut les retrouver", a souligné cette octogénaire en parlant des employés du Super U, "pas forcément parler avec eux, je n'aurais peut-être pas ce courage, mais faire acte de présence, montrer que la vie continue et qu'on n'a pas peur".
Sous les applaudissements, les employés de Super U, certains en larmes, se sont alignés devant l'entrée principale. Plusieurs portant un brassard "solidarité Trèbes" sont venus de l'extérieur apporter leur concours.
Debout sur une estrade noire, le PDG du magasin Eric de la Jonquière, des sanglots dans la voix, la main tremblante, a ensuite remercié les clients "pour leurs témoignages et leur immense solidarité". Les bénéfices réalisés lors de cette journée de réouverture iront aux victimes et à leurs familles.
Sous les "mercis" et les "bravos" de l'assistance, les portes du magasin se sont alors ouvertes et les nombreux clients, poussant leurs chariots, ont pénétré dans le magasin.
"On ne change pas nos habitudes, moi je venais tous les jours", a déclaré Marc Gentet, 67 ans, un habitant de Trèbes, qui a participé aux obsèques des Audois. "Je connaissais tout le monde, et évidemment on a été très choqués", a-t-il dit.
"Etre ici c'est un témoignage de solidarité", a insisté Patrick Fazion, 66 ans, un habitant de Capendu, "il va falloir les soutenir".
A l'intérieur du supermarché de 2.000 m2, pas la moindre trace de la violence de l'attaque du 23 mars. L'accueil a été réaménagé pour effacer les repères visuels, car c'est là que les événements se sont surtout concentrés, a indiqué Thierry Desouches, responsable des relations extérieures du groupe Système U.
- "Nous serons toujours là" -
"Reprendre une vie normale c'est compliqué", a observé Quentin, un jeune employé du rayon bazar, "nous sommes tous très touchés de voir tant de monde derrière nous". "Mais reprendre le travail permet de se reconstruire, il faut aller de l'avant sans oublier ce qu'il s'est passé".
Sur un effectif de 48, 38 collaborateurs du Super U de Trèbes ont repris le travail sur la base du volontariat. Au rayon boucherie, Jacquy, le collègue de Christian Medves, le premier à avoir été abattu, a gardé le silence.
Sylvie, une cliente sexagénaire qui habite près de Carcassonne, a fait "tout le chemin" pour acheter sa viande au Super U et montrer ainsi son "soutien".
Très émue, Séverine, la quarantaine, connaissait aussi très bien le chef boucher. "Il nous disait quand ça n'allait pas +allez un coup de pied aux fesses+, c'est ce qu'il m'aurait dit aujourd'hui", dit-elle.
Les clients pouvaient aussi signer un registre. "De tout coeur avec vous", "nous serons toujours là avec vous pour continuer à avancer", pouvait-on lire notamment.
Les attentats de l'Aude ont coûté la vie à quatre personnes : Jean Mazières, un viticulteur à la retraite, tué à Carcassonne par le jihadiste Radouane Lakdim, 25 ans, lors du vol d'une voiture au début de son équipée meurtrière.
Puis dans le Super U, Lakdim avait abattu le chef boucher, Christian Medves, 50 ans, à proximité des caisses ainsi qu'un client, Hervé Sosna, 65 ans.
L'officier de gendarmerie Arnaud Beltrame s'était ensuite substitué à une otage, employée du magasin, laissant son téléphone ouvert pour aider les forces de l'ordre, avant d'être mortellement blessé au cou par le jihadiste. Lors de l'assaut du GIGN, l'assaillant a été abattu.
Un jeune Portugais de 26 ans, grièvement blessé lors de la première attaque, est sorti récemment du coma et reste en attente d'une opération d'extraction d'une balle dans la tête. Le président du Portugal, Marcelo Rebelo de Sousa, s'était rendu en début de semaine à son chevet.
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