Attentats de Paris : Abaaoud prévoyait d'attaquer un centre commercial, un commissariat et une crèche
Abdelhamid Abaaoud, un des coordinateurs présumés des attentats du 13 novembre, comptait également attaquer un centre commercial et un commissariat à la Défense ainsi qu'une crèche, révèle le témoin qui a permis de localiser son "appartement conspiratif" de Saint-Denis. Dans un reportage réalisé par RMC-BFMTV, la jeune femme qui a alerté la police raconte sa rencontre avec le terroriste.
Sonia -son nom a été modifié pour des raisons de sécurité- est une amie d'Hasna Ait Boulahcen, la cousine d'Abdelhamid Abaaoud. Le 15 novembre, deux jours après les attentats, les deux femmes sont ensemble quand la deuxième reçoit un coup de téléphone venant de Belgique. On lui demande de trouver une voiture pour aller chercher quelqu'un qui a besoin d'un hébergement. C'est son cousin qui a dit d'appeler. Un point de rendez-vous est fixé, à Aubervilliers dans une zone industrielle en contrebas de l'autoroute. Au téléphone, le correspondant belge lui dit de crier un code: "dix, dix". Un homme sort alors d'un buisson.
Il s'agit d'Abdelhamid Abaaoud. Stupéfaite, Sonia lui demande s'il a participé aux attaques du 13 novembre. "Et là il me dit, normal +les terrasses c'est moi+", raconte-t-elle. Choquée, elle lui rétorque qu'il a tué des innocents. Ce à quoi il répond, "fier de lui": "ils ne sont pas innocent. Il faut regarder ce qui se passe chez nous en Syrie". "On dirait qu'il n'a peur de personne. Il raconte ça comme si'il avait raconté qu'il était parti faire des courses et avait trouvé un baril de lessive en promotion. Il est content", poursuit Sonia.
Curieuse, elle lui demande comment il est rentré de Syrie: avec les réfugiés, sans documents officiels , accompagné de Syriens, d'Allemands, d'Irakiens, de Français et d'Anglais, lui explique Abaaoud, ajoutant qu'ils sont 90, disséminés un peu partout en Ile-de-France.
Sonia découvre ensuite que l'homme a d'autres projets terroristes. "Il y a eu des ratés, et je suis là pour faire en sorte qu'il n'y ait plus de ratés", lui dit-il avant de demander à sa cousine de lui trouver une planque et des vêtements.
Le lendemain, Sonia compose le 197, numéro vert mis en place après les attentats et raconte tout ce qu'elle sait aux autorités. Hasna Ait Boulahcen la rejoint ensuite chez elle et lui parle des attentats prévus par son cousin. Ce dernier veut viser un centre commercial de La Défense, un commissariat et une crèche. "Moi dans ma tête je sais qu'ils vont pas les faire car je vais les en empêcher", déclare Sonia à qui Hasna donne l'adresse de la planque, 8 rue du Corbillon à Saint-Denis. Son amie partie, Sonia prévient la police qui donne ensuite l'assaut. Abaaoud, un complice et sa cousine Hasna y trouveront la mort.
Aujourd'hui, Sonia doit vivre cachée, raconte-elle au micro de RMC. Au départ, "on m'explique que je vais devoir changer de nom, que je vais devoir changer de ville, que je vais être prise en charge par des policiers, qui sont spécialistes de la protection de témoins", explique-t-elle. Par conséquent, elle n'a plus le droit de voir ni sa famille ni ses amis. Par ailleurs, la jeune femme a beau avoir un nouveau nom, ses papiers affichent encore son ancienne identité, ce qui l'empêche de travailler. "En fait je vis avec mon ancienne identité sans avoir le droit de dire qui je suis (…) parce que je dois rester cachée, mais je peux pas rester cachée comme ça". Si elle a reçu une aide financière, elle demande au gouvernement, à qui elle reproche de l'avoir oubliée, une aide psychologique et une protection rapprochée.
Son avocat, Patrick Baudoin, président d'honneur de la Fédération internationale pour les Droits de l'homme, demande à ce que l'Etat la soutienne.
"C'est une situation inédite. C'est la première fois qu'une personne joue un rôle aussi considérable, par son témoignage, dans une affaire extraordinaire", explique-t-il au micro de RMC. Et de conclure: "Sonia a eu un courage exceptionnel et ce qui m'a frappé en la rencontrant, ce qui m'a amené à me dire que je ne pouvais pas rester sans rien faire c'est l'état anxiogène dans lequel elle se trouve et à travers la description qu'elle m'a faite dans sa vie quotidienne le risque évident et réel qui pèse sur elle à chaque instant et on peut comprendre qu'il lui soit difficile de trouver le sommeil alors qu'elle n'a pas cette aide psychologique qui lui est indispensable".
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