Kamala Harris, ou comment passer de la reine de la justice californienne à valet par défaut

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France-Soir
Publié le 03 août 2024 - 12:49
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ELIJAH NOUVELAGE AFP
Kamala Harris, ou comment passer de la reine de la justice californienne à valet par défaut
ELIJAH NOUVELAGE AFP

PORTRAIT CRACHE - Samedi 27 juillet, la vice-présidente américaine Kamala Harris a officialisé sa candidature à la présidence des États-Unis, une semaine après le retrait de Joe Biden. Sous l'ombre bienveillante de son mentor Willie Brown, elle a gravi les échelons politiques californiens... Qui aurait cru que la féroce procureure de San Francisco puis de Californie, connue pour ses poursuites implacables et ses condamnations massives pour des délits mineurs, deviendrait une vice-présidente aussi insipide ? 

Kamala Harris, autrefois redoutée pour sa poigne de fer, semble avoir perdu tout son mordant en accédant aux hautes sphères du pouvoir. Incapable de s'affirmer sur des dossiers cruciaux, elle est devenue l'ombre de Joe Biden affichant une mollesse proverbiale, des interventions médiatiques souvent maladroites et une gestion chaotique du personnel.  Ironiquement, celle qui a bâti sa carrière sur des décisions controversées et des alliances stratégiques se retrouve aujourd'hui à la tête d'une campagne présidentielle par défaut, faute de mieux pour le parti démocrate. Sera-t-elle capable de convaincre les électeurs avec son bilan controversé et ses abus de pouvoir, ou son ascension s'arrêtera-t-elle à la porte de la Maison Blanche, par inconsistance et de manque de charisme ? 

Des postes clés après des discussions sur l'oreiller 

Après des études en sciences politiques et en droit, Kamala Harris intègre le barreau de Californie. Sa carrière débute en 1990 comme procureur adjoint du district d'Alameda County. La jeune femme de 26 ans est décrite comme “compétente et en pleine ascension” par ses collègues mais ne fait parler d’elle ni par sa jeunesse ni par ses performances. Les Californiens font la connaissance de cette procureure adjoint, de mère indienne et père jamaïcain, à sa nomination à la Commission d’appel de l’assurance-chômage.  

C’est en 1994 et Kamala Harris sort avec Willie Brown, trente ans son aîné, président de l’Assemblée de Californie qui l’a nommée à ce poste. Elle démissionne six mois plus tard et son compagnon la nomme cette fois-ci à la tête de la Commission d’assistance médicale. Leur relation fait couler beaucoup d’encre. Les salaires annuels de sa nouvelle compagne évoluant entre 72 000 et 97 000 dollars. Un revenu généreux pour un poste à mi-temps, voire moins, puisque la Commission d’assistance médicale se réunit une fois par mois. La presse en fait ses choux gras. Willie Brown est accusé de favoritisme et reçoit les critiques acerbes des républicains, tandis que la compétence et la légitimité de Kamala Harris, chargée de négocier des contrats entre l’État de Californie et les hôpitaux, sont remises en cause.  

C’est donc à sa relation amoureuse qu’elle doit son entrée en politique, et à son amoureux son ascension dans les années qui suivent. En 1998, la voici procureur adjoint à San Francisco. Elle est en charge de la division criminelle et gère les affaires d’homicide, de vol et d’agressions sexuelles. Son aventure prend rapidement fin après un bras de fer avec l’assistant du procureur à propos de la “proposition 21”, qui prévoit de juger certains délinquants mineurs par la justice pénale pour adultes. 

Après sa démission, elle est de nouveau repêchée par son “ex”, Willie Brown, devenu entre-temps maire de San Francisco. A la mairie, Kamala Harris dirige la division des services à la famille et à l’enfance. Elle fait un retour en fanfare à partir de 2002, toujours sous l’aile de son ancien amant. Elle brigue le poste de Procureur de San Francisco et le comité californien du parti démocrate est appelé à ne pas soutenir le procureur en poste, Terence Hallinan.  

Tous coupables malgré la preuve du contraire ... sauf les banques !  

Elle mène une campagne virulente contre son ancien patron mais ses adversaires pointent encore du doigt sa proximité avec Willie Brown. “Sa carrière est terminée, je serai en vie et en pleine forme pendant les 40 prochaines années. Je ne lui dois rien”, se défend-elle. Oh, si, tu lui dois beaucoup ... Kamala Harris devient la première femme et la première personne de couleur à occuper ce poste. Son bilan est entaché de nombreuses polémiques, liées à ses contradictions. Elle s’oppose à la peine de mort à San Francisco mais la soutient dans les affaires fédérales. Elle fait condamner près de 2 000 personnes pour des délits liés à la marijuana et instaure la condamnation de parents pour l’absentéisme scolaire de leurs enfants, notamment les parents de jeunes délinquants. Elle est, sans véritable opposition, réélue en 2007 pour un autre mandat de 4 ans.  

Kamala Harris se sent pousser des ailes et poursuit son ascension. Elle veut devenir le Procureur général de Californie et parvient, là encore, à être la première femme “afro-américaine” à occuper le poste. Sa gestion du National Mortgage Settlement, un accord conclu après la crise des subprimes entre le gouvernement, les 49 procureurs généraux d’État et les cinq plus grandes banques de services hypothécaires dans le pays, déçoit les propriétaires désabusés.  

L'accord visait à mettre fin aux accusations portées contre ces banques concernant des pratiques abusives liées aux saisies immobilières. Kamala Harris, qui s’est retirée des négociations nationales, est accusée d’avoir trop cédé aux banques, particulièrement dans son accord séparé avec Wells Fargo, JPMorgan Chase et Bank of America. Si cet arrangement prévoit une réduction de dette de 12 milliards pour des propriétaires californiens, avec au total 18 milliards d'aides financières, aucun banquier n’a été inquiété par la justice.  

Sa frivolité, ou plutôt ses proximités malsaines se confirment en 2012 lorsqu’elle empêche une plainte civile contre OneWest Bank, détenue par un groupe d'investissement dirigé par Steven Mnuchin et tout aussi accusée de saisies immobilières abusives. Une enquête menée par le bureau du procureur général de Californie révèle plus d'un millier de violations des lois. Les procureurs de l'État recommandent à Kamala Harris de poursuivre OneWest Bank en justice pour ces violations. Cependant, Harris a décidé de ne pas engager de poursuites civiles contre la banque. 

Elle justifie toutes ses décisions par “les preuves à sa disposition”. Il s’est surtout avéré que Kamala Harris ne pourrait pas se priver des dons de ces banques pour ses campagnes, comme ceux de ce même Steven Mnuchin pour sa campagne sénatoriale. Autre tâche dans son bilan comme procureur général : sa décision de maintenir en prison plusieurs accusés malgré l’absence de preuves de leur culpabilité ou la disponibilité de preuves de leur innocence.  

Citons George Cage, un électricien au casier judiciaire vierge accusé d'abus sexuel sur sa belle-fille, Johnny Baca pour meurtre, Kevin Cooper, condamné à mort à l'issue d'un procès entaché de graves problèmes de corruption avant d’être empêché de procéder à des tests ADN avancés par Kamala Harris, ou encore Daniel Larsen, accusé de possession d’arme dissimulée et dont les preuves l’innocentaient.  

Une sénatrice persécutrice mais une vice-présidente mollassonne 

Dès 2015, Kamala Harris brigue un siège au Sénat pour les élections de 2017. La primaire se déroule sans difficultés majeures, tant elle a été bien introduite chez les Dems par Willie Brown, son ange-gardien. Ce dernier n’hésite d’ailleurs pas à s’immiscer dans la campagne de sa protégée, appelant même le rival de Kamala Harris à quitter la course “par loyauté” à son égard. Après avoir reçu le soutien du président sortant, Barack Obama, et de son vice-président, Joe Biden, elle remporte la primaire. L’attention est monopolisée par les élections présidentielles opposant Hillary Clinton à Donald Trump et la campagne de l’ancienne Procureur général de Californie est terne. Elle est élue sénatrice en 2017, en étant la deuxième “afro-américain”  à le faire et la première d’origine indo-américaine.  

Elle est membre de plusieurs commissions, l’une après l’autre, comme celles du renseignement ou de la Sécurité intérieure, et se fait remarquer par son hostilité envers l’administration Trump. Elle s’oppose même à la nomination de Steven Mnuchin comme secrétaire du Trésor, celui-là même qui a fait un don pour sa campagne sénatoriale ... Ses interventions irritent le président Trump en personne, qui lui reproche, avec les Républicains, un manque de respect à l’égard des personnes interrogées. Kamala Harris confond-elle son rôle de sénatrice avec celui de Procureur qui maintient les personnes en prison malgré des preuves de leur innocence ? 

Comme à son accoutumée, Kamala Harris brille par ses incohérences, aussi bien politiques qu’éthiques. Opposée à la légalisation de la marijuana depuis son passage à San Francisco, elle finit par soutenir cette cause. Son revirement est jugé opportuniste. A l’opposé, elle soutient d’abord le programme Medicare for All avant de se tourner vers une approche hybride incluant des options d'assurance privée, suscitant des critiques pour son manque de constance. Mais celles-ci sont plus virulentes lorsqu’il s’agit de financement de campagne. La Sénatrice avait promis de ne pas accepter d'argent de Wall Street, mais a fini par accepter des fonds pour sa campagne présidentielle. Ses positions sur l'immigration ont également changé, notamment en ce qui concerne la décriminalisation des entrées illégales aux États-Unis.  

Harris démissionne en janvier 2021 de son siège, après son élection comme vice-présidente de Joe Biden. Mais c’est la Maison Blanche qu’elle vise au début de la campagne démocrate. Considérée comme la favorite, elle n'hésite même pas à réprimander son rival, Joe Biden, pour son bilan de vice-président, histoire de gagner des points dans les sondages. Le candidat la lui rend bien, lui rappelant son bilan en tant que procureur à San Francisco et en Californie, particulièrement ses poursuites liées à la marijuana ainsi que le blocage de tests ADN de condamnés à mort. Elle chute dans les sondages et se retire, “par manque de fonds”.  

Candidate par défaut ...  

Elle est néanmoins choisie par Biden comme colistière et candidate à la vice-présidence en août 2020. Kamala Harris ne dévoilera pas un visage différent de celui de la procureure et de la sénatrice. Les critiques pleuvent sur ses performances. Elle ne réussit pas à s'imposer sur des dossiers clés et manque d’influence sur les politiques de l'administration Biden. Peu visible et considéré comme ayant peu d’impact, on rapporte des problèmes de gestion du personnel et un taux de rotation élevé parmi ses collaborateurs.  

Ses sorties médiatiques ne jouent pas en sa faveur, et Kamala Harris se voit reprocher des déclarations maladroites ou des interventions peu préparées. Sa gestion des frontières et de l’épineux dossier de l’immigration a fini par provoquer une crise majeure entre plusieurs États frontaliers et républicains, avec le gouvernement fédéral, qui s’est manifestée par un bras de fer de plusieurs mois au Congrès. Autant de lacunes qui ont alimenté les doutes sur sa capacité à assumer des responsabilités présidentielles.  

Mais la voici finalement, candidate à la Maison Blanche après le retrait de Joe Biden dépassé par sa santé dégradante, ses trous de mémoire et les appels des démocrates à abandonner la course. Pour les démocrates, faute de grives, même séniles, on mange des merles. Faute d’alternatives et dans un souci de continuité de l’administration Biden, leur choix s’abat sur Kamala. Elle reçoit très vite le soutien des siens et des figures importantes du parti. A cela s’ajoute sa capacité à drainer les dons de Wall Street et à redynamiser une campagne à la traine.  

Ainsi, l'ascension politique de Kamala Harris illustre un parcours marqué par l'opportunisme, les contradictions et les controverses. Propulsée par ses relations intimes, elle se retrouve aujourd'hui à la tête du ticket démocrate par défaut. Comble du cynisme et de l’ironie, celle qui a bâti sa carrière sur des condamnations à outrances et de l’inconsistance politique, se présente désormais comme le visage de la continuité et du changement. Reste à savoir si les électeurs américains, face à ce parcours controversé, choisiront de tourner la page Biden en confiant les clés de la Maison Blanche à sa controversée vice-présidente, ou s'ils préféreront chercher ailleurs un nouveau chapitre pour leur nation... 

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