Dieudonné en garde à vue : deux poids deux mesures à la liberté d'expression ?
"Sachez que ce soir je me sens Charlie Coulibaly". Dans un texte publié dimanche 12, et effacé depuis, sur son compte Facebook, l'humoriste polémique et policitien Dieudonné a lancé cette phrase en référence à Charlie Hebdo et à Amedy Coulibaly, le terroriste responsable du meurtre d'une policière à Montrouge et de la mort de quatre Français juifs porte de Vincennes, à Paris.
Dès le lendemain, la justice a annoncé qu'elle lançait une enquête pour "apologie du terrorisme" suite à ces propos. Dieudonné, placé en garde à vue dans le cadre de cette affaire ce mercredi matin, estime qu'il s'agit de sa liberté d'expression et se pose en victime d'une cabale organisée par le gouvernement. "Je suis considéré comme l'ennemi public numéro-1, alors que je ne cherche qu'à faire rire", juge-t-il dans une lettre adressée au ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. "L'Etat cherche à m'éliminer par tous les moyens (…), on cherche un prétexte pour m'interdire", assure ainsi le comédien controversé. Comment? Par des "procédures judiciaires", nombreuses, selon lui.
Il est vrai que le comédien polémique a eu maille à partir à de nombreuses reprises avec la justice ces dernières années, et ce bien avant l'arrivée de Bernard Cazeneuve au ministère de l'Intérieur. Pour autant, dans le cadre des affaires touchant à sa liberté d'expression, il n'a pas toujours été à condamné par la justice. Quelques exemples.
> "Isra-Heil"
1er décembre 2003. Sur le plateau d'On ne peut pas plaire à tout le monde, Dieudonné, affublé d'une kippa, d'un chapeau juif orthodoxe et d'une veste de camouflage, le visage masqué par une cagoule, joue un sketch dans lequel il évoque notamment le "fondamentalisme sioniste". Il choque surtout en clôturant son sketch par un "Isra-heil" (contraction de "Israël" et de "Heil Hitler") lancé en effectuant un salut nazi. Poursuivi par des associations, Dieudonné est relaxé en première instance (en 2004), en appel (2005) et enfin en cassation (2007). Les juges ont estimé que ses propos restaient dans le registre de l'humour.
> "Les Juifs, c’est une secte"
Les propos datent de 2002, mais ce n'est que cinq ans plus tard que la justice tranche. En février 2007, la Cour de cassation annule la relaxe de Dieudonné et le condamne pour "injure publique raciale". "Pour moi, les Juifs, c’est une secte, une escroquerie", avait-t-il déclaré à un hebdomadaire local de Lyon.
> La Shoah, de la "pornographie mémorielle"
Lors d'une conférence de presse, en février 2005, Dieudonné avait dénoncé le "lobby sioniste" et estimé que "les autorités sionistes (…) ont déclaré la guerre au monde noir". Il avait également comparé les commémorations de la Shoah à de la "pornographie mémorielle". Pour ces propos, la justice le reconnaît coupable de "diffamation publique à caractère racial", en septembre 2007.
> Les Juifs, des "négriers"
En novembre 2007, le polémiste est condamné pour "provocation et incitation à la haine raciale" pour avoir comparé les "Juifs" à des "négriers" dans les colonnes du Journal du Dimanche, en 2004.
> Le film L'Antisémite, de l'humour avant tout
Saisie par une association, la justice refuse d'interdire le film de Dieudonné L'Antisémite, en avril 2012. Si le juge a consenti que "la plupart des images et propos peuvent être ressentis comme particulièrement choquants et provocateurs", il n'a pas retenu les accusations de négationnisme, arguant du fait qu'il s'agissait d'une œuvre se présentant avant tout comme humoristique.
> Contestation de crimes contre l'humanité
La justice oblige, en février 2014, Dieudonné à retirer d'Internet deux séquences de sa vidéo 2014 sera l'année de la quenelle. Dans cette affaire, il est condamné pour "contestation de crimes contre l'humanité, diffamation raciale, provocation à la haine raciale et injure publique".
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