Jungle de Calais : après le départ des Soudanais, celui des Afghans
Après les Soudanais lundi 24, mardi 25 sera-t-elle la journée des Afghans? Dans la "Jungle" en cours de démantèlement, les habitants du bidonville croisés lundi soir expliquaient pourquoi ils avaient préféré rester à l'écart des premiers cars quittant Calais. En cause, mais pas seulement, une méfiance entre communautés. "On m'a dit que les bus ne prenaient que des Soudanais", "il paraît qu'il y a cinq heures d'attente", "il y a une chance pour le Royaume-Uni?" Pour dissiper les malentendus sur ces questions (la réponse étant un triple "non"), les salariés de l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration) réexpliquent les modalités de cette vaste opération visant à évacuer l'intégralité des migrants de la zone.
"Je viendrai demain", promettait lundi un homme à l'entrée du bidonville, avant de lancer l'explication qui revient chez plusieurs d'entre eux: "Aujourd'hui, c'était pour les Soudanais". Et selon un bon observateur du campement, "ils avaient décidé de ne pas se mélanger". "C'est comme ça que ça marche, les gens veulent rester en groupe. Hier c'était les Soudanais", confirme Kahim, un ressortissant afghan. Plusieurs incidents sérieux ont mis aux prises les deux communautés ces derniers mois. De fait, "on a vu surtout des Soudanais", en cette première journée de démantèlement, confirme Sophie Kapusciak, directrice territoriale de l'Ofii du Nord-Pas de Calais. Un empressement prévisible: généralement peu fortunés, les Soudanais n'ont pas les moyens de rémunérer un passeur et ont souvent abandonné leur rêve de Grande-Bretagne.
L'absence des Afghans, en revanche, a contribué à raréfier dans l'après-midi le flux des arrivées devant le hangar de transit. Au point que vers 16 heures, les forces de l'ordre campaient devant un groupe clairsemé, là où il avait fallu gérer les bousculades dans la matinée. "Ils sont plus exigeants, ils voulaient peut-être s'assurer qu'effectivement l'annonce du démantèlement était vraie", estime Mme Kapusciak, qui a lancé une maraude impromptue d'information dans la "Jungle" en fin de journée. "On a encore dix bus. Vous pouvez partir ce soir", lance une salariée de l'Ofii en parlant de la journée de lundi. L'homme à vélo secoue la tête: "Et demain? je préfère demain" mardi. "La Jungle c'est fini, venez demain prendre le bus", affirme une autre. "Je veux rentrer en Afghanistan!", répond son interlocuteur, installé autour d'un feu de bois, avant de demander, méfiant: "Ils partent où, ces bus?" D'autres expliquent qu'ils sont prêts a venir mais... pas avant 10h00.
Papiers à moitié calcinés par terre, cabanes éventrées dont les planches servent à allumer des braseros... Malgré la musique qui s'échappe à fond d'un lecteur de CD et la danse improvisée autour d'un feu de bois, une tension feutrée règne dans la rue aux commerces fermés. Les mêmes questions reviennent en boucle chez les jeunes hommes abordés. "J'ai mes empreintes en Italie, que va-t-il se passer pour moi?" "J'ai un rendez-vous de prévu, est-ce que je dois y aller?" Les maraudeurs réexpliquent le processus mis en place pour convaincre les migrants de quitter d'eux-mêmes Calais. "Si vous voulez être un groupe de 10 personnes, vous pouvez rester ensemble" ; "vos dossiers seront transférés"; "si vous êtes malades, vous pourrez aller dans un endroit près d'un hôpital..." Bilan, à la sortie de la maraude: "Beaucoup n'y croient pas", estime Mme Kapusciak. "Mais demain ils vont comprendre, avec le début du déblayage, que c'est vrai". Cependant, à 10h30 ce mardi, les premières opérations de nettoyage n'avaient toujours pas commencé.
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