Le lanceur d'alerte de chez Boeing retrouvé mort
Ça se corse de plus en plus pour Boeing. Un ancien employé de l’avionneur américain, John Barnett, lanceur d’alerte qui témoignait contre l’entreprise, a été retrouvé mort samedi dernier dans son camion dans le parking d’un hôtel où il résidait en Caroline du Sud. Cet ancien responsable de chez Boeing se trouvait à Charleston dans le cadre d’une action en justice qu’il intentait contre son ex-employeur, après son départ à la retraite en 2017. Il avait révélé, en 2019, que l’avionneur utilisait des pièces défectueuses dans l’assemblage “à la hâte” de son 787 Dreamliner, qui faisait l’objet d’un nombre important de commandes. Sa mort survient au moment où Boeing traverse une zone de turbulences, entre incidents répétés, plaintes et audits défavorables.
Les Boeing 787 Dreamliner, dont le lancement avait été annoncé en 2007, ont enregistré un succès retentissant, malgré les retards en raison de problèmes techniques. L’une des usines de l’avionneur se situait en Caroline du Sud, où travaillait John Barnett. En janvier 2013, un des appareils, acquis par la compagnie All Nippon Airways est endommagé par un incendie dû à un problème de batterie au lithium. Suite à cet incident, le constructeur américain a mis la pression sur son usine pour ne pas laisser la concurrence prendre le large.
Retrouvé mort le jour de son audition
L'ancien responsable de la sécurité, John Barnett a travaillé pour Boeing pendant 32 ans, jusqu’à sa retraite en 2017. En 2019, il a révélé à la presse, dont la BBC et le New York Times, que des pièces défaillantes étaient utilisées dans l’assemblage du Dreamliner afin de maintenir le rythme de production et répondre à la demande. Il a affirmé avoir observé d’anciens collègues récupérer des “pièces de poubelles” pour les installer sur les appareils.
“Je n'ai pas encore vu d'avion au départ de Charleston sur lequel j'aurais apposé mon nom pour dire qu'il est sûr et en état de navigabilité”, déclarait-il en 2019 au NYT. Les défaillances concernaient également les masques à oxygène. Des tests effectués sur les systèmes d’oxygène d’urgence qui devaient équiper le 787 révélaient un taux de dysfonctionnement de 25%. En janvier 2024, il enfonçait le clou en révélant que les inspecteurs ne disposaient que de deux heures pour analyser un appareil, une durée insuffisante pour garantir sa qualité.
Le démenti de Boeing a vite été écarté par un examen du régulateur américain, la Federal Aviation Administration (FAA), qui a confirmé, en 2017, les déclarations du lanceur d’alerte. La même année de son départ à la retraite, John Barnett a intenté une action en justice contre son employeur, l’accusant de dénigrement et d'entrave à sa carrière pour avoir exprimé ses réserves.
Il a été retrouvé mort samedi 9 mars, des suites de blessures vraisemblablement “auto-infligées”. Il a été retrouvé dans son camion, dans le parking d’un hôtel situé à Charleston, en Caroline du Sud. Il y était présent dans le cadre de son affaire. Après avoir été interrogé par les avocats de Boeing, il devait à nouveau être entendu ce jour-là. C’est son absence qui a suscité les soupçons.
Les déboires s’accumulent pour Boeing
Selon le bureau du coroner (médecin, avocat, notaire ou tout autre fonctionnaire nommé par le gouvernement, NDLR) de l’État américain où il se trouvait, il aurait lui-même mis fin à ses jours. L’enquête se poursuit pour déterminer les circonstances de son décès, qui soulève quelques suspicions compte tenu du contexte.
Boeing a exprimé dans un communiqué sa “tristesse”, adressant ses pensées “à sa famille et à ses amis”. Le constructeur traverse actuellement une zone de turbulences, en raison d'une nouvelle série d'enquêtes à la suite de plusieurs incidents sur ses avions de ligne survenus depuis janvier. Le plus récent date du mardi 12 mars et concerne un vol reliant la Nouvelle-Zélande à l’Australie. L’appareil a soudainement perdu de l'altitude.
En janvier, un Dreamliner 787 de la compagnie Alaska Airlines a perdu une porte de la soute en plein vol, obligeant les pilotes à atterrir en urgence. La FAA a donné 90 jours à Boeing pour établir un plan et résoudre “des problèmes systémiques de contrôle qualité”. Un audit a révélé des manquements dans le contrôle produit, confirmant les alertes de John Barnett.
L’agence américaine de sécurité des transports (NTSB) a regretté mercredi dernier que Boeing ne soit pas “assez coopératif” dans l'enquête sur l'incident survenu à bord du vol d’Alaska Airlines. Le rapport préliminaire a révélé que quatre boulons, devant bloquer la porte, étaient manquants. Un autre Boeing, un 737-800 cette fois-ci, s’est posé le 1er mars dernier à l’aéroport de Portland (Oregon) avec la porte de sa soute accueillant les animaux partiellement ouverte. Les déboires ne s’arrêtent pas là et des passagers ont déposé plusieurs plaintes contre l’avionneur.
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