Les sous-marins vendus à la Malaisie refont surface devant la justice française

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 29 janvier 2016 - 15:50
Image
Le sous-marin nucléaire français Le Vigilant à l’île Longue.
Crédits
©François Mori/Reuters
Le doute sur la corruption plane sur les sous-marins français vendus à la Malaisie en 2002.
©François Mori/Reuters
Une première mise en examen a été prononcée contre l'ancien patron d'une filiale internationale de Thalès, soupçonné d'avoir corrompu l'actuel Premier ministre malaisien, après une vente de sous-marins français en 2002.

L'affaire des sous-marins français vendus à la Malaisie en 2002 refait surface devant la justice: une première mise en examen a été prononcée contre l'ancien patron d'une filiale internationale de Thalès, soupçonné d'avoir corrompu l'actuel Premier ministre malaisien. Bernard Baiocco, 72 ans, ex-président de Thalès International Asia (Thint Asia), a été mis en examen le 15 décembre pour "corruption active d'agents publics étrangers sur les personnes de Najib Razak", à l'époque ministre de la Défense, et d'un de ses conseillers, Abdul Razak Baginda, ont indiqué mercredi 27 janvier à l'AFP des sources judiciaire et proches du dossier.

Après 48 heures de garde à vue, l'ancien patron de Thint Asia, associée à la Direction des constructions navales (DCN) pour cette vente, a aussi été mis en examen pour complicité d'abus de biens sociaux, ont précisé les sources, confirmant une information révélée par Challenges. Une plainte de l'ONG malaisienne anticorruption Suaram avait déclenché une enquête préliminaire, puis une information judiciaire ouverte en 2012. Des perquisitions chez Thalès et DCNS (ex-DCN) avaient permis la saisie de nombreux documents.

"C'est une étape importante et encourageante", a réagi l'avocat de l'ONG, William Bourdon, contacté par l'AFP. "Les juges français démontrent, même si l'enquête est longue, leur capacité à décortiquer les mécanismes de corruption complexes. A certains égards, l'enquête ne fait que commencer", a-t-il déclaré. Au cœur du dossier, qui rappelle l'affaire Karachi sur des ventes d'armes au Pakistan et à l'Arabie Saoudite: la vente en 2002, après plusieurs années de négociations, de deux sous-marins Scorpène et d'un sous-marin Agosta à la Malaisie pour près d'un milliard d'euros. A l'époque, les normes internationales sur la rémunération des consultants avaient été durcies.

Les juges s'intéressent justement à des contrats de ce type, passés en marge de la négociation et qu'ils soupçonnent d'avoir été utilisés pour verser des pots-de-vin. L'un d'eux, baptisé "C5 ingénierie commerciale", prévoyait le versement par la DCNI, filiale de la DCN, de 30 millions d'euros à Thalès International Asia, au titre de frais commerciaux à l'exportation (FCE). Or, l'enquête montre qu'une autre société, Terasasi, dont l'actionnaire principal était le conseiller du ministre de la Défense Najib Razak, a touché à peu près la même somme pour des consultations. Les enquêteurs soupçonnent ces consultations de n'être qu'un paravent pour les pots-de-vin. Pour l'avocat de Bernard Baiocco, Maître Jean-Yves Le Borgne, la mise en examen de son client repose sur "une acrobatie juridique", car "rien ne démontre" que l'ancien ministre avait reçu des fonds et que son conseiller doit être considéré comme un "agent commercial", donc en dehors du champ de la corruption d'agent public.

Un autre contrat, prévoyant le versement par la Malaisie à une société locale, Perimekar, de 114 millions d'euros, intéresse les juges mais il pourrait échapper à l'enquête, car les faits ne se seraient pas déroulés en France. La polémique avait été alimentée par l'assassinat en octobre 2006 d'une interprète et intermédiaire mongole, Altantuya Shaariibuu, qui avait participé aux négociations. Âgée de 28 ans, cette mannequin avait été tuée par balles et son corps pulvérisé à l'explosif, dans la jungle près de Kuala-Lumpur.

Selon le témoignage d'un détective privé malaisien versé au dossier, cette femme, qui était la maîtresse d'Abdul Razak Baginda, le harcelait pour récupérer les commissions qui lui avaient été promises. Deux policiers ont été condamnés à mort pour ce meurtre. Najib Razak est aux prises avec un autre scandale dans son pays, après les révélations sur le versement de près de 700 millions de dollars (635 millions d'euros) sur ses comptes personnels. L'opposition, qui réclame le départ du Premier ministre, y voit un lien avec la déconfiture d'une société publique. Le procureur général, Mohammed Apandi Ali, a affirmé mardi 26 janvier qu'il s'agissait d'un don de la famille royale saoudienne, démentant l'hypothèse d'une corruption.

 

À LIRE AUSSI

Image
Des déchets au fond de la mer.
Marseille : le Vieux-Port, vaste décharge sous-marine (VIDEO)
Dans le cadre d’une opération visant à attirer l’attention sur le sort de la Méditerranée, l’ONG Sea Shepherd a filmé le fond du Vieux-Port de Marseille, envahi par de...
13 août 2015 - 11:32
Société

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
ARA
Décès de ARA, Alain Renaudin, dessinateur de France-Soir
Il était avant toute chose notre ami… avant même d’être ce joyeux gribouilleur comme je l’appelais, qui avec ce talent magnifique croquait à la demande l’actualité, ou...
07 novembre 2024 - 22:25
Portraits
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.