Magistrats, avocats et fonctionnaires lancent "l'appel de Bobigny"
Dix mille affaires familiales en attente, six ans pour que des trafiquants d'héroïne soient jugés: magistrats, avocats et fonctionnaires de Bobigny (Seine-Saint-Denis) ont lancé lundi un "appel" au gouvernement pour qu'il ne laisse pas le deuxième tribunal de France "couler".
Dans la grand salle de la cour d'assises, comble, les représentants de tous les métiers de cette juridiction, réunis pour la première fois, ont livré lors d'une conférence de presse le récit édifiant de la façon dont est rendue la justice en Seine-Saint-Denis, où une famille sur trois vit sous le seuil de pauvreté.
Des greffiers qui doivent acheter eux-mêmes leurs stylos, des juges qui revendiquent de prononcer des jugements "illégaux" car hors des délais raisonnables ou rendus sans la présence d'un greffier, des procès qui se déroulent dans des salles aux températures polaires: la situation est "dramatique", "indigne", "intenable", ont-ils dit à tour de rôle.
En décembre, le tribunal de grande instance de Bobigny avait décidé de supprimer 20% de ses audiences, toutes chambres confondues, en raison du manque de magistrats. Au 1er janvier, il lui manquait 24 juges à temps plein sur les 124 postes prévus, et 44 procureurs pour un effectif théorique de 53.
Pour la juge Corinne Goetzmann, "dans ce département, l'Etat a abandonné sa mission". "Nous demandons des moyens immédiats", a-t-elle lancé. "Nous ne laisserons pas couler le paquebot", a quant à lui prévenu le bâtonnier Stéphane Campana, qui en "appelle à la chancellerie" et "espère que, dans la prochaine loi de finances, l'appel de Bobigny sera entendu".
Le barreau de Seine-Saint-Denis a d'ailleurs décidé la semaine dernière d'attaquer l'État en "déni de justice" compte tenu des délais devenus "insupportables". Les avocats ont convenu "d'engager une action en responsabilité de l'État" en rassemblant d'ici le 8 mars des dizaines d'assignations au nom de leurs clients les plus lésés par l'allongement de ces délais, en particulier dans les affaires familiales.
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