Pédophilie : le cardinal Barbarin fragilisé après les déclarations du pape
Le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, suspecté de n'avoir pas réagi assez tôt à une affaire de pédophilie ancienne, se trouve fragilisé par des déclarations du pape François estimant qu'une démission était l'attitude appropriée dans une telle situation. "Un évêque qui change de paroisse un prêtre alors qu'il sait qu'il est pédophile est un inconscient et la meilleure chose qu'il puisse faire est de présenter sa démission", a dit jeudi 18 février le souverain pontife dans l'avion qui le ramenait du Mexique à Rome.
Le pape n'était pas interrogé sur l'affaire lyonnaise mais sur un scandale survenu au Mexique. Il n'a pas mentionné l'archevêque de Lyon. Mais l'allusion est claire pour les victimes car le déplacement du prêtre incriminé avait été précisément la réponse apportée par la hiérarchie religieuse aux agissements du père Bernard Preynat. "Même si la formulation n'est pas tout à fait directe et que le nom du cardinal n'est pas mentionné, il est difficile de ne pas reconnaître qui est visé", a dit Bertrand Virieux, secrétaire de l'association "La Parole libérée", qui rassemble d'anciennes victimes du prêtre.
Le porte-parole des victimes a exprimé son "soulagement d'avoir été écouté" par le pape, auquel l'association avait adressé il y a peu une lettre ouverte. Dans l'entourage du cardinal, on souligne au contraire que "cette phrase ne vise en aucune façon Monseigneur Barbarin qui a justement suspendu le père Preynat après avoir rencontré une première victime et avoir pris l'avis de Rome, et ce, avant même qu’une première plainte ne soit déposée".
Rien ne dit que le pape ait été informé de cette affaire, ajoute-t-on du côté de la Conférence des évêques de France. Soupçonné d'agressions sexuelles contre de jeunes scouts il y a plus de 25 ans, le père Preynat, aujourd'hui septuagénaire, a été mis en examen fin janvier. Il fait l'objet d'une information judiciaire ouverte pour "agressions sexuelles et viols sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité" concernant quatre victimes "pour des faits susceptibles de s'étaler de 1986 à fin 1991".
Il y a dix jours, le cardinal Barbarin avait reconnu dans un entretien avec le quotidien La Croix avoir été mis au cours des "comportements" du père Preynat dès 2007-2008. Il revenait ainsi sur un communiqué de son diocèse publié le 12 janvier affirmant que les premiers témoignages au sujet de ce prêtre avaient été reçus "à l'été 2014". Selon son avocat, le père Preynat a déclaré devant le juge "que les faits étaient connus par les autorités ecclésiastiques depuis 1991", date à laquelle il avait été écarté du groupe scout indépendant qu'il encadrait depuis près de 20 ans.
Philippe Barbarin, 65 ans, primat des Gaules depuis 2002, est l'une des figures les plus éminentes du catholicisme français. Très engagé en faveur des chrétiens d'Orient, mais aussi du dialogue interreligieux, il avait été en pointe dans l'opposition au mariage pour tous, ce qui lui vaut une grande popularité dans les courants conservateurs. Mais "Monseigneur 100.000 volts" -son surnom- séduit au-delà de ces cercles par son énergie joyeuse et ses talents d'évangélisateur.
Sur le site de la revue France Catholique, l'essayiste Gérard Leclerc qualifie de "lynchage" le traitement médiatique de l'affaire Preynat, en soulignant l'"extrême rigueur" de l'archevêque "dans un domaine où il n'a jamais transigé". Le cardinal Barbarin se trouve actuellement en Afrique et ne devrait être de retour à Lyon qu'en fin de la semaine prochaine.
"L'archevêque de Paris (le cardinal André Vingt-Trois) aura 75 ans (l'âge de la retraite canonique, NDLR), l'an prochain et il faudra pourvoir à son remplacement. Paris plus Lyon en même temps, ça fait beaucoup! Je ne pense pas qu'on se précipite, dans l'Eglise, à demander la démission du cardinal Barbarin", confie à l'AFP l'historien des religions Odon Vallet.
Mais cette affaire est embarrassante pour l'épiscopat français, qui a mené un grand travail sur la prévention de la pédophilie dans le clergé depuis la condamnation de l'évêque Pierre Pican en 2001 pour non dénonciation des viols sur mineurs commis par un prêtre, René Bissey.
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