Syrie : la solitude grandissante des personnes âgées après des années de guerre

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 18 janvier 2017 - 14:38
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©Louai Beshara/AFP
Naz Ashiti contemple les photographies de ses filles exilées depuis des années en raison de la guerre.
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Seule dans sa petite chambre d'une maison de retraite surpeuplée de Damas, Naz Ashiti contemple les photographies de ses filles exilées depuis des années en raison de la guerre, s'attardant sur chaque trait de ces visages aimés.

Placer ses parents âgés dans une maison de retraite était jadis inconcevable pour la plupart des Syriens car c'était une honte de ne pas s'occuper de ses parents âgés. Mais six ans de guerre ont déchiré les familles, contraignant nombre d'entre elles à cette option. "Je suis venue ici parce que ma maison a été détruite et mes enfants sont tous exilés dans des pays différents", explique Naz Ashiti, une femme de 85 ans originaire de Douma.

Cette ville proche de Damas est tenue par les rebelles opposés au président syrien Bachar al-Assad mais assiégée par les forces du régime depuis 2012.

Issue d'une famille autrefois aisée, Naz Ashiti a dû fuir sa ville, devenant l'une des 140 locataires de Dar al-Saada (La maison du bonheur), l'une des plus grandes maisons de retraite de Damas. Ses trois filles habitent désormais en Jordanie, en Allemagne et au Kurdistan irakien. Chaque jour, Naz Ashiti lit ou écrit dans son journal intime, en attendant l'appel d'un de ses enfants.

Quand il y a de l'électricité, elle regarde la télévision dans sa chambre, espérant entendre de bonnes nouvelles de Douma ou des pays où habitent ses filles. "On vivait dignement dans notre maison. Ici, le service est excellent, c'est chaleureux, mais aujourd'hui je me sens humiliée par ma solitude", confie-t-elle à l'AFP. "Je n'avais jamais pensé passer le restant de ma vie à regarder des photos de mes enfants en pensant à combien ils me manquent."

Les résidents de Dar al-Saada paient un tarif mensuel d'environ 110 euros pour avoir accès aux repas, aux soins et à un lit dans une chambre partagée avec deux autres personnes. Chacune est équipée d'une télévision, d'une petite table et d'un radiateur électrique. Un des quatre étages de la maison de retraite est réservé aux résidents indigents. Avant le début de la guerre en 2011, la maison de retraite était quasiment pleine, mais elle ne recevait qu'une à deux demandes d'admission par mois.

Mais depuis la guerre --qui a fait plus de 310.000 morts depuis 2011-- des Syriens âgés et sans famille affluent et les demandes d'admission sont quotidiennes, explique la directrice générale de 82 ans, Lamis al-Haffar, qui a aidé à fonder la maison il y a 25 ans. Malgré son âge, Mme Haffar parcourt le lieu avec son déambulateur pour veiller au moindre détail, vérifiant même la quantité de sel dans le ragoût.

"A cause des problèmes en Syrie, beaucoup de jeunes ont été contraints de fuir et de laisser leurs parents qui sont restés seuls, incapables de subvenir à leurs besoins", explique-t-elle. "Chaque fois qu'un nouveau lit se libère, je me sens triste et heureuse à la fois -- je sais qu'une personne nous a quittés, mais je suis contente parce que ce lit sera un refuge pour quelqu'un qui en a vraiment besoin", ajoute Mme Haffar. "Obtenir un lit ici est devenu l'un des derniers rêves pour beaucoup de personnes âgées."

La maison, située dans la partie ouest de Damas, accueille les visiteurs, mais la quasi-totalité des locataires n'ont plus de nouvelles de leurs enfants. Hassania, 75 ans, distribue de petites friandises à ses amis à Dar al-Saada et leur demande de prier pour son fils, Ahmed, tué près de Damas en 2012.

"Je dépendais d'Ahmed pour tout. Je n'aurais jamais pensé que le jour viendrait où il serait mort, me laissant seule", admet-elle. Attablée près d'elle, Hamida al-Haddad murmure des versets du Coran, son chapelet à la main. Elle n'a pas vu ses enfants depuis deux ans car ils sont restés dans la ville assiégée de Madaya, à 40 kilomètres de Damas.

"J'étais malade et mon fils m'a conduit à l'hôpital à Damas deux jours avant la fermeture de la route", explique cette femme de 85 ans. "Quand j'ai voulu rentrer, la route était fermée et j'ai dormi dans la rue avant qu'un jeune homme ne m'accompagne à Dar al-Saada." Elle tourne les yeux vers la fenêtre, tentant de cacher ses larmes. "La guerre m'a séparé de mes enfants et de mes petits-enfants et je sens que je vais mourir avant de pouvoir les revoir", ajoute-t-elle.

 

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