Le coronavirus a-t-il accéléré la e-santé et la télémédecine ?
La crise sanitaire a été un galop d'essai pour les consultations médicales en ligne, mais cette tendance va-t-elle durer? Les Français ont-ils été convaincus par la télémédecine, les consultations en visioconférence ou par téléphone? Les défis à relever pour pérenniser l'usage et la généralisation de la télémédecine sont nombreux, et son utilité, pour résorber les déserts médicaux par exemple, reste à prouver. Alors, la télémédecine va-t-elle s'imposer? Le débat est lancé.
Les consultations à distance, plus utiles que jamais
Pendant le confinement, la télémédecine a permis à de nombreuses personnes confinées de consulter un professionnel de santé à distance, et cela a eu un rôle fondamental dans la lutte contre la propagation du virus. D'un côté, ce type de consultation a permis de désengorger les services hospitaliers en exerçant un premier tri entre les fausses alertes et les malades potentiels, de soigner les personnes infectées par le coronavirus qui n’avaient pas besoin d'hospitalisation; d'un autre côté, cela a permis d'éviter les contacts physiques en protégeant les soignants et les personnes âgées ou atteintes de maladies chroniques.
Quels freins à l'implantation de la télémédecine?
Pendant la crise sanitaire, les contraintes réglementaires qui limitent l'usage de la téléconsultation ont été levées. Le décret du 10 mars a permis notamment le remboursement du patient dès la première consultation avec un médecin, qu’il s’agisse du médecin traitant ou non.
Conséquence, alors qu’entre septembre 2018 et décembre 2019 seulement 138 000 téléconsultations ont été remboursées, entre le 6 et le 12 avril 2020, l'Assurance maladie a remboursé plus d'un million de téléconsultations médicales.
Cependant, les professionnels n’étaient pas forcement équipés d’outils de visioconférence et de dispositifs médicaux connectés pour assurer des téléconsultations de qualité. Outre les équipements, les médecins ne sont pas formés aux démarches d’une consultation virtuelle.
Selon une enquête publiée en 2019 , 90 % des étudiants en médecine n’étaient pas formés à la télémédecine en première année (appelée PACES, commune à tous les étudiants en santé) et seuls 20 % des internes étaient formés à cette nouvelle forme d'exercice de la médecine.
L'explosion de la télémédecine ne vas pas forcément résoudre le problème des déserts médicaux
Les médecins ont pu faire passer des consultations, soit par téléphone pour le public le moins connecté, soit en utilisant des services de messagerie comme Whatsapp ou Skype, mais c’est le service Doctolib qui reste le premier acteur de la téléconsultation en France.
Avant l'épidémie de Covid-19, Doctolib équipait 3 500 praticiens de son service de téléconsultation, dont une majorité de médecins généralistes. Pendant le confinement (entre janvier 2019 et mars 2020), 180000 téléconsultations ont été réalisées via Doctolib et prises en charge par l'Assurance maladie.
Au niveau global en France, les consultations vidéo ont donc été multipliées par 100, avec 100000 téléconsultations réalisées par jour. Pour suivre ce développement exponentiel, la plateforme a mis son outil de visioconférence en accès libre. L'utilisation de la plateforme a cependant été très inégalement répartie sur le territoire. Un tiers des médecins inscrits sur Doctolib et équipés de leur solution de vidéoconsultation étaient basés en en Île-de-France. Et la moitié des téléconsultations via Doctolib depuis le début de l'épidémie, ont été faites depuis l’Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, alors que ces deux régions ne rassemblent que 30% des Français.
Pour certaines régions, la téléconsultation ne va pas solutionner le problème de la désertification médicale, notamment parce qu'il existe un besoin d'assistants médicaux pour réaliser les consultations.
Pour John Billard, maire du Favril et vice-président de l’Association des maires ruraux de France, qui a lancé une cabine de téléconsultation pour lutter contre les déserts médicaux la crise sanitaire a néanmoins “libéralisé la pratique et changé le regard sur la télémédecine”.
Outre la téléconsultation, la santé numérique au service de la prise en charge médicale permet d’autres usages: l'appropriation par le patient des données médicales, les chatbots qui fonctionnent comme des coachs de santé, les robots (qui prennent la température ou font des prélèvements), la prise de rendez-vous en ligne mais pas encore la prescription électronique, qui est aujourd'hui limitée à une image scannée de l'ordonnance papier transmise par les pharmaciens.
Selon un récent rapport de l'Institut Montaigne, la crise du Coronavirus pourrait être une occasion pour aller vers un modèle beaucoup plus innovant (en soutenant des entreprises innovantes en santé et en orientant les politique d'achat vers l'innovation) pour faire de la France un leader de la e-santé .
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.