Lockdown Files, partie 4 : les Britanniques ont-ils été "conditionnés" pour accepter de futures restrictions sanitaires comme le confinement ?
LOCKDOWN FILES - Afin d'accepter les mesures de confinement et de distanciation sociale, en cas de nouvelles pandémies, le peuple britannique a été conditionné : selon le professeur David Halpern, psychologue et directeur de la Behavioural Insights Team, une équipe d'analyse comportementale nommée par ses contempteurs la nudge unit (1), les citoyens du Royaume-Uni recommenceraient "assez rapidement" à porter des masques, à se confiner et travailler chez eux à l'annonce d'un nouveau virus pandémique. Interviewé par The Telegraph, dans le cadre des Lockdown Files, le professeur Halpern a fait partie du SAGE, le Scientific Advisory Group for Emergencies, soit le Conseil scientifique britannique chargé d'élaborer les réponses sanitaires à la Covid-19. Il détaille les "méthodes" qui ont été utilisées pour "persuader" la population de se confirmer aux règles édictées, affirmant qu'il est possible de "réactiver" certains comportements. Des méthodes qui ont déjà suscité de nombreuses réactions chez des députés, des médecins et des scientifiques, qui se sont interrogés sur la moralité de recourir à de telles stratégies de manipulation psychologique.
Dévoilés en mars 2023, les "Lockdown Files" (les dossiers du confinement) font référence à plus de 100.000 messages WhatsApp échangés au cœur du pouvoir britannique et obtenus grâce à la journaliste Isabel Oakeshott. Ces messages ont fait l’objet d’investigations de la part du The Telegraph. En plus d’une série de nombreux articles portant sur les coulisses des principales décisions des autorités dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus, comme la vaccination, le port du masque ou le confinement, le média britannique a lancé un podcast pour y poursuivre ses révélations.
"Il suffit de réactiver le comportement"
Le Pr David Halpern a été l’invité de ce podcast le jeudi 6 juillet 2023 dernier. À la tête d'une équipe chargée de l'analyse comportementale (Behavioural Insights Team), connue sous le nom de nudge unit (en référence à la théorie comportementale du nudge), ce psychologue a affirmé que la population accepterait "beaucoup plus facilement" de nouvelles restrictions sanitaires grâce à son expérience antérieure, durant la pandémie du Covid.
D'après lui, les Britanniques ont été "conditionnés" (drilled (2) dans la version originale) pour se conformer à des mesures de confinement ou de port de masque, à travers des techniques particulières de la nudge unit. "Il suffit de réactiver le comportement", insiste-t-il.
L'unité chargée de l'analyse comportementale a été sollicitée par Matt Hancock, le secrétaire d’État à la Santé anglais, au début de la pandémie. L'équipe, dirigée par David Halpern, devait apporter son "expertise comportementale" contre un contrat d’un million de livres sterling, selon The Telegraph.
La nudge unit est derrière de nombreuses campagnes de sensibilisation utilisant des visuels et des slogans pour "inciter" au respect des règles sanitaires à travers le "renforcement de nouveaux comportements".
Dans ce podcast des LockDown Files, le psychologue en dit un peu plus à propos de la stratégie de son équipe de "comportementalistes". Il explique que les affiches sur le port du masque "agissaient comme des 'stimuli visuels'". "Lorsque vous entrez dans un magasin, cela vous sert de rappel ou de signal en agissant comme un déclencheur du comportement", explique-t-il. Les personnes qui ne portent pas le masque se sentent ainsi "dénudés". "En d’autres termes, vous vous direz 'Oh mon Dieu, je n’ai pas mon masque'. Vous vous sentez nu", poursuit-il.
David Halpern affirme qu’une fois que le public a adopté un nouveau comportement, "vous pouvez le réactiver, en principe. Vous avez le début, en particulier, de ce qu'on appelle une boucle d'habitude: si cela s'est produit, alors vous devrez pouvoir le refaire". À ces méthodes s’ajoute l’impact des catastrophes majeures comme des pandémies, qui "laissent une trace durable sur la société", poursuit-il.
En se basant à partir de cette première expérience durant la pandémie de Covid, le Pr Halpern affirme, en cas de nouvelle pandémie, que les Britanniques "recommenceront à porter des masques assez rapidement s’ils sont persuadés" de le faire. D'après lui, la population est plus susceptible à se remettre au télétravail ou à se confiner du fait qu'elle a "déjà pratiqué l’exercice".
C’est même "beaucoup plus facilement" que les citoyens accepteront de futures restrictions. "Ils pourraient protester, (...) mais une fois que vous avez exercé ces [méthodes], ils sont susceptibles d’être à nouveau appliqués" à les reproduire. Il écarte, néanmoins, le recours à des stimuli basés sur la peur car, "en général, ils ne sont pas efficaces". Il cite l’exemple d'affiches, pour le moins controversées, dont la série a été intitulée "Pouvez-vous les regarder dans les yeux ?", montrant, en gros plan, les visages de personnes atteintes de Covid et placées sous assistance respiratoire.
Un problème "éthique" et "moral"
"Nous en savons beaucoup plus qu'auparavant. Nous avons pratiqué l'exercice et nous pourrions le refaire", insiste David Halpern. "Imaginez si cela se produit, non pas dans l'ensemble de la population, mais dans une zone, une ville. Vous leur dites qu’il est vraiment important de faire une telle chose [comme le port du masque ou le confinement]... Il est beaucoup plus facile d'imaginer que cette ville" et sa population appliquent les nouvelles mesures.
Le chef de la nudge unit a été invité après les déclarations de Matt Hancock selon lesquelles le Royaume-Uni "doit se préparer à des confinements plus larges, plus précoces et plus stricts pour faire face aux futures pandémies". Des propos qui étonnent, de la part de celui qui a dû démissionner du secrétariat d'État à la Santé outre-Manche en 2018 et qui est déjà mis en cause par les révélations des LockDown Files, à propos de son usage de la peur et du chantage pour imposer des confinements. Hancock va même jusqu'à regretter des "lacunes" dans la stratégie de lutte contre la pandémie de son gouvernement, comme le fait de ne pas avoir planifié les restrictions des libertés individuelles.
En 2022, le groupe, informel, de parlementaires multipartites (All-Party Parliamentary Groups - APPG) a demandé, par la voix de sa co-présidente, la députée conservatrice Esther McVey, une enquête sur le recours à la science comportementale. "Était-il éthique de déployer des stratégies psychologiques secrètes sur le peuple britannique?", s’est-elle interrogée.
En juillet de la même année, la Health Advisory & Recovery Team, un groupe de médecins, scientifiques, économistes, psychologues et autres experts universitaires britanniques réunis pour questionner les politiques de lutte contre la pandémie de Covid-19, ont aussi exprimé leur inquiétude quant à ces méthodes. "Notre point de vue est que l'utilisation de ces stratégies comportementales soulève de profondes questions morales", lit-on.
Sans oublier que les confinements, en eux-mêmes, n'ont pas montré scientifiquement d'efficacité réelle afin de lutter contre une épidémie liée à un virus respiratoire, selon plusieurs études. Ce type de mesures apparaît être à la source de dommages collatéraux (sanitaires et sociaux) envers la population très importants.
Notes :
(1) Le bureau du nugde. Le nudge, coup de pouce en français, est une méthode pour inciter une population à changer ses comportements et à faire certains choix sans la placer en apparence sous la contrainte, sans obligation, ni menace de sanction directe.
(2) Le mot est utilisé en psychologie, répétition méthodique d'une réponse physique ou mentale à des fins d'apprentissage. L'exercice peut être utilisé lorsque la matière à apprendre ne représente pas encore pour l'individu une entité intégrée ou cohérente sur le plan interne.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.