Lockdown Files : comment l’ancien secrétaire d’État à la Santé britannique Matt Hancock utilisait la peur et le chantage pour imposer de nouveaux confinements

Auteur(s)
Chloé Lommisan, France-Soir
Publié le 10 mars 2023 - 12:30
Image
Matt Hancock
Crédits
STEVE REIGATE / POOL / AFP
Matt Hancock, le secrétaire d'Etat à la Santé britannique.
STEVE REIGATE / POOL / AFP

#LOCKDOWNFILES - Dans un précédent article, France-Soir évoquait les premiers épisodes des Lockdown files. Ces 100 000 messages échangés au cœur du pouvoir britannique ont été obtenus grâce à la journaliste Isabel Oakeshott. Divulgués au fur et à mesure de leur investigation, dans les colonnes du Telegraph, depuis le 28 février 2023, ils offrent au grand public un éclairage unique quant aux choix et à la méthode opérés par l’exécutif anglais dans la gestion de l’épidémie de Sras-CoV 2. 

De nouveaux messages mis en exergue le 4 mars dernier révèlent un dialogue échangé le 13 décembre 2020 entre Matt Hancock, Secrétaire d’État à la Santé, et Damien Pool, l’un de ses conseillers ministériels à la communication.

Matt Hancock s’inquiète de la position du maire de Londres, Sadiq Khan, à propos d’un éventuel re-confinement de ses administrés.

Matt Hancock : "Sounds like Sadiq is lining up to being Burnham"

Matt Hancock : "On dirait que Sadiq s’apprête à s’aligner sur Burnham"

Andy Burham est le maire du Grand-Manchester. Il s’était en partie opposé au  durcissement du confinement imposé à son agglomération au mois d’octobre 2020 (le confinement national de la Grande-Bretagne avait pris fin le 2 décembre suivant). 

Matt Hancock redoute que Sadiq Khan conteste à son tour d’éventuelles préconisations du gouvernement de confiner strictement la population.

Une perspective qui, non seulement n’intéresse guère l’opinion publique (alors focalisée sur le Brexit en cours de négociation), mais n'enchante aucunement cette dernière à l’approche des fêtes de Noël.

Pour parvenir à ses fins, et ainsi balayer l’apparition d’un "axe de résistance" aux confinements, constitué de politiques et de citoyens lassés par les mesures d’enfermement, Matt Hancock sort de sa manche la carte de la peur :

Matt Hancock : "When do we deploy the new variant ?"

Matt Hancock : "Quand va-t-on déployer le nouveau variant ?"
 

Cette interrogation indique le suivi d'un plan de communication construit autour de l’idée que le nouveau variant peut “mettre la trouille à tout le monde”, comme Hancock l’exprime dans un autre message échangé sur WhatsApp, et “faire changer les comportements”, comme lui répond Damien Pool.

En somme, il s'agit d'utiliser la peur pour faire taire toute contestation à l'encontre des mesures de confinements.

Et d'utiliser le variant en question (le B.1.1.7 dont les premiers échantillons sont étudiés au Royaume-Uni dès septembre 2020, et inscrit dans la nomenclature des coronavirus le 18 décembre 2020) de façon opportuniste dans le cadre d'un agenda plus politique que sanitaire.

Deadly virus


Dès le lendemain des messages échangés entre Hancock et Pool, le Secrétaire d’
État déclare lors d’une conférence de presse publique, 
tenue le 14 décembre, que de nouvelles mesures coercitives doivent être adoptées, en raison d’un “deadly virus”, un virus mortel.

Aucune nuance n’est apportée à ce constat : ni en fonction de la classe d’âge des personnes éventuellement exposées au virus, ni en fonction de leurs fragilités (comorbidités des personnes infectées, maladies auto-immunes…). 

Matt Hancock ne s’est pas limité à l’usage du Project Fear (le “projet peur”, comme il est communément nommé au sein de la scène politique anglaise).

Chantage aux subventions

Confronté à des résistances locales face à la volonté de mettre en place un confinement le plus large possible, qui concernerait alors Londres et le sud de l'Angleterre, Matt Hancock va pratiquer une forme de chantage aux subventions publiques. 

Un autre échange sur WhatsApp, daté cette fois-ci du 22 novembre 2020 entre Hancock et Allan Nixon, un conseiller politique, détaille cette stratégie, dont le but est de réduire au silence les élus locaux.

Allan Nixon : I think we need to dangle our top asks over some of these 2019 intake MPs who are going off the boil this coming week. Thoughts on me suggesting to Chief's spads that they give us a list of the 2019 intakes thinking of rebelling. Eg James wants his Learning Disability Hub in Bury - whips call him up and say Health team want to work with him to deliver this but that'll be off the table if he rebels. These guys're-election hinges on us in a lot of instances, and we know what they want. We should seriously consider using it IMO.

Allan Nixon : Je pense personnellement qu’il faudrait suggérer aux chefs de file (des majorités, ndlr) de nous donner une liste des députés (...) qui envisagent de se rebeller. Par exemple, James veut son centre d’apprentissage pour les personnes handicapées à Bury - les Whips l'appellent et lui disent que l’équipe (du ministère) de la Santé veut travailler avec lui pour réaliser ce projet, mais que cela ne sera plus possible s'il se rebelle. La réélection de ces hommes dépend de nous dans de nombreux cas, et nous savons ce qu'ils veulent. Nous devrions sérieusement envisager d’utiliser cela, à mon avis. 

Matt Hancock : yes 100%

Matt Hancock : oui à 100%

Nixon évoque le financement d’un centre pour personnes handicapées à Bury dans le Grand-Manchester. Le député conservateur de la circonscription, James Daly, est hostile à de nouvelles mesures de confinement.

La suppression de subventions qui concernent un projet de construction très attendu de ses concitoyens, est donc brandi comme moyen de pression sur le député. 

Cette manière de procéder de la part de Matt Hancock vise également d’autres élus, et d’autres subventions de l'État. Certains parlementaires évoquent le comportement d'un homme "ivre de pouvoir", d'autres des "tractations" politiques qui n'auraient rien d'inhabituel.

Le député Jake Berry (du parti conservateur) a déclaré dans un tweet du 6 mars que “Hancock devrait être traîné devant la Chambre des communes demain matin à la première heure pour être interrogé à ce sujet."

 

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Les dessins d'ARA

Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.