Comment l'Union Européenne veut contrôler l'information grâce aux Big Techs. Partie 8) Les synergies qui transforment le journalisme en un outil de surveillance
Enquête en plusieurs parties - Comment l'Union Européenne veut contrôler l'information grâce aux Big Techs. Du fact-checking aux agences de renseignements américaines : aux origines d’une prison digitale.
- Retrouvez la partie 1) Politique et info, un vieux couple français
- Partie 2) La toute-puissance financière des Big Techs
- Partie 3) Algorithmes et dépendances
- Partie 4) La dépendance des médias et l'avènement du fact-checking
- Partie 5) Objectifs, mécanismes et contexte de la loi "infox"
- Partie 6) Hiérarchisation et retour de la censure
- Partie 7) Dans les coulisses de l'UE, une foule d'acteurs qui commercent avec l'info
INTRODUCTION - Pendant la crise du Covid-19, les principaux médias français ont relayé, sans réelle distanciation, la communication gouvernementale et les positions de l'industrie pharmaceutique. La défense des confinements et du “tout-vaccin” est devenue un axiome inattaquable, défiant toute approche scientifique raisonnable et équilibrée. Au lieu d'enquêter, de vérifier et de varier les sources afin de nourrir un débat contradictoire, des cellules de "fact-checking", intégrées au sein des rédactions de presse et financées par les Big Techs, ont court-circuité le rôle du journaliste et ont torpillé tout débat critique et complexe. Sous prétexte de lutte contre la désinformation, ces partenariats invasifs ont été appuyés par l'Union Européenne, y compris avec des subventions. Ils font apparaître un nouveau mécanisme capable d’influencer les opinions publiques sur n’importe quel sujet. En coulisses, d’autres acteurs troubles modèlent l’information, des think-tanks mais aussi diverses agences internationales du renseignement. Au sein de ce décor, le journalisme se transforme peu à peu en un inquiétant outil de contrôle et de surveillance des idées, avec des velléités de museler la liberté d’expression. L'Europe est-elle en train de devenir une prison digitale de l'information ?
PARTIE 8 - L'énumération des synergies qui se développent au sein de l'Union Européenne, entre structures de presse, Big Tech, lobbies du monde de l'industrie et autres laboratoires d'idées afin de façonner le journalisme, notamment via le fact-checking, n'est pas encore complète.
Il ne faut pas oublier le rôle de certaines "ONG" (Organisations non gouvernementales), qui se déclarent spécialisées dans les "troubles de l'information". Comme EU Lab Disinfo, domiciliée à Bruxelles, qui se présente ainsi :
"As an independant non-profit organisation, EU Disinfolab gathers knowledge and expertise on disinformation in Europe. Through putting together research, investigative work and policy acumen, EU DisinfoLab is an active member of, and supports a passionate and vast community that helps to detect, tackle, and prevent information disorders endangering citizens' integrity, peaceful coexistence and democratic values."
"En tant qu'organisation indépendante à but non lucratif, EU Disinfolab rassemble les connaissances et l'expertise sur la désinformation en Europe. En associant la recherche, le travail d'investigation et le sens politique, EU DisinfoLab est un membre actif d'une communauté vaste et passionnée qui aide à détecter, combattre et prévenir les troubles de l'information mettant en péril l'intégrité des citoyens, la coexistence pacifique et les valeurs démocratiques."
L'utilisation du "sens politique" de cette ONG a provoqué une vive polémique en France, au moment de l'affaire Benalla. L'apparent comportement de DisinfoLab de ficher et discréditer ceux qui s'indignaient de l'affaire sur les réseaux sociaux a posé question à propos de son indépendance réelle.
Des observateurs ont soulevé, par exemple, des accointances entre DisinfoLab et La République en Marche (LREM). Le rôle de l'ONG aurait permis de minorer l'importance de l'affaire Benalla tout en dénigrant ses relais médiatiques : une évidente limitation du débat démocratique.
Peut-on trouver d'autres exemples comparables dans d'autres domaines de l'information ? Voyons cela par rapport à la gestion du Covid-19 et à ce qui a été qualifié "d'infodémie" par DisinfoLab. En ce qui concerne la France, voici ce que présente la notice "théories du complot" de l'ONG :
"Other dishonest reasons to hide the cure from the masses allegedly include the economic interests involved in selling an overpriced antidote. In France, where the debate on the use of chloroquine is quite relevant, destabilising transmitters accused the government of refusing patients the successful cure because the invention of a vaccine would be more profitable, receiving pressure from pharmaceutical companies to do so."
“Les autres raisons malhonnêtes de cacher des traitements qui sont invoqués sont les intérêts économiques à l’œuvre dans la vente de traitements très chers. En France, où le débat sur l’usage de la chloroquine est une bonne illustration, des relais de déstabilisation ont accusé le gouvernement de refuser aux patients un traitement efficace, parce que l’introduction d’un vaccin serait plus profitable, sous pression des compagnies pharmaceutiques.”
Le simple fait d'évoquer des intérêts commerciaux et les choix troubles faits en la matière, comme la négociation d'obscurs contrats avec l'industrie pharmaceutique, devient par conséquent suspect. Il s'agit en somme de justifier les décisions prises par l'exécutif et les autorités sanitaires d'un pays qui ont refusé de recourir à une molécule efficace pour soigner la Covid-19 en situation d'urgence.
Pourtant, les raisons économiques et financières qui ont conduit à un tel choix ne peuvent pas être éludées. A fortiori lorsqu'un scandale apparaît au sein du système de santé britannique :
"Il est naïf de croire que c'est dans l'intérêt du NHS". Comment les millions de l'industrie pharmaceutique influencent le système de santé britannique. https://t.co/v1siJiNsYH
— Formindep (@Formindep) July 10, 2023
Système industriel destructeur du journalisme
Que cela soit face à des sujets politiques, économiques ou sanitaires, un véritable mécanisme au rouage complexe s'est développé pour normaliser (mettre au pas ?) le journalisme et obstruer ses enquêtes. Cela, grâce à des acteurs souvent issus du privé, spécialisés dans le numérique, disposant systématiquement d’une fine connaissance du public désireux de s'informer (par le ciblage des données personnelles), mais aussi d'éventuels producteurs spontanés de l'information (sur les réseaux sociaux ou au sein de rédactions de presse).
À cet égard, rappelons que les "lanceurs d'alerte" font partie de cette catégorie. Tout comme n'importe quel spécialiste qui souhaite grâce à ses connaissances ou à ses informations éclairer différemment un choix politique, montrer ses limites ou ses incohérences.
Cet étonnant empressement à connaître qui souhaite informer, comment, et avec quel positionnement, a de quoi surprendre et inquiéter. Il devrait immédiatement alerter sur les conséquences politiques, liberticides. On peut ici faire un parallèle avec le soin et les moyens techniques déployés par Google afin de connaître le profil d'un consommateur aussi bien que celui d'un annonceur (cf. partie 3).
Illustrons le propos. À l'heure actuelle, comment aurait fait Edward Snowden pour se faire entendre au sein d'un tel carcan digital ? Comment le journaliste Glenn Greenwald (cf. fin de la partie 7) aurait-il pu médiatiser l'affaire Snowden si les révélations à propos de la NSA avaient été considérées dès le départ comme une "fake news" par les médias et les ONG liées au monde de l'information ?
Les révélations auraient été rapidement circonscrites et mises sous le boisseau grâce à la mobilisation d'un quelconque réseau de "contrôle des fausses informations". Aujourd'hui, il est probable que les révélations d’Edward Snowden n'auraient pas pu toucher l'opinion publique mondiale.
Certes, la plateforme Twitter, qui a été rachetée par Elon Musk, a pu révéler tout le scandale des Twitter Files. Mais à quel niveau d'audience et pour quel type de public ? Les difficultés de l’oiseau bleu en Europe à rester totalement "libre" en tant que diffuseur de contenus confirment ce constat, avec de nombreuses tractations en cours, très tendues, entre Elon Musk et Thierry Breton, le Commissaire européen au marché intérieur.
Passerelle entre Bruxelles et Washington
Heureusement, l'Union Européenne qui présente sa politique de lutte contre la désinformation sur son site web assure vouloir protéger la "liberté d'expression" et donner aux journalistes les moyens de "protéger leur indépendance". Cela commence mal, hélas, lorsqu'on consulte, sur la même page, un "exemple de désinformation".
Il concerne l'origine du virus, dont seule la source pleinement "naturelle" est envisagée. Ainsi, les informations, qui provenaient de journalistes capables de comprendre le sujet et de médiatiser des arguments scientifiques soutenant la thèse d'une origine différente du SARS-CoV-2 (en l'occurrence une fuite du laboratoire de Wuhan), ont été systématiquement balayées d'un revers de la main. On note le zèle de la plateforme Facebook-Meta en la matière, digne d'un "effacement du réel".
Les origines précises de cette censure ont été décrites dans les Twitter files. Elles impliquent les services du renseignement étasunien (dont le FBI et la CIA) : il apparaît clairement une passerelle entre Bruxelles et Washington, qui a permis d'aligner la mire à propos de la mise en place d’une “prison digitale de l’information”.
Une prison qui a besoin de ses gardiens, comme les fact-checkers, qui ont passé leur temps à soutenir la thèse du pangolin à l'origine du virus, tout en attaquant les autres hypothèses scientifiques, sans mener l'enquête, sans vérifier, et sans avoir les moyens de comprendre le sujet.
- Prochaine partie à suivre...
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