Attentats de Bruxelles : l'impossible défi du risque zéro dans les transports
"Tant que l'aviation et les transports publics en général demeureront une cible de choix pour les groupes terroristes, le risque ne pourra jamais être éliminé à 100%", estime Ben Vogel, expert dans le domaine des aéroports chez IHS.
Une attaque commise dans une zone non sécurisée -comme cela a été le cas à l'aéroport de Bruxelles- constitue "un véritable casse-tête pour les services de sécurité qui se sont principalement concentrés sur le contrôle des passagers à des checkpoints -avec un certain succès puisqu'il semblerait que les terroristes ont changé de modus operandi", souligne M. Vogel interrogé par l'AFP.
Les halls des aéroports sont libres d'accès en Europe, les passagers et leurs bagages ne sont inspectés qu'après leur enregistrement lors de l'accès à la zone de sûreté. Si la sécurité de la zone publique des aéroports est perfectible, selon les experts, un filtrage des accès semble difficile à mettre en œuvre sous peine d'engorgement total d'aéroports de plus en plus gigantesques.
"La logistique d'un tel verrouillage d'un aéroport est contraire à la fluidité du trafic dont il se nourrit. Imaginez que les voitures soient arrêtées à des kilomètres de l'aéroport pour être fouillées. Où exactement (faudrait-il les arrêter) pour éviter un embouteillage monstre?", commente pour l'AFP David Bentley, un expert en aéronautique britannique.
Un point de vue partagé par le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve: "Il faut là aussi être rationnel et chercher l’efficacité maximale, si vous opérez des contrôles à l’entrée des aéroports vous allez d'abord emboliser les aéroports, vous allez rendre impossible le fonctionnement de l’économie". "Si vous constituez des files d’attente devant les aéroports vous constituez autant de cibles pour les terroristes", a-t-il ajouté sur la radio France Inter. "Pour être réaliste, seuls de meilleurs services de renseignements l'emporteront", estime M. Bentley.
Pour le député français Gilles Savary, rapporteur de la loi sur la sécurité dans les transports en France, il s'agit "de resserrer au maximum les mailles du filet sachant qu'on peut toujours passer à travers". "Si (l'aéroport de) Zaventem était un bunker inaccessible ils auraient tapé sur un marché de Bruxelles. Donc nous avons le choix entre la bunkerisation ou la vie et entre les deux, il y a le risque", a-t-il déclaré à l'AFP. En France, depuis les attentats du 13 novembre à Paris, une loi relative notamment à la lutte "contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs" a été adoptée.
Mais "l'Europe est le grand absent du sujet", déplore le député plaidant en faveur d'"un cadre législatif européen en matière de sûreté dans les transports terrestres comme il en existe dans le transport aérien depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York".
Dans le transport ferroviaire, les attentats du 13 novembre et l'attaque ratée fin août dans un train Thalys ont conduit à l'installation de portiques pour les voyageurs et de scanners à rayons X pour les bagages, à l'entrée des quais des lignes internationales Thalys.
La compagnie française SNCF consacre chaque année plus de 400 millions d'euros à la sûreté et développe également "des moyens innovants de sûreté avec des nouveaux modes de détection d'explosifs et d'armement, des logiciels d'analyse comportementale testés sous le contrôle de la CNIL", a-t-elle précisé à l'AFP.
Une extension du périmètre de fouille aux portes des terminaux demanderait une révision complète de la configuration des terminaux avec des coûts élevés et des temps d'attente encore plus long pour les passagers, "le défi est encore plus important pour les transports terrestres -notamment ferroviaires", selon M. Vogel.
"Le coût est tellement décourageant pour les réseaux ferrés que les 28 Etats membres empêchent depuis des années la Commission de faire des propositions sur la sécurité ferroviaire européenne. Ce blocage résistera-t-il à la pression publique, c'est le test pour les mois à venir".
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