Brésil : Jair Bolsonaro face à la justice suprême


Depuis son départ de la présidence le 1er janvier 2023, Jair Bolsonaro, ancien chef d’État brésilien, fait l’objet d’une procédure judiciaire devant le Tribunal suprême fédéral (STF), plus précisément sa Première Chambre, à Brasilia. Ce procès, en cours en mars 2025, dépasse le cadre pénal : il est perçu comme un enjeu politique, entre défense de la démocratie pour certains et règlement de comptes pour d’autres.
Les événements déclencheurs remontent au 8 janvier 2023. Une semaine après l’investiture de Luiz Inácio Lula da Silva, élu en octobre 2022 avec 50,9 % des voix contre 49,1 % pour Bolsonaro, des milliers de manifestants envahissent le Congrès, le Palais du Planalto et le STF, contestant le résultat électoral. Ces actes, comparés à l’assaut du Capitole américain en 2021, ont conduit le STF, sous l’impulsion d’Alexandre de Moraes, à enquêter sur une possible « tentative de coup d’État ».
Les accusations en détail
L’enquête vise Bolsonaro et plusieurs proches, dont Walter Braga Netto (ex-ministre de la Défense), Augusto Heleno (ex-conseiller à la sécurité), Anderson Torres (ex-ministre de la Justice), Paulo Sérgio Nogueira (ex-commandant de l’armée) et Rodolfo Ramagem (ex-chef de l’Agence brésilienne de renseignement). Elle s’appuie notamment sur les déclarations de Mauro Cid, ancien aide de camp de Bolsonaro, qui aurait fourni des informations en échange d’une réduction de peine.
Les charges évoquent une « organisation criminelle » visant à “abolir l’État de droit”. Réunions avec des militaires, discours critiques contre le STF et le système électoral, ainsi que des appels présumés à la mobilisation sont cités comme éléments à charge. Cependant, la défense conteste la solidité des preuves, dénonçant une affaire motivée par des raisons politiques.
La couverture médiatique
Les grands journaux brésiliens – O Estado de S. Paulo (Estadão), Folha de S.Paulo et O Globo – suivent l’affaire de près. Estadão adopte un ton modéré, saluant le rôle du STF tout en notant certaines réserves. Folha publie des opinions variées, mais penche vers l’accusation. O Globo soutient fermement le tribunal, présenté comme un rempart contre le chaos. Tous partagent une tendance à accepter les bases de l’accusation sans les remettre en question, influençant ainsi l’opinion publique avant le jugement.
Le rapport d’Alexandre de Moraes
Le rapport de Moraes, pièce centrale du dossier, décrit Bolsonaro comme le meneur d’un plan visant à renverser l’ordre démocratique. Il mentionne des réunions et des discours comme preuves d’une conspiration. Son ton affirmatif, sans formules prudentes, tranche avec l’impartialité attendue à ce stade. La défense critique cette approche, y voyant un jugement anticipé plutôt qu’une simple présentation des faits.
La réponse de la défense
Les avocats des accusés contre-attaquent. Celso Vilardi, représentant Bolsonaro, affirme qu’aucun acte concret ne prouve une tentative de coup d’État, citant la transition pacifique du pouvoir en 2023. Il remet en cause la fiabilité des déclarations de Mauro Cid et dénonce l’accès limité aux pièces du dossier. Les défenseurs des co-accusés, comme Walter Braga Netto ou Augusto Heleno, soulignent l’absence de preuves spécifiques les impliquant, plaidant que l’accusation repose sur des suppositions. Si tel est le cas, cela représente une dérive du droit pénal.
Le rôle de la Cour
Malgré ces arguments, la Première Chambre suit largement Moraes, Luiz Fux étant le seul à exprimer des réserves partielles. Les objections de la défense – absence de preuves individualisées, incohérences dans le témoignage de Cid, vices de procédure – ne semblent pas pleinement prises en compte. Certains observateurs notent que les décisions manquent de motivation détaillée, comme l’exige la Constitution brésilienne. En effet, l’article 93, IX de la Constitution brésilienne impose que toute décision judiciaire soit dûment motivée, ce qui va bien au-delà d’une simple énumération de motifs ou d’un alignement vague sur l’accusation. Cette exigence constitutionnelle demande une approche rationnelle, dialectique et approfondie : chaque point soulevé par les parties doit être analysé avec soin.
Pourtant, lors des débats à la Première Chambre, les ministres — à l’exception d’une réserve partielle de Luiz Fux — se sont contentés de reprendre les prémices de Moraes sans affronter réellement les objections des défenses. Quid des preuves spécifiques pour chaque accusé ?
Quid des incohérences dans les déclarations de Mauro Cid ? Quid des explications sur les irrégularités procédurales, comme l’accès limité aux pièces du dossier pour la défense ? Ces questions restent sans réponse claire. Les votes des juges s’enchaînent, reprenant les arguments de l’accusation sans vraiment aborder les objections soulevées. Le procès risque ainsi de ressembler à une simple formalité, loin des exigences de fond du droit. Une justice qui fait la sourde oreille soulève des interrogations sur son impartialité.
Une justice sous tension
Quid des incohérences dans les déclarations de Mauro Cid ? Quid des explications sur les irrégularités procédurales, comme l’accès limité aux pièces du dossier pour la défense ? Ces questions restent sans réponse claire. Le procès soulève des questions sur son impartialité. La défense dénonce une interprétation sélective des textes juridiques par le STF, oscillant entre rigueur et souplesse selon les besoins. Pour les uns, ce procès protège la démocratie ; pour les autres, il vise à neutraliser un adversaire politique.
Que retenir ?
Bolsonaro et ses alliés sont-ils responsables d’un complot, ou victimes d’une procédure contestable ? L’issue du procès, encore incertaine, met en lumière les tensions entre justice et politique au Brésil. Au-delà des accusés, c’est la légitimité du STF qui pourrait être jugée, dans un contexte de polarisation extrême.
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