Le Qatar réoriente ses exportations de gaz vers l'Europe via l'Afrique du Sud
MONDE - Les méthaniers qataris n'emprunteront plus la mer Rouge pour livrer du carburant à leurs clients européens. Qatar Energy a annoncé son choix de suivre d'autres compagnies maritimes qui évitent déjà cette route, craignant d'être pris pour cible près des côtes yéménites par les Houthis.
Le marché du gaz naturel liquéfié (GNL) subit les répercussions du conflit en mer Rouge. Les attaques menées par les Houthis ciblant divers navires, du porte-conteneurs aux cargaisons de GNL, ont intensifié les hostilités dans la région. Dans une tentative de sécuriser l'une des principales routes maritimes passant par le canal de Suez, les États-Unis et le Royaume-Uni ont pris des mesures en attaquant certaines positions de la milice alliée de l’Iran.
En tant qu'exportateur mondial de GNL, le Qatar joue un rôle clé dans la sécurité de l'approvisionnement en Europe.
Le nombre de méthaniers traversant la zone est d'environ 30 à 40 par mois, le Qatar étant le principal utilisateur en 2023. Le deuxième est la Russie, qui utilise la route en sens inverse : pour relier le champ de Yamal (dans l’Arctique) à la Chine, en particulier pendant les mois d'hiver. Bien que dans une bien moindre mesure, les navires américains passent également par le canal de Suez et la mer Rouge pour se rendre en Asie, région du globe où se trouvent les trois plus grands consommateurs de GNL au monde : la Chine, le Japon et la Corée du Sud.
Trois navires immobilisés à Oman
Pour l'instant, au moins trois navires se sont arrêtés avant de traverser le détroit de Bab al-Mandeb. Ils attendent toujours que l'entreprise publique qatarie prenne une décision sur la poursuite de la route en mer Rouge vers l'Égypte ou la descente vers l'Afrique du Sud.
Plus précisément, l'Al Ghariya, l'Al Huwaila et l'Al Nuaman (les noms des navires) attendent de savoir s'ils doivent se diriger vers l'ouest à travers le détroit jusqu'à la mer Rouge ou s'ils vont plutôt mettre le cap au sud et contourner l'Afrique australe pour atteindre l'Europe.
Néanmoins, les marchés gaziers européens n'ont pas réagi, contrairement aux attentes. Au lieu de grimper comme anticipé, les prix ont baissé, passant sous la barre des 30 euros par mégawattheure. L'Europe, ayant bien anticipé la situation, affiche des stockages de gaz suffisants pour cette période de l'année, tandis que la demande reste stable.
Impacts sur l'approvisionnement gazier en Europe
C'est un changement de paysage significatif : les navires de diverses compagnies, dont la société danoise Maersk, devront suivre une nouvelle route vers le sud, en direction du cap de Bonne-Espérance. Ce parcours, plus long et coûteux, entraînera une hausse des coûts d'expédition et une réduction de la disponibilité des méthaniers pour approvisionner l'Europe. Des sources de Qatar Energy confirment : "Si le passage par la mer Rouge reste risqué, nous opterons pour le cap de Bonne-Espérance."
Le gaz qatari initialement destiné à l'Europe peut être redirigé vers la Chine, laissant ainsi la place au gaz américain, algérien ou nigérian.
Ce changement de direction des exportations est réalisable avec des achats spot (transactions se réalisant quotidiennement, avec des prix fixés instantanément et au comptant, c'est-à-dire sur le moment), pouvant se faire d'une semaine à l'autre, voire d'un jour à l'autre, notamment pour les méthaniers déjà en route. Toutefois, cela n'est pas aussi simple avec des achats contractés des mois à l'avance et à des prix plus avantageux, impliquant un seul acheteur et un seul vendeur.
Le passage par le cap de Bonne-Espérance rallonge considérablement le trajet : environ 27 jours en mer, comparé aux 18 jours via la mer Rouge et le canal de Suez.
Le ralentissement des expéditions de gaz qatari par la mer Rouge indique également que les récentes attaques américaines et britanniques contre les rebelles houthis n'ont pas encore amélioré la situation de manière significative. Cette voie, qui est de loin la plus courte entre l'Asie et l'Europe, représente une autoroute maritime vitale où environ 12 % du commerce mondial transite.
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